Bob Sinclar, homme à facettes
DJ, homme d’affaire, star de la French Touch, Bob Sinclar est un homme multiple qui vaut pas mal de dollars. Occasion pour RFI Musique de vous le présenter sous ses diverses facettes : derrière ses platines lors d’un set dans deux clubs de Barcelone le 7 février dernier et dans les bureaux parisiens de son label pour nous parler de son nouvel album, III. Dossier.
Deux sets et III.
DJ, homme d’affaire, star de la French Touch, Bob Sinclar est un homme multiple qui vaut pas mal de dollars. Occasion pour RFI Musique de vous le présenter sous ses diverses facettes : derrière ses platines lors d’un set dans deux clubs de Barcelone le 7 février dernier et dans les bureaux parisiens de son label pour nous parler de son nouvel album, III. Dossier.
BOB SINCLAR À BARCELONE
A Barcelone, pour tous les amoureux de l'un des plus chics DJ français, le cadeau était de taille : vendredi 7 février, le DJ et producteur Bob Sinclar est venu présenter son nouvel album dans la capitale catalane, avec à la carte, deux soirées et un total de 6 heures de set ! Initiateurs de cette nuit, le distributeur espagnol "Blanco y Negro" et l'agent exclusif de Bob Sinclar, Mona Rennalls ont organisé un before pour quelques invités, VIP ou fans, au bar musical Risco et une soirée payante à la Discothèque, grand club situé sur la colline Montjuïc.
Au premier abord, le Risco situé dans un quartier chic de Barcelone (au-dessus des Ramblas et du quartier gothique) semble difficile d'accès, avec un service d'ordre visiblement chargé de repérer les habitués et ceux qui pourraient le devenir : n'est pas fan qui veut !… Le club est très élégant, relativement petit (200 places), baigné de lumières chaudes et de projections. Le DJ résident du club joue une house musclée, de celles que l'on entend plutôt en fin de soirée. Vers une heure du matin, un cortège de flashs et de caméras nous indiquent l'arrivée du grand Maître. Comme par miracle, le club se remplit instantanément et la piste de danse est alors envahie de jeunes gens plus distingués les uns que les autres, avec surtout un défilé de personnes aux styles les plus excentriques : latex, travestis, coiffures extravagantes, costumes années 80 en cuir coupé, mini jupes et bustiers en quantité. Il semble que les plus belles jeunes femmes de Barcelone se soient données rendez-vous au Risco, comme semble le confirmer une autre foule de jeunes hommes aux apparences plus neutres, mais visiblement habitués de ce lieu où l'on vient voir et être vu.
Bob Sinclar entame immédiatement son set. Un set un peu surprenant au premier abord, presque dénué de musiques électroniques au sens propre : que des disques de disco classique, la plupart anglais et datant de sept ou huit ans, pas de house, pas de Bob Sinclar... Un set rétro et distingué, une musique rare pour des gens chics ! La fête bat alors son plein, les gens n'arrêtent plus d'arriver et ceux aux styles les plus extravagants marquent toujours une pause en arrivant au sommet de l'escalier surplombant la piste de danse, à la grande joie des photographes présents. Décidément, le Français est le nec plus ultra. Pourtant, vers deux heures, soit une heure avant la fin prévue du set, le club se vide peu à peu, comme si les gens étaient venus pour avoir été là plus que pour écouter la musique du DJ.
Avant le second set à La Discothèque, escapade au Club La Paloma non loin de là, club qui accueille ce soir là une autre grande star de la house française, Alex Gopher ! Ce qui confirme le manque d'organisation de la scène électro espagnole : alors que les DJ français invités sont peu nombreux, deux stars françaises jouent le même soir !... Mais Gopher souffre t-il de la concurrence de Sinclar ? Que nenni ! Le club est immense, aménagé dans un ancien théâtre, rempli à craquer par environ 1.200 personnes en délire ! La fête bat son plein et Alex Gopher danse derrière ses platines, jouant une musique assez dure entre électro house et house hypnotique anglaise. Comme son collègue, le DJ ne joue quasiment aucune de ses productions. Mais le temps passe et il faut filer à La Discothèque pour retrouver Sinclar. Là aussi, il y a foule. Bob Sinclar joue un set bien plus musclé que le premier mais moins surprenant : house !
