Ali Dragon
Pendant les vacances temporaires de Louise Attaque, les quatre membres ne sont pas restés inactifs. Gaëtan Roussel et Arnaud Samuel ont formé Tarmac, Alexandre Margraf et Robin Feix ont donné naissance au collectif Ali Dragon qui sort un premier album, Le dernier cri, et se fait connaître par internet.
La moitié de Louise Attaque sort un album électro
Pendant les vacances temporaires de Louise Attaque, les quatre membres ne sont pas restés inactifs. Gaëtan Roussel et Arnaud Samuel ont formé Tarmac, Alexandre Margraf et Robin Feix ont donné naissance au collectif Ali Dragon qui sort un premier album, Le dernier cri, et se fait connaître par internet.
Si Tarmac emprunte le chant, le violon et l'atmosphère onirique de Louise Attaque, Ali Dragon en restitue la basse, la batterie et l'énergie festive ainsi que la mise en commun et l’absence d'ego surdimensionné. Alex, Robin et David (ingénieur du son des Louise Attaque) ont fusionné avec deux talentueux bricoleurs sonores hip hop du groupe Antidote et quelques amis, dont Miossec et Phillipe, le chanteur des Wampas pour créer un collectif sans frontière.
Loin du dépouillement de Louise Attaque, Le dernier cri d’Ali Dragon est coloré, bourré d’influences, de détails, de boucles et autres sons, tantôt festif et tantôt grave. Le sampler dialogue avec la guitare, la contrebasse, les cuivres, voix, effets et instrument japonais ou percussions. Cet album puise ses influences dans la discothèque éclectique de ses créateurs : Clash, électro, hip hop, rock, dub, Brésil, Jamaïque sont quelques-uns des chemins de ce voyage sans direction ou étiquette prédéfinie.
Présageant que ce disque ne rentrerait dans aucun bac discographique, les Ali Dragon ont décidé de faire parler d’eux sur internet en lançant une "campagne de guérilla on line", un "marketing viral" qui a déjà permis de constituer une communauté de plus de 10.000 inscrits… Chacun peut y apporter ses idées, images, clips ou sons, et faire découvrir à d’autres, Ali Dragon tout en gagnant des cadeaux. Seul mot d’ordre : soyez vous-mêmes !
Rencontre avec la main d’Ali Dragon, cinq membres qui ne votent pas chaque décision mais se battent en chœur : Alex (batterie, percussions, samples et guitares), Robin (basse, claviers, graphisme), Bruno (machines), Sane (chant) et David (trompette, guitare et groovebox).
Robin : Jusqu’ici, ce qui nous semblait juste, c'était de faire des concerts pour exister et pour que les gens découvrent notre musique. Cette fois, le disque a existé avant les concerts, donc internet a rempli ce rôle de lieu d’échanges. Le réseau nous a permis de faire écouter notre musique à des milliers de gens grâce au MP3. Il y a un petit jeu, si tu fais connaître le groupe, tu peux gagner des t-shirts et des autocollants. Le réseau a permis la découverte de quelques titres en avant-première. Maintenant nous entamons une phase de promotion classique.
Bruno : Ali Dragon est un collectif d’artistes (chanteurs et musiciens) qui souhaite toucher d’autre gens et notamment des vidéastes, peintres ou photographes pour grossir le collectif. Chacun peut apporter sa pierre, proposer de réaliser des clips, des photos… On a eu plus 16.000 téléchargements de nos morceaux. Pour moi, c’est une réussite ! Les gens participent et, en quelque sorte, s’approprient la musique !
Les maisons de disques, elles, avouent craindre le piratage…
Sane : Donner quelques titres, c’est ce qu’il y a de mieux à faire. Beaucoup de maisons de disques se retiennent alors qu’elles devraient avoir la démarche inverse. Il y a une surabondance d’artistes. Aujourd’hui, le public veut voir et entendre avant d’acheter.
David : Je pense qu’Internet ne se substituera jamais à la valeur artistique de l’album. Si tu aimes la musique, tu vas acheter le disque, ne serait-ce que pour le travail graphique de Robin sur la pochette.
Robin : C’est multimédia, mais ce n’est pas une volonté. J’ai dessiné en même temps que sont nés les morceaux. L’idée était juste de les illustrer.
RFI : Vous êtes tous issus d’expériences musicales différentes, comment avez-vous conçu ce projet, essentiellement en studio ?
