LE CAFÉ DE FLORE COMPILÉ
Paris, le 26 septembre 2002 - Son tempo est soft et jazzy comme le lieu qui l'abrite. Rendez-vous à Saint-Germain-des-Prés, la première compilation du Café de Flore, devrait figurer favorite de ces bandes-son attachées à un lieu fameux. Un album intemporel à la hauteur de la réputation du célèbre café intello parisien.
Le son d'une atmosphère.
Paris, le 26 septembre 2002 - Son tempo est soft et jazzy comme le lieu qui l'abrite. Rendez-vous à Saint-Germain-des-Prés, la première compilation du Café de Flore, devrait figurer favorite de ces bandes-son attachées à un lieu fameux. Un album intemporel à la hauteur de la réputation du célèbre café intello parisien.
Un lieu, une atmosphère
Avec ses banquettes rouges et ses boiseries d'acajou, son ambiance art déco quelque peu surannée, parmi les enseignes de boutiques de prêt-à-porter ou de prêt-à-manger qui envahissent le boulevard Saint-Germain, le café de Flore n'en continue pas moins de drainer la fine fleur parisienne du monde de l'art, de l'édition et de la politique. Les Zazous pendant la guerre, puis les existentialistes menés par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, y avaient table ouverte. Le Café est l'endroit où l'on vient depuis longtemps, autant pour voir que pour y être vu.
Aujourd'hui, après d'autres lieux parisiens tendance (la Fabrique, l'hôtel Costes, l'Alcazar,…), Le Flore lui aussi, se met à l'heure des compilations. Ne lui restait plus qu'à trouver sa bande-son idéale. Et choisir un juste milieu entre la nostalgie qui "craque" et une branchitude de bon aloi qui aurait pu s'avérer périlleuse. On n'est pas déçu. Sur la platine, c'est une compilation au tempo doux, baignée de sensualité, mêlant des valeurs sûres telles que Serge Gainsbourg avec son interprétation de Black Trombone, Diana Krall, Blossom Dearie (chanteuse culte chez les jazzophiles américains), à une nouvelle génération d'artistes français comme Marc Gauvin, Chet, Néry ou Julien Baer.
Des surprises aussi, un poil décalées, avec Eartha Kitt dans ce Je cherche un homme, enregistré en 1958 ou encore ce titre méconnu de Brigitte Bardot, Les hommes endormis. Plus convenu mais non moins émouvant, ce Il n'y a plus d'abonné au numéro que vous avez demandé d'Isabelle Aubret ou encore Nicoletta, à la voix éraillée si bluesy, dans Où es-tu passé mon Saint-Germain-des-Prés. Avec une mention spéciale pour le duo Nana Mouskouri / Michel Legrand "Quand on s'aime".
Histoire d'une sélection
Le choix des titres, loin de tout passéisme, a donc été mûrement réfléchi par ses conceptrices, deux amies, Carole Chrétiennot et Daniela Romano. L'une est aux relations publiques du Café de Flore depuis dix ans, la seconde a des responsabilités au sein de Studio Canal. "C'est un projet de copines. On avait envie d'imaginer une bande son actuelle mais intemporelle qui puisse respecter l'esprit du Flore. Bien qu'il ne soit pas un lieu musical à proprement parler, il conserve cette identité de plaque tournante du milieu des arts, de l'édition et de la littérature".
Loin de vouloir figer cette compilation dans les années 50, mais bien de lui assurer une continuité, le concept s'impose peu à peu, malgré quelques tâtonnements : "Notre projet de départ était de confier à des lauréats du Prix de Flore (prix littéraire décerné en novembre, ndlr) le soin de composer des titres originaux..." Ambitieux certes, mais aux contingences hasardeuses en matière de délai. Puis l'idée de mêler comédie musicale et cinéma se fait plus pressante. Epaulées par Laurent Balandras de Universal Publishing, elles optent finalement pour une compilation de chansons jazzy d'auteurs français. Une manière agréable et ludique d'y retrouver Anna Karina dans Petite Lola ou encore Nina Simone dans Tomorrow is my turn, (l'adaptation de L'amour c'est comme un jour de Charles Aznavour) ou encore Nico, l'ex-égérie du Velvet Underground, dans ce Strip tease gainsbourien.
Ce fut un samedi après-midi, en rond sur la moquette, dans une ambiance de cour de récré que les trois compères firent le tri parmi des caisses de CDs. Après une sélection de 300 titres, il fallut trouver une cohérence et conjuguer les affinités de chacun. Pour ses conceptrices, Julien Baer représente cette folie douce et ce côté romantique des filles et des garçons du Saint-Germain-des-Prés d'aujourd'hui, tout comme la gouaille toute parisienne de Paris Combo, aux frontières du jazz et de la musette, trouve largement sa place ici ou encore celle de Yuri Buenaventura, le chanteur de salsa colombien qui, lui, apporte une fraîcheur toute latine et son délicieux accent dans un inédit L'eau à la bouche (Serge Gainsbourg toujours…). En guise de générique de fin, le groupe Lakasha sample Nougaro après avoir entrelacé le disque de ses intermèdes musicaux.
Une image
Détail amusant, les serveurs du Flore, forts de la complicité instaurée avec certains "clients maison" depuis de très longues années, ne rechignent pas à faire l'éloge de "leur compilation" se sentant même très impliqués dans le projet. Un soin tout particulier a été apporté à l'enveloppe graphique, dominée par des couleurs pastel et des images d'archives ou actuelles entremêlées. Philippe Savoir, son concepteur, a tenu absolument à mettre en valeur l'esprit cher au Flore en mettant en avant "ce côté très porcelaine" : "J'ai volontairement axé sur une pochette blanche et utilisé un pelliculage mat pour donner cette impression de douceur et de délicatesse propre au lieu" explique le créateur, spécialisé dans le design de pochettes de disques.
La compilation du Café de Flore, sortie une première fois en juin 2002, se voit créditée d'une plage supplémentaire, à la faveur d'une seconde sortie automnale : celle du Britannique Matthew Herbert, alias Doctor Rockit, version big band de son Café de Flore que les amateurs de musique électronique ne devraient pas trop bouder. On peut sans trop déflorer le sujet imaginer une suite à cet album. On attend donc avec impatience le second volume. Pourquoi pas devant un moka sur une banquette rouge ?
Pascale Hamon
Café de Flore, rendez-vous à Saint-Germain-des-Prés (Universal jazz)
Pour en savoir plus sur l'histoire du Café de Flore : cafe-de-flore.com