La saga du Premier Gaou
Trois ans après la sortie de son album éponyme, le groupe ivoirien Magic System qui se produira le 1er décembre à l'Olympia à Paris, bouleverse le ciel médiatique français avec un objet musical non identifié, Premier Gaou. Rien ne prédestinait ce titre à devenir le succès de l'automne sur les radios commerciales hexagonales. Explications.
La fabuleuse histoire de Magic System
Trois ans après la sortie de son album éponyme, le groupe ivoirien Magic System qui se produira le 1er décembre à l'Olympia à Paris, bouleverse le ciel médiatique français avec un objet musical non identifié, Premier Gaou. Rien ne prédestinait ce titre à devenir le succès de l'automne sur les radios commerciales hexagonales. Explications.
Depuis la publication des résultats de la dernière enquête Médiamétrie consacrant NRJ comme première radio de France, ses auditeurs ont droit à de chaleureux messages d'amour et de gratitude. Inspirés de la rythmique de 1er Gaou, ces messages se déclinent sous forme de jingles ou de reprises chantées, diffusés toutes les heures à l'antenne. C'est la dernière marque de reconnaissance et d'affection que cette station témoigne ainsi au groupe Magic System, écrivant à sa manière un autre épisode de la saga 1er Gaou.
Qu'importe si un célèbre animateur de Fun Radio qui diffusait le tube a annoncé à ses auditeurs que son grand coup de cœur du moment était ce "zouk" des "Antillais" du Magic System. Diffuser 1er Gaou est devenu un véritable rituel. Le succès de cette chanson (en version originale), notamment auprès des "radios jeunes" vient déformer tous les clichés largement inspirés par les grands manitous des médias et de la diffusion du microcosme parisien. En effet, ceux-ci proclament avec une certitude mathématique qu'un titre africain et aspirant à une large visibilité, doit obéir à un formatage, à des recettes précises.
C'est aujourd'hui le règne du "groove and dance music" et les chansons n'obéissant pas à cette architecture sonore ont de très faibles chances de plaire aux auditeurs au-delà du public naturel ou communautaire de l'artiste. C'est toute cette logique de programmation que 1er Gaou a remise en cause en réussissant l'exploit de traverser avec succès tous les tests, même les plus contestables comme celui qui consiste à faire écouter des extraits de chansons par téléphone à un échantillon d'auditeurs, afin qu'ils repèrent les titres "diffusables". Le titre s'est classé en tête dans toutes les stations participant au test.
La success story de 1er Gaou
Elle commence en réalité par le lancement en février 2002 sous le titre le Bisou d'une version remix du titre, réalisée par le célèbre DJ français Bob Sinclar. Cette commande de Next Music, le label parisien du groupe, n'avait pas d'autre ambition que d'ajouter quelques singles supplémentaires aux 90.000 CDs déjà écoulés depuis les premières diffusions du titre en France sur Radio France Internationale en décembre 99. Une belle performance quand on sait que l'œuvre n'avait pas bénéficié d'un réseau de distribution fiable.
Contact FM, une modeste station lilloise, entre le titre en programmation au mois de juin 2002. C'est dans les clubs que la version technoïde de 1er Gaou trouve un nouveau public. Il va rester plusieurs semaines dans le Top5 des titres les plus diffusés dans les discothèques, aussi bien généralistes que pointues. Les DJs l'ayant adopté dès le mois d'avril, ce succès dans les clubs aura un effet starter auprès des programmateurs radio. Il est de pratique courante que ces derniers fassent leurs "courses" sur les pistes sombres durant l'été. Et c'est en écumant les dance floor que Pierre Lebrun, le programmateur de Fun Radio (radio groove, r'nb et dance) sera touché par cet "OMNI" (Objet Musical Non Identifié). Il croit déceler un tube. De l'ordre de ceux qui explosent tous les dix ans, une sorte de Yéké Yéké ou Bisso na Bisso.
La plus forte rotation de 1er Gaou dans sa version originale, celle enregistrée à Abidjan, sera relevée sur ADO FM jusqu'à 117 fois par semaine, une grande première en France. A la fin du mois d'août, Fun Radio propose à Next Music un partenariat sur la même version qui se traduit par une grande campagne de pub à l'antenne et une fréquence de dix passages par jour. 1er Gaou accède alors au saint des saints, la diffusion à l'échelle nationale et le programmateur de Fun prend là le plus grand risque de cette opération, à savoir programmer un titre qui n'entre dans aucune catégorie majeure de la play-list d'une station formatée groove et dance music.
NRJ, la désormais première radio de France depuis la dernière enquête Médiamétrie (septembre-octobre 2002) prend le relais en plaçant le tube en forte rotation, jusqu'à… huit fois par jour. Au total, ce sont 23 stations de radio sur les 33 du panel Yacast (le plus fiable de la profession) qui programment en ce moment le tube classé depuis dix semaines au sixième rang du Top 40 des titres les plus diffusés, mieux que le rappeur Eminem ou Jean-Jacques Goldman. Entre le 1er et le 7 novembre, Magic System s'offre la deuxième place de ce classement. A titre indicatif, le superbe album Moffou de Salif Keita n'a été entendu que sur cinq stations de radio dont aucune musicale. Autre fait marquant, depuis six semaines, le nouveau clip de 1er Gaou navigue entre la troisième et la cinquième place du classement des soixante clips les plus diffusés sur les principales chaînes musicales, avant Jennifer Lopez.
La coqueluche des médias français
En quatre mois, les "magiciens" sont devenus la coqueluche des médias audiovisuels français. Toutes les émissions de radio et télé à grande audience les invitent, et des animateurs à la mode comme Arthur sont devenus de fervents "Gaouphiles". Après une émission avec le groupe sur Fun, il dit avoir été séduit par leur capacité d'improvisation et d'adaptation. Bien avant que le titre ne commence à tutoyer le haut de l'affiche, Arthur a retenu 1er Gaou pour Planet Arthur, sa compilation de fin d'année déjà Disque d'or. Mieux encore, c'est sur sa demande expresse qu'un extrait du clip du groupe va figurer dans la bande promo de l'album diffusée sur les chaînes hertziennes.
La réédition de l'album incluant le remix de Bob Sinclar s'est déjà arrachée aux dernières nouvelles à plus de 100.000 exemplaires. Ce qui permet au groupe d'obtenir un double Disque d'or (album et singles). C'est la première fois qu'une œuvre détenue par un label indépendant (entre 2 et 5% des ventes en France) réalise une telle performance.
En enregistrant leur album à Abidjan, ces enfants de Marcory un quartier populaire de la capitale ivoirienne rêvaient de "chanter matin, midi et soir à la radio". Aujourd'hui, c'est fait et du côté de Next Music, on annonce pour le mois de janvier prochain le nouveau single du groupe intitulé Amoulanga, extrait du même album. Autrement dit la saga continue, avec une exposition plus intense du groupe ces dernières semaines, à la faveur de leur collaboration avec la star des ados, Leslie, dans un single qui commence à connaître un joli succès.
Le passage du groupe sur la scène de l'Olympia ce 1er décembre sera l'occasion d'apprécier sa nouvelle cote et la ferveur des nouveaux convertis. C'est le véritable enjeu de ce spectacle, le groupe ayant dans une autre vie, fait le plein de voix au Zénith, salle largement plus grande.
Magic System Premier Gaou (Next music) 1999