Transmusicales de Rennes 2002
Dernier grand rendez-vous de l’année pour les amateurs de festivals et de découvertes musicales, les Transmusicales de Rennes entament leur vingt-quatrième édition qui a lieu du 5 au 7 décembre, avec pour débuter, une soirée entièrement dédiée aux musiques de la Réunion et de Mayotte, rarement programmées par ailleurs. Etonnantes rencontres et chaude soirée à la Cité.
La Réunion et Mayotte en invitées spéciales
Dernier grand rendez-vous de l’année pour les amateurs de festivals et de découvertes musicales, les Transmusicales de Rennes entament leur vingt-quatrième édition qui a lieu du 5 au 7 décembre, avec pour débuter, une soirée entièrement dédiée aux musiques de la Réunion et de Mayotte, rarement programmées par ailleurs. Etonnantes rencontres et chaude soirée à la Cité.
On le sait curieux, ouvert à tous les courants musicaux, dénicheur de talent. Jean-Louis Brossard, programmateur historique des Transmusicales n’a de cesse de prouver que la production discographique et surtout sa distribution n’est pas forcément le reflet de la création. Invité à la Réunion par Philippe Conrath, patron du label Cobalt et par le chanteur Danyel Waro, programmé lors de la dernière édition des Trans, Brossard a eu l’occasion d’apprécier cette scène relativement méconnue en métropole.
"La première fois que je l’ai vu à la Réunion, il était le seul à écouter et même à danser quand je chantais dans cet hôtel" se remémore Françoise Guimbert, une des invités de cette soirée à la Cité. "On jouait au bord de la piscine et les gamins s’amusaient à balancer de l’eau sur les musiciens. Les seuls intéressés, c’étaient Jean-Louis (Brossard) et sa fille!" Quand elle évoque le maloya, un des genres majeurs de la Réunion, Françoise se souvient des bals et mariages qui ont marqué son enfance : "Quand tu le joues, quand tu le danses, tu es bien". Sur scène, plus qu’elle ne l’interprète, avec des mots à elle bien sûr, elle le vit. Les percussions, djembé, tambour et rouleur "indispensable au maloya" accompagnent sa voix si puissante. Elle harangue la salle en français ou en créole. Depuis vingt-cinq ans, elle met systématiquement dans son tour de chant Tantine Zaza, son plus grand succès. Mais depuis 2001, Françoise Guimbert s’est entourée d’une nouvelle équipe de musiciens, emmenée par son éditeur et manager Christophe David. Ensemble, ils ont su faire évoluer ce maloya traditionnel vers des sonorités plus modernes, pour le plus grand bonheur, visible, de la Dame.
On le croirait sorti d’un clip de Lenny Kravitz. Pourtant, il n’est pas né à Brooklyn mais à Mayotte dans l’archipel comorien, il y a vingt sept ans. Il s’appelle M’Toro Chamou (photo), pratique la guitare depuis dix ans, s’est essayé au rap, mais a fini par trouver sa voie entre pop, reggae et le m’godro traditionnel de son île. En 1996, il a quitté Mayotte et s’est rendu en métropole où l’avenir d’un musicien semble moins incertain. Là, il a retrouvé ses pairs mahorais, Baco ou Mikidache. Ce jeune homme est sur la piste de son identité, difficile à cerner tant les influences sont nombreuses. Au travers de la musique, il tente ce pari qui lui semble difficile, de marier culture traditionnelle et réalité moderne. Les Comores ne sont pas loin et pourtant, Mayotte est une île française : "Notre propre histoire, on ne la connaît pas. On connaît beaucoup mieux celle de la métropole. Nos ancêtres les Gaulois... Il me semble nécessaire de renouer avec les racines." En même temps, "Mayotte est trop petite, il faut aller voir ailleurs". Cet écartèlement, M’Toro Chamou le chante sur scène avec fougue et conviction. Il compose des chansons en mahorais qui peuvent être jouées par des musiciens issus d’autres horizons. Il jette ainsi des ponts par nécessité comme par envie, entre son identité insulaire et la culture mondiale. Un bon exemple de world music non préfabriquée. M’Toro Chamou espère qu’en passant aux Transmusicales de Rennes, il pourra trouver un distributeur pour son dernier album M’Lango (La Porte, en mahorais). C’est là tout ce qu’on peut lui souhaiter.
Hormis ces trois artistes et groupe, d’autres ont participé à cette chaude soirée : Salem Tradition, un quatuor détonnant mené par une chanteuse aux envolées vocales impressionnantes, la compagnie Pat’Jaune, représentants des "petits blancs des hauts de la Réunion" distillant des polkas un rien désuètes dans ce festival plutôt branché ou encore Zong, collectif électro qui puise dans le maloya pour colorer subtilement le jeu des machines. Mais l‘élément le plus important pour la réussite de cette soirée a été, sans conteste, le public. Plutôt jeune, en général étudiant, il a fait preuve d’un esprit de découverte assez rare dans ce type de manifestation. Voilà un des atouts majeurs des Trans, qui participe aussi à leur excellente image. Gageons qu’il en sera de même pour les deux jours à venir.