Guetta star
N'en déplaise aux intégristes de la musique électronique, c'est David Guetta qui a décroché le tube de l'été 2002 avec son titre Love don't let me go. Rencontre avec ce producteur et promoteur de soirées parisiennes ultra-chics qui a transformé son nom en marque.
En un titre, le Français chic explose les charts internationaux.
N'en déplaise aux intégristes de la musique électronique, c'est David Guetta qui a décroché le tube de l'été 2002 avec son titre Love don't let me go. Rencontre avec ce producteur et promoteur de soirées parisiennes ultra-chics qui a transformé son nom en marque.
Après plus de quinze ans d'activités nocturnes, David Guetta vient d'accomplir ce dont rêve tous les DJs du monde : obtenir une reconnaissance auprès du grand public, quitter le cercle, forcément trop restreint des branchés musicaux pour accéder à celui plus rentable du grand public. Des clubs d'Ibiza en passant par les campings du sud de la France ou les discothèques grecques, impossible d'échapper cet été à son Love don't let me go. Après Daft Punk, Stardust, Superfunk, Modjo et Supermen Lovers, un Français vient une fois de plus de faire danser le monde entier. Paradoxalement, plus les Frenchies cartonnent dans le temps, plus la qualité s'en ressent. Daft Punk a changé la face de la musique électronique, David Guetta restera lui, un bon souvenir de l'été 2002, comme on se souvient d'un bon vieux slow.
Le premier album de David Guetta n'est pas un chef-d'œuvre, il pêche souvent par sa facilité, ses effets convenus et ses mélodies simplistes. Des reproches que l'on peut souvent faire aux disques de variété, de pop ou de rock. Preuve qu'une certaine musique électronique est aujourd'hui entrée dans les mœurs. Les adolescents adorent. Les parents ne seront pas choqués. Et parfois, ce sont ces albums "populaires" qui permettent à un style musical d'élargir son public. Reconnaissons au moins à David Guetta ce mérite.
C'est dans ses bureaux parisiens que le DJ, patron de clubs fameux et de boîtes de strip-tease chic, et surtout le producteur, nous reçoit.
Et un carton de plus pour les producteurs électroniques français… vous sentez-vous dans la lignée de vos prédécesseurs ?
Quand on analyse les choses, il n'y a pas eu beaucoup de tubes électroniques. Surtout à ce niveaux-là. On parle énormément des nouvelles musiques, mais si on regarde le marché, les ventes n'ont rien à voir avec celles du hip hop ou du R&B. La musique électronique n'est plus un micro-marché, mais on n'est pas non plus dans le phénomène de masse. Personnellement, je me sens plus proche des Daft Punk. Même si musicalement on n'a rien à voir. Je les admire profondément car ils ont influencé le monde entier. Avec eux, on est fier d'être français. Mais le son "disco filtrée", ce n'est pas le mien. J'appartiens à la seconde génération de producteurs français.
Vous vous retrouvez aujourd'hui dans une situation schizophrène : d'un côté vous gérez des lieux très show-business, jet-set et branchés, et de l'autre vos titres passent dans les campings et les radios commerciales… pas vraiment le même monde.
C'est assez bizarre. Les titres de mon album sont partis en premier lieux de ces endroits branchés, des clubs gays où je joue et des clubs hétéros dont je m'occupe. Puis un jour tes morceaux passent à la radio et là ça touche un autre public. Tous les succès en musique électronique ont la même trajectoire : tout commence dans les clubs spécialisés, puis les discothèques au sens populaire et ensuite la radio, et la télé en dernier. Toujours en dernier la télé…
En quoi vos différentes activités nocturnes, gestion de clubs, promotions de soirées, direction artistique de discothèques et dee-jaying vous ont-elles nourri en tant que producteur ?
C'est vraiment le fait d'être DJ. J'ai commencé il y a plus de 15 ans à mixer dans des clubs. Je ne me suis pas dit : maintenant que je suis patron de boîte je vais faire DJ, c'est à la mode. J'ai eu du succès en tant que DJ, après je suis devenu promoteur, gérant de clubs et maintenant je suis propriétaire. J'ai gravi tous les échelons. Cet album est avant tout l'héritage de 15 ans de dance music. Voilà pourquoi sur Just a little love more on retrouve des influences funk, new wave, électro et house old school.
Quand on s'appelle David Guetta, que l'on invite des DJ's à se produire dans ses clubs, qu'on fréquente des DJs stars, c'est beaucoup plus facile de faire jouer ses disques…
Non. Vous savez à ce niveaux-là, personne ne fait rien par amitié. On ne met pas en jeux sa réputation pour une histoire de copains. Moi-même je ne jouerai jamais de disques que je n'aime pas sous prétexte que celui qui l'a produit est un ami. C'est pourquoi j'ai décidé de sortir mon premier maxi vynil en "white label" (ndlr : disque sans aucune indication), pour voir la réaction des DJs : elles étaient largement positives.
En ce moment vous êtes la cible de toutes les attaques dans les revues de musique électroniques. Il est de bon ton de vous brocarder sur l'aspect factice et opportuniste de votre disque.
Ça ne fait jamais plaisir. On parle là d'une certaine presse, très spécialisée. J'aurais aimé que ces mêmes journalistes descendent mon album à sa sortie. C'est un peu facile de m'allumer sur le côté tube formaté, maintenant que j'ai vendu plus de 400.000 copies. J'ai enregistré Love don't let me go il y a 1 an et demi. A cette époque, aucun journaliste ne prévoyait le retour des années 80 dans l'électronique. Le côté opportuniste me fait donc rigoler. Cela dit, et je suis le premier à avoir ce réflexe, quand tu entends un titre 10 fois par jours sur toutes les radios, tu finis par ne plus le supporter. Les branchés sont branchés tant que les disques qu'ils écoutent ne se vendent pas à des milliers d'exemplaires. C'est l'essence même de cette caste que d'avoir des goûts éloignés de la masse. Tout ça n'est pas très grave. Certains journalistes qui aiment le disque font même courir le bruit que c'est Thomas Bangalter (ndlr : l'un des deux Daft Punk) qui aurait composé les morceaux. Les gens ne savent plus quoi inventer sur mon compte.
David Guetta Just a little love more (Virgin) 2002