Le Mali de Sidibé

A cheval entre Amiens, le reggae/ragga et l'Afrique de l'Ouest, Toma Sidibé tresse des petites chansons sensibles, en passant du chant au djembé, à la guitare ou à la kora. En Français, en anglais ou en bambara, ses ballades qui figurent sur son opus intitulé Mali Mélo parlent de la difficulté de l'exil, de l'esclavage, ou de recherche de paix intérieure.

Percus et tchache

A cheval entre Amiens, le reggae/ragga et l'Afrique de l'Ouest, Toma Sidibé tresse des petites chansons sensibles, en passant du chant au djembé, à la guitare ou à la kora. En Français, en anglais ou en bambara, ses ballades qui figurent sur son opus intitulé Mali Mélo parlent de la difficulté de l'exil, de l'esclavage, ou de recherche de paix intérieure.


Petit chapeau vissé sur la tête, ample bogolan sur les épaules, djembé autour du cou et large sourire aux lèvres : Toma Sidibé débarque sur scène comme chez un ami au Mali. D'emblée, il fait les présentations et donne au public un petit cours de bambara. "Initié, ça veut dire bonjour" lance-t-il avant de délivrer une redoutable tchatche reggae-raggamuffin sur des rythmes traditionnels maliens, puis d'enchaîner un reggae ou une ballade plus latine. Très vite la "sauce Toma" prend, et lorsque les rappeurs sénégalais du groupe Daara J débarquent pour une combinaison reggae-rap avec le Toubabou, le Blanc, du Mali, ils semblent eux-mêmes enthousiasmés par son débit verbal en bambara.

Toutefois, comme son nom ne l'indique pas, Toma Sidibé n'est pas né au Mali, mais en Côte d'Ivoire, et il a grandi à Amiens. Son patronyme lui a été donné par Séga Sidibé, un maître des percussions de la région du Wassoulou (d'où est originaire la chanteuse Oumou Sangaré). Ce "papa malien" lui a aussi révélé les secrets du djembé et des rythmes des chasseurs. Pendant plus de 10 ans, Toma n'a cessé de visiter Sidibé au Mali. C'est là que ce batteur de "rock alternatif un peu speed " a découvert la magie des percussions, djembé, dum-dums, tama et autres tambours joués dans les mariages, les baptêmes et les fêtes traditionnelles. Le premier album de Toma Sidibé a d'ailleurs été enregistré à Bamako dans les studios Mali K7, il y a deux ans. Son nouvel opus, Mali Mélo, reprend largement le travail de ce premier essai intitulé Taga Ka Segin (aller-retour en bambara), mais bénéficie d'une production plus lourde et des soins éclairés de Doctor L, alias Liam Farrel, un sorcier des manettes qui a collaboré avec les Wampas, Taxi Girl et plus récemment avec le dernier héritier de l'afro-beat, Tony Allen (l'ex-batteur de Fela).

Est-ce que tu es arrivé à l'Afrique par la musique ou à la musique par l'Afrique ?
C'est difficile à dire… J'ai grandi dans un environnement où j'ai toujours côtoyé des Africains et par ailleurs, j'ai toujours aimé taper un peu sur tout : les tables, les chaises, mon ventre ! Très tôt, ma mère m'a donc inscrit à un cours de batterie à Amiens. Puis, je me suis acheté une batterie et j'ai commencé à jouer avec différents groupes plutôt rock, notamment au sein des Picarros ! Comme Amiens est une ville de taille moyenne, les musiciens se connaissent presque tous. Donc, j'ai vite pu jouer dans plusieurs formations, et surtout avec Ouagadou un groupe composé de Soninké, originaires du Mali, du Sénégal et de Mauritanie. C'est là que je me suis mis au djembé. Mais j'ai aussi tapé pour des groupes de reggae ou de funk. Après le lycée, j'ai commencé à voyager en Afrique et en Inde, et puis de plus en plus en Afrique…

Comment as-tu décidé de sortir ta première cassette au Mali ?
Après avoir passé beaucoup de temps là-bas parce que, plus qu'ailleurs, je m'y sentais bien, j'ai eu envie de mélanger les instruments traditionnels comme le balafon, la kora, le tama, le djembé avec une tchatche ragga-rap. Je voulais surtout pouvoir écouter ce que cela donnait. Ce n'était pas pour faire une carrière. Cela n'avait jamais été fait au Mali, mais pour moi, c'était une évidence parce que j'ai toujours évolué dans ces deux mondes. D'une part dans le milieu traditionnel au Mali, où je jouais dans les mariages et les baptêmes, et d'autre part en France où je participais à des groupes de reggae, raggamuffin, rap ou funk. Et puis, lorsque les gens m'entendaient chanter en wolof ou en bambara, l'accueil était encore plus chaleureux ! En fait, j'ai fait ce que je savais faire en chant sur ce que je savais faire en percussions. Quand j'ai voulu enregistrer cette cassette au Mali, j'avais toutes les casquettes : producteur, manager, tourneur… Les ventes n'ont pas été mirobolantes, mais l'accueil a été extraordinaire. Je rencontrais beaucoup de gens dans la rue qui me disaient que c'était formidable, ils m'embrassaient et me disaient "merci d'avoir fait çà !"

Depuis, tu as réalisé de nouvelles compositions et retravaillé cet album en France avec Doctor L. A-t-il donné plus de fluidité à ta musique ?

Oui ! Au départ c'était une idée de ma maison de disques. Doctor L déstructure les morceaux, il les met dans tous les sens… Je me demandais ce que pouvait donner notre collaboration, j'avais peur qu'il change la couleur des morceaux. Finalement, il a vraiment mis les chansons en avant. Il y a des morceaux qui sont restés presque tels quels et d'autres qui ont été totalement chamboulés : améliorés, il faut bien dire, car approfondis au niveau des mélodies, des rythmiques et des harmonies ! On a aussi enregistré de nouveaux morceaux, mûris grâce à l'expérience d'un an et demi de scène.
En fait, le premier album sorti au Mali n'était pas vraiment issu d'un travail de groupe puisqu'on avait du mal à répéter ensemble à cause des distances et des transports. J'allais travailler un jour avec le bassiste dans un quartier, le lendemain avec le joueur de kora à un autre bout de la ville. Donc, ce n'était pas vraiment un travail de groupe, mais essentiellement mon travail auquel chacun ajoutait des éléments.

Tu penses rester au Mali ou tu as d'autres destinations en vue ?
J'ai vraiment envie de voyager ! Je reviens du Kenya, mais j'aimerais aller en Inde, en Amérique latine, au Pérou, au Mexique, au Yemen, … J'ai plein des destinations en vue !

Propos recueillis par Elodie Maillot

Toma Sidibé Mali Mélo (Small/Sony)