Avril, Prix Constantin

Le week-end dernier, la première édition du Prix Constantin était décernée à l'artiste électro bordelais Avril pour son albumThat Horse Must Be Starving face à un public de professionnels réunis au Studio 104 de la Maison de Radio France. Qui était Philippe Constantin dont le nom est désormais associé à ce Prix, destiné à récompenser un nouveau talent n'ayant pas encore obtenu son premier disque d'or (100.000 copies vendues).

Hommage à un découvreur de talents.

Le week-end dernier, la première édition du Prix Constantin était décernée à l'artiste électro bordelais Avril pour son albumThat Horse Must Be Starving face à un public de professionnels réunis au Studio 104 de la Maison de Radio France. Qui était Philippe Constantin dont le nom est désormais associé à ce Prix, destiné à récompenser un nouveau talent n'ayant pas encore obtenu son premier disque d'or (100.000 copies vendues).

Les Anglais disent " Talent Scout", explorateur de talents et à ce titre, Philippe Constantin méritait plus que tout autre son surnom de Tintin. Editeur, journaliste, patron de label, mentor, s’il nous a quitté en janvier 1996, tous les artistes qu’il a contribué à nous faire découvrir de Julien Clerc à Angélique Kidjo en passant par Higelin, Téléphone, Daho, Eicher, Taha et tant d’autres, chantent à leur manière la mémoire de ce découvreur.
S’il avait été Américain, il aurait été de la trempe d’un Etergun, le révélateur de Ray Charles et d’Aretha Franklin ou d’un John Hammond, celui qui nous a apporté Dylan, Santana et Springsteen. Mais Philippe était français et sans doute le découvreur de talents le plus futé de sa génération. Un music lover, un amant de la musique au sens le plus pur du terme.

En 96, Stephan Eicher dédie son album 1000 vies à la mémoire de Philippe Constantin qui vient de disparaître.
Et, en épitaphe émotionnelle Der rand der welt, l’une des plus belles chansons du CD, chantée en duo avec Ismaël Lô est aussi une dédicace à Philippe : " Philippe Constantin a signé des musiciens, pas des chanteurs...," expliquait le chanteur au journaliste Jean-Claude Demari, "Il passait beaucoup de temps en Afrique, chez les Touré Kunda. C'est d'ailleurs au Sénégal que le paludisme l'a pris... La dernière personne avec laquelle il a dîné, à Dakar, est Ismaël Lô. C'est pour ça que j'ai voulu chanter avec lui. La chanson m'est venue en allemand parce que j'ai raconté cette histoire à un ami allemand. Et puis, avec les foyers d'immigrés attaqués, je trouve que c'est un joli clin d’œil, cette cohabitation du wolof et de l'allemand."

L’Afrique, l’Europe, la France, Philippe était de tant de couleurs à la fois. D’abord directeur artistique chez Pathé-Marconi, il fonde ses propres éditions Clouseau, référence au fameux inspecteur dont il partageait l’attribut moustachu et l’implacable instinct de fouineur. En 84, alors qu’il nous avait déjà apporté Clerc, Higelin, Téléphone, Starshooter, Daho, Valérie Lagrange, les Rita Mitsouko, Tintin prenait encore le temps d’interviewer son vieux pote Roger Waters pour le mensuel Best. Mais sans un iota de compromission, sans renvoi d’ascenseur à l’antithèse de ce showbiz qu’il savait si bien toiser. Dans ce dernier entretien pour la presse, Philippe demandait carrément à Waters- qui venait de congédier la moitié de Pink Floyd- s’il "essayait d’écraser tout le monde ?" et l’autre de répliquer " Oui c’est exact ". Signé Philippe Constantin. Dur de mentir face au regard de Constantin ! Après Clouseau, dont le logo en symbole rebelle représentait un avion russe de la République espagnole durant son combat contre le dictateur Franco, il s’envole pour Barclay dont il reprend la barre. Et avec lui, Barclay devient Claybar ; le label chamboulé renoue avec le succès grâce à Stephan Eicher, Bernard Lavilliers, Kent, l’Affaire Louis Trio, Gamine et Noir Désir. Parallèlement, il développe des tubes solides avec le Chacun fait ce qui lui plaît de Chagrin d’Amour, Luna Parker, Caroline Loeb et sa Ouate, Blanchard et son accordéon.


