L'électro-jazz de No Jazz

Une louche d'électro pour le rythme, une bonne dose de jazz pour l'improvisation, un peu de funk pour la sueur dancefloor…Le tout relevé d'une pointe de hip hop et de salsa. Voici la recette du groupe No Jazz constitué de cinq zébulons gentiment allumés qui livrent aujourd'hui un premier opus éponyme qui ressemble fort à un coup d'éclat. Cette galette qui bénéficie de la présence de Teo Macero, producteur mythique de Miles Davis, est certes le énième projet électro-jazz mais son efficacité n'en est pas moins évidente à l'image des prestations scéniques débridées du combo ! Rencontre avec Philippe Sellam, saxophoniste du groupe et adepte du "Non Jazz".

Premier album pour un groupe révélé par la scène

Une louche d'électro pour le rythme, une bonne dose de jazz pour l'improvisation, un peu de funk pour la sueur dancefloor…Le tout relevé d'une pointe de hip hop et de salsa. Voici la recette du groupe No Jazz constitué de cinq zébulons gentiment allumés qui livrent aujourd'hui un premier opus éponyme qui ressemble fort à un coup d'éclat. Cette galette qui bénéficie de la présence de Teo Macero, producteur mythique de Miles Davis, est certes le énième projet électro-jazz mais son efficacité n'en est pas moins évidente à l'image des prestations scéniques débridées du combo ! Rencontre avec Philippe Sellam, saxophoniste du groupe et adepte du "Non Jazz".

S'appeler No Jazz, c'est une manière de dire que vous ne faites pas du jazz au sens classique du terme ?
Il y a un peu de ça. Moi qui vient du jazz, j'ai envie de sortir un peu de ce milieu là, alors que les membres du groupe qui ne font pas de jazz ont envie d'y rentrer ! (rire) C'est complexe, mais on a envie de mélanger les styles. Jazz, No Jazz…C'est un peu provoc', c'est pour rire !

Le groupe est une récréation commune pour des musiciens d'univers différents ?
Non, c'est plutôt le centre du monde ! (rire) En tous cas, ça l'est devenu, parce que c'est un vrai groupe, comme il y en a dans le rock.

Vous vous définissez d'ailleurs comme un groupe de rock !
Certains musiciens du groupe viennent de l'électro, d'autres de la pop ou du rock, mais on essaie de se retrouver sur un terrain commun. Ce qu'il faut souligner, c'est que l'on est un groupe, c'est à dire des gens très motivés par un même projet, et qui marchent main dans la main.

Vous êtes cinq, d'horizons divers, et d'âges divers également de 25 à 40 ans. On ne peut donc pas vous taxer de jeunes loups aux dents longues !
Je ne me pose pas trop la question. On fait ce qu'on a envie de faire au moment voulu, sans se dire " il est trop tard ! ". Se mélanger entre musiciens plus ou moins jeunes, ça ne pose pas de problèmes dans la mesure où on est tous motivés par la même chose.

Sur Candela, le premier single extrait de l'album, on entend le rappeur dominicain Mangu…
Nous l'appréciions beaucoup, et notre manager Robert Singerman nous a permis de le rencontrer pour faire ensemble une sorte de jam session qui s'est très bien passée. On est donc entré en studio pour finaliser ça. Quelqu'un de talent, comme Mangu qui est capable d'improviser au pied levé, c'est un apport intéressant. C'est un atout, parce qu'il s'agit d'un artiste connu, mais le but est surtout de faire une belle musique avec des gens intéressants.

Dans la série 'gens intéressants', le producteur de l'album est Teo Macero (producteur de Duke Ellington, Ella Fitzgerald, Dave Brubeck et Miles Davis entre autres)…
Oui, c'était une bonne surprise. Pour nous c'est une référence, la preuve d'une certaine reconnaissance aussi. Mais c'est surtout hyper intéressant de travailler aux côtés de quelqu'un qui a côtoyé les plus grands et de se rendre compte que cette personne est aussi jeune, malgré ses 75 ans. Il est hyper avant-gardiste… et il est fou. Ça fait plaisir.

Est-ce lui qui a décidé de votre collaboration ?
Il a entendu des bandes et il a fait le déplacement spécialement sur Paris pour venir nous voir en live. Il a bien " flashé " et nous a donc invité à venir à New York, pour travailler avec lui.

C'est une pression supplémentaire de travailler avec une telle pointure ?
En fait non ! Trois des musiciens du groupe ne sont pas jazzmen et n'ont donc eu aucune pression. En fait, ils le connaissaient juste de nom ! Ça m'a peut-être rassuré. Et puis Teo nous a mis très vite à l'aise et nous a communiqué son énergie.

