Nuits Atypiques de Koudougou
Située à une centaine de kilomètres de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, la ville de Koudougou organise du 27 novembre au 1er décembre le pendant africain d’un autre festival atypique, celui de Langon, près de Bordeaux. Les NAL(Nuits Atypiques de Langon) ont aidé les NAK (Nuits Atypiques de Koudougou) à prendre leur envol, exemple probant de coopération nord-sud.
7ème édition du festival au Pays des hommes intègres.
Située à une centaine de kilomètres de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, la ville de Koudougou organise du 27 novembre au 1er décembre le pendant africain d’un autre festival atypique, celui de Langon, près de Bordeaux. Les NAL(Nuits Atypiques de Langon) ont aidé les NAK (Nuits Atypiques de Koudougou) à prendre leur envol, exemple probant de coopération nord-sud.
Sur la longue route brûlée par le soleil allant vers la frontière ivoirienne fermée pour cause de conflit armé, Adama Kaboré, coordinateur des NAK, portable vissé à l’oreille, négocie les derniers préparatifs de ce festival pas comme les autres. 24 heures avant le début de la manifestation, dans sa 205 surchauffée, il apprend ainsi l’arrivée d’une contribution de l’ambassade de Chine, règle les dernières difficultés pour l’obtention des billets d’avion de la star nationale Nick Domby qui arrive de Paris et s’assure du départ de la sono prêtée par le Centre culturel français de Ouagadougou. Car c’est bien une réelle gageure que d’organiser dans cette grosse bourgade, troisième ville du pays, un festival d’initiative privée – phénomène peu courant en Afrique- qui regroupe des artistes venant de treize pays d’Afrique, d’Europe et d’Amérique.
Une idée venue de l’expérience de Koudbi Koala qui a silloné les festivals européens avec sa troupe Saaba pendant de longues années et a voulu organiser dans son pays un événement musical pérenne dans ce Burkina Faso – appelé également Pays des hommes intègres depuis la révolution de Thomas Sankara- et à l’écart des grands courants musicaux du continent.
Les NAK sont gérées par l’association Benebnooma, L’autre école, un projet qui regroupe de nombreux ateliers de formation, une infirmerie populaire, la plus importante radio communautaire du pays, Radio Palabre, ainsi que l’antenne nationale de l’association Emmaüs de l’abbé Pierre. Le portrait de l’abbé Pierre trône dans la salle d’attente de Koudbi Koala, le Fondateur comme cela est écrit sur la porte de son bureau et qui est désormais vice-président international d’Emmaüs. C’est lors du passage de sa troupe à Langon en 1995 qu’il évoque avec Patrick Lavaud, fondateur des Nuits Atypiques de Langon, la création d’un festival de musiques du monde. A l’instar des NAL qui avaient été créées pour faire découvrir cette ville plus connue pour ses vignobles que pour ses manifestations culturelles, la vocation première des NAK est de faire connaître internationalement Koudougou, ville située entre Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et les six frontières du pays. Comme Africa Fête de Mamadou Konté au Sénégal, les NAK sont devenues un rendez-vous incontournable pour la découverte des talents de la scène nationale et la preuve, comme le dit Patrick Lavaud, que les Burkinabé eux-mêmes peuvent organiser un festival sans le soutien de l’Etat.
Retour aux traditions
Après Tiken Jah Fakoly l’an passé, les deux têtes d’affiche sont cette année la Sénégalaise Coumba Gawlo Seck et la Malienne Oumou Sangaré. La chanteuse argentine Barbara Luna, le duo de rappeurs tchado-burkinabé Yeleen complètent une programmation éclectique comprenant 250 artistes venant aussi bien du Kenya que des Pays-Bas. Plein de bonne volonté, les 270 membres des différentes commissions d’organisation sont malgré tout dépassés par l’ampleur des problèmes à régler au quotidien et qui sont amplifiés par le peu d’infrastructure de la ville en transport comme en hébergement ou moyen de télécommunication.
Cette manifestation est également l’occasion de découvrir les artistes traditionnels burkinabé, à vrai dire plus connus à l’étranger que les artistes dit modernes comme la troupe Saaba qui a ouvert, noblesse oblige cette 7ème édition. Outre les quatre soirées qui ont lieu au Théâtre Populaire, vaste amphithéâtre à ciel ouvert sous la voûte céleste, les NAK sont l’occasion d’une visite quotidienne aux chefferies traditionnelles permettant ainsi d’honorer ceux qui détiennent le pouvoir ancestral, dans un pays où peu de choses ont changé malgré les Nike portées par les jeunes générations. A l’ombre du manguier, face à l’ancien palais du Lale Naba, les joueurs de balafon rivalisent de virtuosité avec les djembé, bara, tama et toun-toun dans une succession de mélopées lancinantes.
Le griot et le rappeur
La première soirée des NAK a été l’occasion de découvrir le duo tchado-burkinabé Yeleen nominé le mois passé aux Koras Awards à Johannesburg comme meilleur espoir africain et meilleur groupe du continent. Yeleen, qui signifie lumière en langue bambara, est la rencontre entre Mawndoé, le griot, et Smarty le rappeur poète ouagalais. Un groupe qui a le mérite de concevoir une nouvelle approche du rap où tradition et modernisme se retrouvent pour donner le jour au premier groupe de rap sahélien. Ecouter le Tchadien Mawndoé chanter, c’est entendre le souffle du vent qui roule à travers le massif du Tibesti, emportant avec lui son lot de rires et de pleurs jusqu’aux confins du pays mossi. Sa rencontre avec Smarty voici deux ans, leur a permis de réaliser un premier opus, Juste 1 peu 2 Lumière, sorti l’été dernier et qui fait fureur auprès des jeunes et des moins jeunes avec ses sombres chroniques de la réalité locale. Ils ont d’ailleurs rempli par 4 fois en l’espace de 5 mois la Maison du Peuple de Ouagadougou, l’équivalent de notre Zénith parisien. Une tournée est programmée au printemps prochain en France et en Suisse à l’occasion de la sortie de leur album.
Désormais chaque année, fin novembre, Koudougou sort de sa torpeur provinciale pour vivre au rythme d’une fête éphémère. Le nuage de poussière rouge qui enveloppe le site du festival est le signe que la fête populaire a commencé autour du village atypique où se côtoient artisans en tous genres, ateliers de percussions, buvettes, marabouts ou tradi-praticiens autour des artistes venus découvrir le savoir-vivre de ces hommes intègres.