La bande à Burger
Dernière bande est le nom du faux-nouveau label du leader de Kat Onoma, Rodolphe Burger. Un catalogue déjà bien fourni, de multiples projets interdisciplinaires, la réédition des disques du groupe, sont autant d'éléments constituant la nouvelle vie artistique de Burger. La Cité de la Musique à Paris accueille pour deux jours le musicien et sa bande, l'occasion pour RFI Musique d'une rencontre avec l'Alsacien.
Concerts à la Cité de la Musique à Paris.
Dernière bande est le nom du faux-nouveau label du leader de Kat Onoma, Rodolphe Burger. Un catalogue déjà bien fourni, de multiples projets interdisciplinaires, la réédition des disques du groupe, sont autant d'éléments constituant la nouvelle vie artistique de Burger. La Cité de la Musique à Paris accueille pour deux jours le musicien et sa bande, l'occasion pour RFI Musique d'une rencontre avec l'Alsacien.
Au départ, la Dernière Bande était une maison d'édition ?
Le nom même de la Dernière Bande vient d'assez loin. C'était le nom du groupe avant même Kat Onoma. Puis ce fut une maison d'édition et cela devient un label à part entière.
L'idée de monter un label n'est pas récente. Quel est donc le déclencheur de cette nouvelle aventure ?
Depuis 1992, on a développé parallèlement au groupe des projets solo, des collaborations, surtout moi, mais également Philippe Poirier. Jusque-là, on était très concentré sur Kat Onoma. Ensuite, on s'est diversifié de plus en plus. L'envie de rassembler ces choses qui pouvaient être très différentes, de les mettre au même endroit, est assez naturelle. Ce n'était pas forcément facile de faire exister tout ça dans une maison de disques traditionnelle. Il nous semble que quelque chose se raconte à travers l'existence de la Dernière Bande : nous ne sommes pas un label avec une déclaration d'intention, un manifeste, une seule couleur musicale. Au contraire. On ne fait pas que de la musique d'ailleurs. On fait aussi des lectures, des choses qui ont trait à la littérature, à l'image... Il y a des projets de DVD, par exemple. Chaque projet a son autonomie. Mais la coexistence de tout cela raconte quelque chose. Cela donne une surface d'expression beaucoup plus large que celle d'un album.
C'est une idée qui a mûri au fur et à mesure des projets que vous montiez...
Oui, c'est venu très naturellement. Les projets eux-mêmes se sont mis à exister plutôt que d'aller demander à chaque fois des dérogations aux contrats pour sortir tel chose ce qui avait été le cas pour le premier album avec Cadiot, Welche/On est pas indiens c'est dommage, sorti sur un label indépendant, D'ici et d'ailleurs. On s'est dit qu'il fallait tout rassembler.
Il y a aussi des circonstances qui sont liées à l'évolution d'EMI (ancien label de Kat Onoma, ndlr), à des restructurations comme on en a connues, dont une récente qui a été assez drastique et qui nous a amenés d'un commun accord où nous en sommes.
Qu'est-ce qui fait, pour vous, l'originalité d'une structure comme la vôtre ?
C'est quelque chose qui intègre une histoire, celle de Kat Onoma. On va d'ailleurs rééditer tout le catalogue du groupe. C'est une histoire qui se poursuit, se développe, qui s'ouvre à d'autres choses. L'originalité, c'est que le label s'est d'abord créé sur une compilation de projets. C'était une carte de visite sonore. Puis on permet de croiser des expériences qui ne sont pas uniquement musicales. Enfin, ce n'est pas non plus un label underground destiné à un public restreint, amateur de tel genre musical spécifique. On est amené à travailler avec des gens comme Alain Bashung.
Cette compilation donne le sentiment d'entrer dans un laboratoire. Aller voir plus loin est-il le moteur de cette structure ?
Bien sûr. C'est le fondement même à mon avis de la musique. Si on ne fait pas de la musique pour faire entendre quelque chose de singulier, je ne comprends même pas.
Vous poussez les choses quand même loin...
Oui, dans le nombre de directions qui sont liées à chaque fois à des circonstances. Mais ce qui me gêne avec le mot expérimental, c'est que ça évoque quelque chose de rébarbatif. Alors qu'on peut parler d'expérience au sens fort, de choses qui sont tentées, de rencontres. Par exemple, j'ai joué en novembre à Strasbourg avec un orchestre afghan. Chercher le point de connexion entre des musiques, des pratiques différentes, voila ce qui m'intéresse. Le fait qu'on en soit venu avec Olivier Cadiot, un écrivain, à signer des disques ensemble aussi, voilà ce qui m'intéresse.