Une énergie que vous lui avez confisqué, puisqu'il a déclaré que cet album était le dernier de sa carrière ?
On verra ! Mais c'est vrai qu'il produit beaucoup moins qu'à une époque.

Vous êtes des vampires. Vous pompez l'énergie des autres ?
C'est vrai que l'on est assez speed (rire). Ça s'entend dans notre musique ! On a besoin d'énergie, on en donne beaucoup, et c'est vrai que l'on aime travailler avec des gens qui sont sur la même longueur d'ondes.

Quel rôle a eu Macero, hormis une certaine valeur ajoutée en terme de prestige ?
Ce sont d'abord des coups de pieds au c.., si l'on peut dire !(rire) Ils nous a boostés. Il a surtout apporté des idées, d'arrangements ou de riff, et nous a maintenu en éveil ! C'est toujours intéressant d'avoir ce qu'on appel aux Etats-Unis, un directeur artistique. C'est une chose qui se ne fait pas beaucoup en France et dont on a grandement besoin. C'est une personne en qui on fait confiance artistiquement et qui apporte un recul impossible à obtenir quand on est trop dans la musique. Et puis comme on est cinq, on n'est pas toujours d'accord…ça solutionne le problème.

L'ambition de No Jazz est-elle de donner à la fois un coup de jeune au jazz et à la musique électronique ?
La musique électronique n'a pas besoin de coup de jeune dans la mesure où elle s'adresse principalement aux jeunes. Le jazz en revanche a besoin de se secouer un peu les plumes car il commence parfois à être poussiéreux et ennuyeux. Il y a de très bonnes choses dans le jazz, mais pour le grand public, c'est un truc un peu vieillot, et c'est un peu dommage ! No Jazz, c'est une manière de dire que le jazz peut avoir la pêche, être rigolo et dansant. Ça l'était il y a longtemps et c'est important !

Les projets mêlant jazz et électro se multiplient. C'est le signe d'une limite de la seule musique électronique ?
Disons que les expériences purement électroniques commencent peut-être à tourner en rond, au niveau du son, pas au niveau de la recherche. Quand on crée ce type de musique, on a besoin de sons, la plupart du temps acoustiques. Donc, pourquoi ne pas prendre des vrais sons ? Je pense que c'est ce qui explique cette fusion avec les autres styles. No Jazz, c'est 50% de sons acoustiques. Mais ce qui nous caractérise, c'est essentiellement notre façon d'aborder la scène. On bouge beaucoup, contrairement à certains projets où l'on voit deux malheureux musiciens immobiles derrière une table. Ce qui est, je trouve assez triste. No Jazz, ça bouge énormément et je n'exagère pas ! On a la rage ! (rire)

Vous êtes donc bien un vrai groupe de rock !
Oui ! Le groupe de rock, c'est ça ! La rage d'y arriver, de se dépasser mais on a la rage contre personne !

N'avez-vous pas l'impression d'arriver un peu tard pour le style de musique que vous pratiquez, et où se sont illustré des Truffaz, St Germain etc. ?
Ce sont des gens qui ont ouvert une brèche et en cela je les remercie. Qu'il s'agisse de Julien Loureau, d'Eric Truffaz, ou même de St Germain que l'on critique beaucoup mais qui a permis à des millions de personnes de découvrir une musique instrumentale. Ça nous a permis d'avancer plus vite. C'est toujours plus facile si le terrain est déblayé, mais il faut être très bon derrière, sinon, on nous compare tout de suite. Ceci dit, je pense que nous sommes très bon ! (rire) Sans modestie !

Le public risque-t-il de voir en No Jazz le énième projet électro-jazz ?
Personnellement, je ne connais pas de groupe qui fasse cette musique-là ! On a beaucoup entendu d'électro, mais c'est un style qui laisse peu de place à l'improvisation, alors que c'est justement ce qui nous caractérise. Les musiciens de No Jazz jouent différemment à chaque concert.

Quel jugement portez-vous sur les artistes électro-jazz en général ?
Plus il y a de groupes qui feront cette musique, plus il y aura de public. Moi je ne veux pas que l'on soit les seuls. On serait complètement cloisonné dans notre truc. Beaucoup de musiciens jouent cette musique-là et des échanges se créent. Ça permet d'avancer.

Pensez-vous que le mouvement électro-jazz s'essouffle ?
On verra. En tous cas, ça ne va pas s'essouffler grâce à nous (rire). Si ça s'essouffle, c'est juste parce que les projets ne sont pas intéressants !

Propos recueilli par Loïc Bussières.

31 août : Festival du Phare in Toulon (83)
7 septembre : Festival "Jazz à la Villette" 2002 - Trabendo in Paris (75)

No Jazz (Warner Jazz France/2002)
Site web de No Jazz