Le meilleur de Tonton David
Après six années en demi-teinte, Tonton David revient au premier plan grâce à une compilation de ses meilleurs titres et un nouveau single au titre évocateur de sa carrière : Y’a des hauts, y’a des bas.
Des hauts, des bas.
Après six années en demi-teinte, Tonton David revient au premier plan grâce à une compilation de ses meilleurs titres et un nouveau single au titre évocateur de sa carrière : Y’a des hauts, y’a des bas.
"Je suis euphorique !". Tonton David n’est pas homme à cacher ses émotions. Le sourire qui traverse son visage en dit long sur sa bonne humeur qu’il veut partager avec chaque personne qu’il croise. Il gesticule, n’arrive pas à rester en place, plaisante, s’arrête en plein milieu d’une phrase, repart sur un autre sujet, saute à toute vitesse d’idée en idée. Le "jeune artiste" comme il se considère encore à 34 ans, est aussi excité qu’à ses débuts, ravi d’enchaîner les émissions de divertissement, les talk shows, de livrer ses pronostics pour le loto sportif... "Si une fée était venue au-dessus de mon berceau me faire le plan 'tu seras chanteur', je me serais dit 'elle est barjot'", chantait-il dans Si on m’avait dit.
L’enfant de la rue tombé dans la toxicomanie, le petit délit délinquant passé plusieurs fois par la case prison est devenu un gentil père de famille heureux de mener une vie paisible depuis qu’il a rencontré la musique, presque par hasard, en 1989. Dans le reggae, il a trouvé à la fois un message de fierté et un véhicule pour ses pensées. Peuples du monde, son premier succès, marque aussi la naissance médiatique du reggae français qu’il a ensuite contribué à faire grandir jusqu’au milieu des années 90 avec Sûr et certain ou Fugitif en duo avec Cheb Mami. Rattrapé et dépassé depuis par Pierpoljak et Nuttea, Tonton David répond par Y’a des hauts, y’a des bas, une nouvelle chanson écrite à l’occasion de la sortie de son Best of. Rencontre avec un artiste attachant et lucide.
Cette compilation qui retrace votre carrière commence par Chacun sa route, l’un de vos plus gros succès. Comment définiriez-vous cette route que vous avez prise ?
Dangereuse et pleine d’obstacles quand je n’étais pas encore dans la musique et plutôt facile depuis que j’y suis, puisque j’arrive encore à retomber sur mes pieds aujourd’hui. Je suis un débrouillard. Au départ, j’ai fonctionné à l’intuition. A un moment, quand j’habitais au Fort d’Aubervilliers ou rue de Savoie à Bobigny, on me disait qu’il y avait un fonds de commerce à prendre : la banlieue. Mais je n’ai pas voulu le prendre, ça ne m’intéressait pas. Je suis dans mes petites guéguerres, dans mes coups de colère, ça me va bien. J’ai pris ma propre route, et c’est ce qui me rend fier.
Y’a des hauts, y’a des basdit votre dernière chanson. Ça vous surprend de revenir en haut de l’affiche aussi facilement ?
Oui. Attention, ça ne veut pas dire que c’est une réussite, ça veut dire que tu reviens vite dans les spirales brillantes, que tu es de nouveau devant les gens. C’est déjà beaucoup. Même si on ne me donne pas grand chose, ça me suffit, mais il faut que je sente l’honnêteté dans les yeux de tout le monde. Le patron du label Delabel aujourd’hui n’est peut-être pas l’homme le plus honnête du monde, mais c’est quelqu’un que je connais bien. Du coup, j’arrive en avance au rendez-vous - c’est quand même pas mal ! - et de bonne humeur... Je sais qu’il y a des projets qui vont bien marcher et d’autres non, mais je m’en fous. Même si on vend moins d’albums, ça me convient. Je suis un petit artiste à responsabilité limité. Je trouve que mes disques devraient être gratuits. Je ne devrais pas gagner d’argent.
Qu’on puisse télécharger gratuitement de la musique sur Internet, vous trouvez cela normal ?
C’est normal. Parce que j’ai écrit mes premières chansons en pompant sur d’autres qui, eux, avaient pompé sur d’autres. Et de nouveaux artistes qui sont arrivés après moi ont utilisé ce que j’avais fait ou ce que d’autres avaient fait. On s’en fout. Ce qui est beau, c’est d’exister.
Quel regard jetez-vous sur les cinq dernières années au cours desquelles on a très peu entendu parler de vous et de votre musique ?
Pour Récidiviste, j’étais là et pas vraiment là. Comme je n’ai pas l’impression d’être un maître du monde, je trouve qu’avoir vendu plus de 100.000 exemplaires est déjà bien. Peut-être que c’était un disque qui était plus destiné à la scène, il était plus facile à jouer en concert. Du coup, - est-ce une coïncidence - ?, mes concerts sont devenus un peu mieux à partir de cet album et beaucoup mieux après. A l’époque de Viens, ça faisait déjà neuf ans que j’étais dans ce métier. Et tout d’un coup, j’ai eu des revendications syndicales vis-à-vis de mes employeurs que je n’avais pas auparavant parce que j’étais tombé les deux pieds dedans. Je leurs disais qu’il fallait qu’on passe à autre chose. Lorsque j’ai fait Viens, c’était le bras de fer. On a cassé les contrats, je me suis retrouvé un peu dans une situation d’auto-production.
Mais vous avez tout de même accepté de travailler à nouveau ensemble pour cette compilation ?
Au début, je trouvais l’idée mauvaise. Il fallait que naturellement j’aie envie de cette histoire parce que, telle que ma maison de disques me la présentait, ce n’était qu’une affaire de gros sous. Je leur ai dit que cette histoire ne me plaisait pas mais qu’elle pourrait me séduire si un titre qui tirait le projet vers le haut. J’étais sûr que l’idée de "best of" pouvait être marrante à partir du moment où on avait une nouveauté. On n’est pas en train de faire un jubilé mais juste de dire : "Nous revoilà !". Je me suis fait envoyer la liste des morceaux qui avaient été choisis pour la compilation et j’ai écrit une chanson pour qu’elle colle avec toutes les autres. On a fait Y a des hauts, y a des bas. Après, c'est devenu la bande originale d’un film grâce à des copains... Mais avec ma maison de disques, on récupère encore d'une relation douloureuse.
Une compilation après à peine dix ans de carrière, n’est-ce pas un peu tôt ? A un moment, j’ai eu envie de faire partie de ces chanteurs qui pouvaient tenir vingt ans en France. Je me suis rendu compte qu’il ne fallait pas forcément faire de tubes commerciaux mais s’accrocher à des chansons populaires. Deux ou trois ans de succès, c’est la chance du débutant. Durer vingt ans, c’est une bataille. Il faut oser à un moment donné, ne plus plaire au quinze/vingt-cinq ans. Parce qu’il faut pouvoir vivre sa vie. Il y a une vie d’individu à gérer avant sa vie d’artiste, c’est une vraie réalité. Quand tu te rends compte que tu mets toute ta passion et tout ton amour à faire certains projets qui n’arrivent pas au bout, c’est peut-être parce qu’à ce moment-là, tu as autre chose à faire. Il y a quelque chose qui te dit : "Va t’occuper de tes mômes !". Que les choses soient claires : je suis un pauvre pécheur et j’essaie de trouver l’idéal qui me va bien. Et mon idéal, c’est dans les bois avec mes quatre mômes et ma femme.
Tonton David Best of (Delabel/Virgin) 2002