N'est-ce pas aujourd'hui une forme de résistance que de monter un label indépendant ?
Oui. C'est lier à l'évolution qu'on observe dans l'industrie du disque. Le processus de concentration. Il y a de moins en moins de majors et d'ailleurs, on va peut-être arriver à une situation où il n'y en aura plus qu'une, Universal, qui prétend par son nom même être la seule et unique et détenir une sorte de monopole ce qui a évidemment d'énormes conséquences. C'est une sorte de dictature dans le domaine du marketing, la rentabilité à très court terme. Ça implique une politique artistique qui ne peut plus se permettre le moindre risque, le long terme, un travail d'accompagnement de musiques non "marketables". Ça concerne aussi le monde de la diffusion, les radios, etc. Les démarches musicales authentiques souffrent forcément de cette situation. Le risque étant qu'elles se retrouvent dans une espèce d'émiettement et que l'indépendance soit le règne du bricolage, du club très fermé. Ce n'est pas la vocation d'un musicien que de s'adresser à un public étroitement défini. Même si le public des fans est important.
Parlons d'Olivier Cadiot avec qui vous avez sorti en octobre Hôtel Robinson mixé par Doctor L...
Il y a une relation très forte qui s'est développée avec lui. Amicale, c'est sûr mais aussi basée sur une certaine admiration pour son travail. C'est quelqu'un qui m'a stupéfié par son travail mais aussi par sa personnalité. Qu'on en soit venu à collaborer très au-delà même de l'écriture de chansons, je vis cela comme une sorte de chance. Mais il y a aussi Pierre Aferi avec qui je travaille depuis plus longtemps qu'Olivier. J'admire aussi le travail d'Anne Portugal. Ce qui les caractérise tous, c'est qu'ils ne lâchent pas l'affaire de l'écriture au moment où il y a quand même une tendance à la régression, le retour du roman du réalisme d'une écriture porteuse de message qui aurait une valeur sociologique ou expressive. Pour moi, ils sont les vrais écrivains de ce temps. Ce travail de pointe qu'ils font permet de trouver de nouveaux moyens d'activer de petites choses musicales. Je me sens à un endroit vivant du rapport entre texte et musique. Ce qui m'intéresse justement c'est d'être à la jonction, de trouver les petites chevilles entre les deux.
N'êtes-vous pas à la recherche d'un autre format que celui de la chanson ?
Oui, c'est pour ça que j'ai travaillé avec eux. C'est parce que depuis le début, je suis à la recherche de quelque chose d'autre. En même temps, il s'agit bien sûr de faire des chansons. Il y a dans la chanson française, une tradition très littéraire, un usage de la métaphore un surplomb du texte, le sens étant très en avant et la musique qui a une position plutôt secondaire d'accompagnement. Moi, je viens du rock. J'étais bouleversé par ça. Ça me paraissait fonctionner autrement. La place du texte n'était pas du tout la même. C'est très difficile de réaliser un équivalent avec la langue française. Elle n'a pas du tout la souplesse, la facilité de la langue anglaise. Donc c'est un travail et non pas pour rajouter du sens mais presque pour en enlever ! Il s'agit de faire un boulot de décadrage de la langue pour l'amener à rentrer dans un mode de mixage avec le son.
Vous avez organisé en septembre 2002 un festival pluridisciplinaire à Sainte-Marie-aux mines. Est-ce que cela participe de la même démarche artistique et humaine que le montage d'un label ?
Oui bien sûr. C'est quelque chose qui est venu récemment. Je viens de cet endroit. Beaucoup de choses ont joué, notamment le disque que nous avons fait là-bas avec Cadiot. Je n'aurais jamais imaginé faire quelque chose avec les gens de cette vallée et les incorporer directement dans un disque. Même si on travaille depuis longtemps avec Kat Onoma dans ce lieu, j'ai toujours l'impression qu'on travaillait dans une sorte de bulle et de totale rupture par rapport au contexte. Alors, arriver à le reconnecter a été pour moi quelque chose d'assez intéressant et troublant. A suivi l'envie de proposer des concerts dans cet endroit où il ne se passe jamais rien, je n'ai pas spécialement vocation à être organisateur d'événement ou de concert, mais j'avais aussi à cœur de faire quelque chose là. Les réactions étaient excellentes.
En concert les 15 et 16 février à la Cité de la Musique :
Le 15 à 20h : Les Projections de Rodolphe Burger et de Pierre Alferi (texte, image et musique).
Le 15 à 23h : Rodolphe Burger et ses invités.
Le 16 à 16h60 : illustration musicale du film muet de Tod Browning, L'Inconnu (1927).