Le piano d'Arthur
L’ex-capitaine du Bachibouzouk Band, Arthur H, oublie un temps sa fine équipe pour traverser, seul, quatorze ans de carrière et des dizaines de compositions. Une exploration au piano d’un compositeur unique pour la sortie d'un nouvel album intitulé très à propos Piano solo.
Arthur H à nu, complètement nu.
L’ex-capitaine du Bachibouzouk Band, Arthur H, oublie un temps sa fine équipe pour traverser, seul, quatorze ans de carrière et des dizaines de compositions. Une exploration au piano d’un compositeur unique pour la sortie d'un nouvel album intitulé très à propos Piano solo.
On dit que c’est souvent dans le plus grand dépouillement que l'on perçoit et apprécie le mieux la qualité et la richesse d’une composition. Rendez-vous est donc pris un soir d’avril autour du seul piano d’Arthur H pour assister à l’enregistrement de son nouvel album intitulé Piano Solo. Dans la salle d’enregistrement du studio Ferber, sur les contreforts de Ménilmontant, se presse une cinquantaine de personnes bigarrées, des fans de base, des amis de passage, la maman d’Arthur, un Mathieu Boogaerts en galante compagnie… et quelques journalistes invités pour la circonstance. L’ambiance est détendue et un peu empruntée quand il s’agit de savoir où s’asseoir sur les coussins orientaux qui accueillent les H-ophiles.
Le voilà qui débarque un mug de thé à la main, pantalon noir et polo écarlate. Souriant, il salue la "salle", plaisante avec les premiers rangs et attaque le répertoire. Son répertoire fétiche, composé de quelques-uns de ses airs les plus connus mais aussi de reprises exclusivement féminines. "Les chansons de femmes sont celles qui me touchent le plus. Ma mère m’en chantait à la maison quand j’étais petit. Reprendre aujourd’hui Nue au soleil ou The man I love, c’est faire appel à des souvenirs très intimes et… agréables." expliquera Arthur après l’enregistrement. De fait, entendre cette voix éraillée réinterpréter un des tubes de Brigitte Bardot : "Et pourtant sans être impudique au fond / j’avoue que c’est grisant : nue au soleil / complètement nue au soleil / complètement…" soulève une mini transe dans le public quadra qui a été bercé par cette scie musicalo-naturiste… Résultat : hilarité générale y compris, et surtout, du pianiste chanteur.
Son effet réussi, il s’attaque de nouveau à la nostalgie du public qui est aussi la sienne. Avec la foi du charbonnier, il entame les premières mesures de Chem-cheminée tiré du film de Walt Disney Mary Poppins. Quarante mômes sous le charme écoutent émerveillés et croient voir des charbonniers et des nurses à ombrelle danser autour du piano. Sur l’écran noir de ses touches blanches, Arthur continue de dérouler son cinéma. Avec le scénario mélodico-dramatique de Cool jazz une de ses compositions les plus réussies au niveau des arrangements de cuivres et de cordes dans sa version originale et qui, là, est envoûtante de sobriété. Cool Jazz est la voie ouverte à un enchaînement limpide et si simple… The man I love, un des standards du jazz signé Gershwin et immortalisé par Billie Holiday. Dernière de ses reprises « Hollywood » interprétées religieusement par son amante de scène : Brigitte Fontaine. Arthur se fend aussi d’un inédit haletant où il joue autant des touches de son piano que du souffle saccadé de ses inspirations/expirations. Un très émouvant Le temps d’un éclair, amour fugace, cueille le public sous le charme…
L’enregistrement se prolonge tard dans la nuit. Arthur fait une pause, demande au public s’il y a une chanson qu’il voudrait réentendre. On n'est pas loin de lui répondre : "Toutes !". Il reprend L’alcool puis J’ai un revolver. Doucement le concert/enregistrement s’achève. Dans cette belle soirée de printemps, notre hôte papote et plaisante avec le public et les amis sur le pas de la porte. Les visiteurs du soir viennent lui serrer la main, lui faire une bise, les moins téméraires lui lance un merci avant de disparaître dans Paris, entre Belleville et Pigalle, bercé par les ultimes notes du Baron Noir.
Arthur H Piano solo (Polydor/Universal) 2002