Alex : Ce fut long. Il y a eu beaucoup de recherche. David, Robin et moi, on se connaissait déjà puisqu’on jouait ensemble avant Louise Attaque, au sein de Caravage. Nous avons rencontré Bruno et Sane lors de tournées : ils faisaient partie du groupe Antidote. Nous étions tous arrivés à une étape de notre vie où l’on avait envie de faire autre chose. On a cherché et créé en même temps. Il a fallu attendre la fin de l’album pour avoir une idée d’ensemble. Au départ, on a essayé d’enregistrer tout ce qu’on pouvait : des improvisations en concert, des boucles, des bruits… C’était assez complexe car il fallait essayer de pousser les idées de chacun au maximum, sans toujours savoir si tout le monde devait s’impliquer sur les morceaux.
David : Notre but était de s’amuser ensemble, et non pas de faire un album, encore moins de le vendre. Nous nous sommes retrouvés tous les cinq dans un lieu avec des instruments et du matériel, un peu comme sur une île déserte… sauf que c’était au studio Plus à Paris.
Bruno: Quand certains morceaux commençaient à se dessiner, nous sommes partis en Bretagne dans une maison, puis nous avons encore travaillé et cherché pendant presque un an !
Sane : Il y a eu un travail de fond et d’autres morceaux ont été beaucoup plus spontanés, comme Follow Me qui n’a pas été retouché du tout.
RFI : Qu'en est-il de la production de cet album ?
Alex : On a en a cherché longtemps, plusieurs ce sont défilés, alors nous avons décidé de produire cet album nous-mêmes. Nous avons appris en faisant. C’est intéressant, mais très difficile.
Sane : Il a fallu faire des choix et se faire confiance. Il y a des titres qui ont un format chanson et d’autres non. Je pense qu’un producteur nous aurait obligé à formater plus le disque. On n'a jamais pensé aux ventes.
Alex : Oui, c’est vrai… Il y a un peu d’austérité dans le jeu acoustique et même en concert. Tu répètes des gestes. Je commençais vraiment à savoir comment fonctionne le rock, couplet-refrain-solo etc., alors que je trouve que les machines sont plus ludiques. On peut passer d’un son à l’autre. Il y a un côté sorcier, mais c’est le même principe.
Sane : D’une façon générale, cet album veut aller contre les artistes installés dans une formule. Quand je faisais du hip hop, j’appliquais une formule inlassablement. C’est la facilité. Or, il faut être heureux d’avoir tordu son instrument, même si tu te sens fragile d’avoir bousculé ton propre art.
RFI : Au sein de Louise Attaque, vous aviez aussi l’impression d’être formatés ?
Robin : Si on avait continué, on l’aurait été. L’art, c’est compliqué. Entre ce que tu as décidé de faire et ce que tu obtiens à la fin, ce n’est jamais la même chose. En restant dans le même cadre, tu te perfectionnes, alors que nous aurions plutôt la démarche de Picasso : quand il excelle dans le cubisme, il fait radicalement autre chose.
Alex : Si tu as du mal à faire des choix, tu auras tendance à te réfugier dans ce qui préexiste déjà ou dans ce que tu as fait avant. Or le but, c’est d’oublier tout ce qui existe pour créer.
RFI : Est-ce un hasard si la section rythmique (basse-batterie) de Louise Attaque se retrouve dans Ali Dragon ?
Robin : C’est humain, la section rythmique de Louise Attaque ne veut rien dire. On est d’abord deux copains. Ce qui était prévu avant que Louise Attaque ne prenne des vacances, c’était l’éclectisme. On y pensait déjà à l’époque avec Alex.
David : C’est eux qui marquaient le plus vif intérêt pour ce qui est éclectisme, bidouillages sonores etc. Ce n’est pas un hasard qu’on ait fait Ali Dragon avec Alex et Robin.
Alex : Nous ferons des concerts, mais encore une fois en sortant du cadre classique, dans des lieux aménagés en univers "Alidragonesque", avec des plasticiens, des graphistes… On ne sait pas encore vraiment, mais on y travaille en ce moment. L’idée serait de retrouver un DJ, un guitariste, des musiciens et puis de finir avec un sound system… mais sans avoir une formule unique !
Sane : Etre réaliste ce n’est pas forcément aimer le monde ou être philanthrope. C’est très difficile à chanter le bonheur parce qu’on paraît faux assez vite.
Alex : On chante quand même la fête, l’amusement, l’oubli des cadres, c’est déjà ça. On essaye de se libérer de nos carcans…
Ali Dragon Le Dernier Cri (Atmosphériques) 2002