Mais Philippe Constantin avait aussi l’amour de la world music dont Paris était devenue la capitale. Dès 85 il invente le premier projet discographique humanitaire francophone avec Tam tam pour l’Ethiopie regroupant le gotha des musiciens africains de Manu Dibango à Ray Lema en passant par Sunny Ade, Touré Kunda, Salif Keïta, tous unis contre la famine. Sa première grande réussite world viendra en 87, en propulsant au sommet des classements le Yéké Yéké du Guinéen Mory Kanté . Il va signer aussi Ismaël Lô, Wassis Diop, Salif Keïta, Angélique Kidjo. Avec Carte de Séjour, le groupe de Rachid Taha puis Khaled, il parvient à imposer à nos hit-parades les métissages des rythmes neufs de l’Orient.
Des combats d’extrême gauche de ses années post 68, Philippe Constantin a su conserver à jamais son esprit insoumis. Du Douce France repris par Carte de Séjour à Le bruit et l’odeur des Toulousains Zebda, n’a-t’il pas toujours su ériger la polémique en arme politique ?

En janvier 96, Philippe Constantin abandonnait à jamais cette scène de la vie où il savait si bien briller, mais l’écho de son accent si chaleureux résonne à jamais dans les rayons de nos discothèques à travers tous ses interprètes.
On peut seulement regretter le peu d’impact médiatique de ce premier Prix Constantin . Pourtant, lui qui avait toujours le sens du symbole liberté, égalité, fraternité, ce credo indéfectible, ne l’avait-il pas toujours défendu en osant par exemple publier le Touche pas à mon pote de Bashung ou le Noir et blanc de Lavilliers ? Parmi les finalistes, on trouvait l’Ivoirien Tiken Jah Fakoly. Et à l’heure où son pays traverse une crise si grave, toujours insurgé, son cœur aurait sans doute penché vers la fraîcheur de ce reggae africain qui pulse comme l’espoir.
Philippe, si tu nous regardes…

Gérard BAR-DAVID
Mais qui est Avril?

Signé au tournant du siècle dernier par le label F Com de Laurent Garnier, qui nous avait déjà révélé l’épatant Mister Oizo, Avril - alias Frédéric Magnon - publie son premier EP Now It’s Spring l’an passé, suivi par The Date au début de cette année. Auparavant, il avait déjà été repéré par Jean-Louis Brossard, le programmateur des fameuses Transmusicales de Rennes où il s'était produit en décembre 2000.

Le premier opus d’Avril, au titre énigmatique - et inspiré par un rêve ! - That Horse Must Be Starving (ce cheval doit mourir de faim !), publié en juin dernier, est un concept album qui décline une histoire d’amour imaginaire entre un homme et une femme. Dès le premier titre Double Mind, Avril annonce la couleur en traçant ses séquences synthétiques sur la piste des Japonais du légendaire Yellow Magic Orchestra de Ruychi Sakamoto. Plus cool et moins frénétique que ses collègues de la french touch Daft Punk ou Cassius, Avril ne méprise pas les pistes de danse, mais sa quête est plus spirituelle. Influencé par les maîtres du genre que sont Kraftwerk et Dépêche Mode, Avril choisi également l’anglais pour faire passer le message de sa nouvelle pop harmonieuse.
De la légèreté de Helium Life Boat à la nostalgie du Bowie des années 70 de Like Everybody Else, en passant par la mélancolie de Global Headphones , Avril apporte sa nuance romantique à cette vague française technologiquement pop.

GBD