Zazie sur scène et en cuisine
Il y a presque un an sortait La Zizanie, quatrième album de Zazie. Après un an de pause pour cause de grossesse hautement médiatisée, Zazie revient à la scène pour un séjour de cinq semaines au Bataclan à Paris avant de sillonner l'Hexagone. Récit du concert et entrevue avec la super woman de la chanson française.
La chanteuse habite le Bataclan.
Il y a presque un an sortait La Zizanie, quatrième album de Zazie. Après un an de pause pour cause de grossesse hautement médiatisée, Zazie revient à la scène pour un séjour de cinq semaines au Bataclan à Paris avant de sillonner l'Hexagone. Récit du concert et entrevue avec la super woman de la chanson française.
Au cœur de Paris, le Bataclan est une petite salle de 1100 places porteuse d'un charme à la fois populaire et rock'n'roll. L'esprit colle tout à fait à celui que Zazie a voulu insuffler à son retour sur scène après trois ans d'absence pour cause d'album (la Zizanie, écoulé à 500.000 copies en un an) puis de bébé. Petites tables de bar couvertes de toiles cirées désuètes, immenses cannes à pêches soutenant des abat-jour dépareillés, le tout créant une atmosphère de bistro géant un peu gâtée en début de soirée par une température polaire...
Après une première partie sympa (le drôle et charmeur Donzella), on découvre une scène comme-à-la-maison où la batterie côtoie la gazinière. La Victoire de la Meilleure Artiste féminine 2002 émerge de sous sa couette, en jeans-basket, collant ainsi à son image de bonne copine vachement sympa, image qui fait beaucoup dans son succès populaire. Après nous avoir présenté dès le début les cinq musiciens ("parce quand on arrive dans une soirée, on ne se présente pas à la fin !"), démarrent deux heures tantôt tendres, tantôt dézinguées.
Puisant dans tous ses albums sauf le premier, Je tu ils, Zazie aligne une vingtaine de titres, changeant l'ordre selon les soirs. On se rend compte que la plupart sont dans nos mémoires, signe d'un répertoire aujourd'hui bien solide. Pourtant, il manque le tube, la mélodie qui nous bouleverse, l'air inoubliable. Les fameux Larsen, Zen, La Zizanie, Rue de la Paix, Un point c'est toi côtoient les titres "militants" (Aux Armes citoyennes, Tout le monde, Adam et Yves) et les chansons d'amour, une facette qu'on lui connaît peu (très beau Sur toi). Dommage que les mots soient souvent noyés sous les instruments et qu'il faille parfois faire d'insondables efforts auditifs pour comprendre les textes. En revanche, la scène est magnifiquement habillée par Dimitri Vassiliu, le concepteur lumière qui monte, maître des couleurs crues. En fond de scène, un artiste peintre avance sa toile géante (coquelicots et palmiers) tout au long du show à la lumière de sa lampe frontale.
Quelques surprises dont une version revendiquée comme "atroce" de Ça plane pour moi de Plastic Bertrand et deux titres à la vielle chinoise, jouée par le bassiste Marcello B. Mais le spectacle gagne en âme sur la fin. Quand elle entre par surprise en fond de salle et parcoure le parterre de tables comme un champ de fleurs, le public se soulève et l'acclame. Y compris ses copains chanteurs en délégation, Jean-Jacques Goldman, Maurane et Alain Souchon, visiblement emballés.
Zazie est indéniablement attachante et drôle mais il manque le petit plus qui nous ensorcellerait. A trop se dévoiler telle qu'en elle-même, en fille sympa, volontaire, au franc-parler drôle et élégant, peut-être perd-t'elle en magie et en fragilité, ce dont elle n'est pas dénuée.
Catherine Pouplain
Jusqu'au 22 février au Bataclan, puis en tournée en France
Il y a quelques semaines, nous avions rencontré Zazie pour évoquer ce retour en scène après une année 2002 riche en événements heureux :
Pourquoi cette petite salle alors que vous pouvez aujourd'hui en remplir des grandes ?
A l’origine, ce devait être en acoustique parce que j’étais enceinte. Puis j’ai été obligée de reporter. En fait, j’avais envie d’essayer autre chose: je n’aime pas Bercy parce que le son est pourri, j’aime bien l’énergie du Zénith mais j’y suis déjà allée… J’avais envie d’essayer autre chose, ce que faisaient nos pères, les Nougaro, Bécaud, Brel, qui restaient des semaines dans un endroit. On doit apprendre d’autres choses que faire un spectacle, le défaire, le refaire, s’ennuyer... Et puis, en m’installant au Bataclan, ça a le double intérêt qu’en tant que maman, je puisse continuer à voir ma fille grandir. J’aurais du mal à la mettre en pension à quatre mois... Et puis, il y a pas mal de musiciens qui habitent près de Paris, et beaucoup qui y passent. Alors, il y aura des invités.
Comment s'est construit ce spectacle ?
Avec Jean-Pierre Pilot, qui a joué des claviers sur l’album, on a fait tout un travail sur les chansons, pendant que j’étais enceinte, repris les vieilleries, essayer de les customiser. C’est ça l’idée du squat: des objets de récupération. Et c’est rare de trouver quelqu’un capable comme lui de se mettre en danger par rapport à ce qu’il sait faire. Il a tout fait, premier prix de Conservatoire en piano, des années avec Bashung et il a suffisamment confiance en lui pour oser défaire, désapprendre ce qu’il a appris. Alors, on fait d’une chanson calme, une chanson turbulente et ainsi de suite. Mais j’aurais trouvé salopiot de priver le public des chansons sur lesquelles il s’est embrassé ou sur lesquelles il a dansé, mais c’est aussi rigolo pour les gens d’entendre une autre version d’Un point c’est toi. Je peux très bien demander à mes musiciens de recopier les morceaux de l’album, mais je n’ai pas envie de ça. Je me dis que la scène est un moment où l'on peut offrir un peu plus loin, un peu ailleurs. On récompense les gens de l’effort d’avoir acheté l’album en leur donnant quelque chose qui ne sera que là – des inédits, d’autres versions des morceaux…
Vous êtes une artiste Universal depuis vos débuts, il y a dix ans: avez-vous l’impression d’être chez Big Company ?
J’ai l’impression d’être chez Big Company, mais d’y avoir une place privilégiée. Je ne pense pas qu’ils se trompent d’interlocuteur: je ne fais pas tourner la boîte, parce que je ne vends pas deux millions d’albums à chaque fois, mais j’en vends suffisamment pour représenter quelque chose, et ils ont compris que je suis plus forte quand je suis à 100% moi-même que quand je suis un produit lissé, formaté. Il y a eu des tentatives, pourtant: au moment du deuxième album, j’ai eu un rendez-vous avec une styliste qui m’a dit "je vais te relooker". Je ne savais pas que j’avais une tête de rien, mais allons-y! A la fin de la journée, je lui ai gentiment signifié son congé…
Je pense qu’ils ont compris ça, parce que ce ne sont pas des idiots. Je pense aussi que, dans une major qui est dans le succès, la consommation, le profit, ça les éclate de pouvoir parfois travailler différemment. Cela dit, j’ai la chance d’être là depuis dix ans, mais est-ce que la prochaine Zazie ou le prochain Axel Bauer sera signé par la même compagnie? J’aimerais dire oui. J’attends de voir.
Mais vous avez vraiment l’impression d’avoir vécu dix ans de carrière ?
Non. Je n’ai pas l’impression d’être une grande fille dans ce métier, ni d’avoir fait la chanson incontournable – du coup, ça ne fait pas dix ans. Mais je suis contente de n’avoir plus à me poser la question de savoir si je peux faire l’album suivant, je suis contente de pouvoir refuser certaines émissions de télé – pour ça, oui, j’ai dix ans de carrière. Je n’ai plus à répéter certaines choses que les gens ont compris une fois pour toutes – en tout cas ma maison de disques. Ma seule fierté est que, malgré mes travers, je suis toujours dans ce métier, j’ai toujours envie de le faire, et qu’on veuille bien me reconnaître un certain naturel.
Vous ne vous seriez pas rêvée en artiste underground ?
Dans les raisons secrètes, profondes et intimes qui m’ont fait faire ce métier, il y a cette question: "Est-ce que vous m’aimez, est-ce que je suis aimable?" Underground, ça voudrait dire plus élitiste. Mais autant je peux être très misanthrope parfois, autant j’aime vraiment me frotter à l’humanité. C’est pour ça que je revendique l’appellation de chanson populaire ou de variété, parce que je n’aime pas choisir à qui je m’adresse. Je ne veux pas choisir mon public et j’ai de la chance: ils ont des bonnes têtes.