Bilan ? Les Barcelonais sont-ils fous de house française ou vont-ils en club de toute façon ? Il semble que ce soit la deuxième réponse qui l'emporte tant la tradition de sortir la nuit et de faire la fête est ancrée en Espagne. Mais les DJs français ne s'en portent pas plus mal : l'ambiance est à la spontanéité, ce qui manque à un certain nombre de soirées parisiennes... De plus, dixit Mona Rennalls son agente, Bob Sinclar a du jouer au moins une vingtaine de fois en Espagne, à Barcelone, Ibiza, Madrid ou Marbella.... Il effectue chaque été une tournée couvrant l'Italie, la Grèce et l'Espagne. Mona Rennalls : "Bob Sinclar est l'un des DJs les plus populaires en Europe, Asie et Australie. Il est aussi très demandé aux Etats-Unis, mais il n'a pas le temps d'y aller." Pour tous ceux qui seront de passage à Barcelone cet été, Bob Sinclar devrait y jouer au club la Terazza. Le rendez-vous est pris !
Carine Bouillon
RENCONTRE AVEC BOB SINCLAR
Bronzage Ibiza, élégance travaillée et assurance un poil arrogante… Christophe Le Friant alias Bob Sinclar tient salon dans les locaux parisiens de son label Yellow Productions. Entre deux coups de fil, où le DJ pionnier se transforme en chef d’entreprise, il assure la promotion de son nouvel opus, III. Adoubé par Cerrone depuis l’album Champs-Elysées, deuxième album sous le nom de Bob Sinclar, Chris The French Kiss livre un album plus dépouillé, moins évident que ses précédentes productions, mais qui garde toujours un pied dans les années 80.
La pochette de III est étonnement sobre. Vous avez habitué le public à des visuels plus clinquants !
Il faut changer un peu, évoluer. Pour reprendre une expression de Gainsbourg, je dirais que "mes dents de lait sont tombées". Mais les dents de sagesse vont avoir du mal à pousser (rires) ! Je n’aime pas trop le mot maturité, parce que ça fait adulte, et que, quand on fait de la musique, il faut garder un côté enfant, un aspect ludique.
Cet album fait en tous les cas écho à des chansons que vous avez entendu étant jeune ?
Ça fait cinq ans - les cinq glorieuses de la French Touch - qu’on entend des samples de disco. Je compare un peu cette période 1997-2002 à la période 76-80 où on a mangé du disco. Début 80, il y a un ras le bol de cette musique, qui devient complètement kitsch.
Quelques années plus tôt, on brûle même les disques dans les stades américains…
C’était incroyable! Il y a un boycott à la radio, puis en 1980, les synthés analogiques et les boites à rythmes apparaissent. Il y a donc un changement de couleur musicale…J’ai eu envie de retrouver un peu cet esprit-là, c’est à dire reprendre une couleur synthétique: au lieu d’avoir des guitares, des basses live, j’ai tout remplacé par des synthés et quelques boites à rythmes pour essayer de faire un album un peu différent. C’est aussi grâce à la rencontre d’Alain Wizniak, qui a travaillé avec Cerrone sur Supernature: au lieu de sampler les disques, j’avais le monsieur qui créait les samples! Je me suis servi de lui et on a fait un album super !
Vos détracteurs diront que vous avez toujours vingt ans de retard !
La différence c’est qu’au début des années 80, les musiques étaient froides, "anti-groove". J’ai essayé d’avoir une couleur plus froide en essayant de garder le groove, car je viens de là, de la musique noire américaine. C’est important de garder la soul et le funk dans sa musique.
III a un côté plus minimalisteque vos précédents opus. Est-ce une réaction aux critiques qui vous trouvaient trop clinquant, trop commercial ?
Non. Chaque mauvaise critique a toujours du mal à passer car je m’investis sur mes albums. Mais quand on fait une musique qui se veut fédératrice, on ne peut pas non plus avoir tout le monde de son côté. Ceci dit, je ne fais jamais attention aux critiques pour produire un album. Je produis ce que j’aime, avec le feeling du moment. Quand j’ai commencé avec The beat goes on, je pensais avant tout faire un titre pour les clubs. Je voulais également que ce soit le premier single, car c’est important quand on commence un album de commencer par un single, qui te donne la motivation pour le reste. Je l’ai vraiment fait avec le cœur. Il y a d’ailleurs toujours dans chaque titre un petit cliché, un petit clin d’œil à quelque chose que j’aime.
Certains titres sont effectivement un écho direct à des morceaux déjà existant…
Ça me plait toujours, quand je fais un instrumental, d’utiliser un morceau, de citer par exemple Nature boy de George Benson ou Sexy Dancer de Prince. Ceux qui connaissent apprécient, mais les morceaux n’ont absolument rien à voir avec les chansons qu’on vient de citer. D’autant que leurs interprètes sont plus que des artistes pour moi : ce sont des icônes, des dieux. Je ne me prétends même pas arriver à une cheville ou à un doigt de pied de ces gens-là. Que ce soit Stevie Wonder, Prince ou George Benson, qui sont à la base de toutes les musiques que l’on écoute aujourd’hui, que ce soit le R’n’B, le rap ou la house.
Il y avait beaucoup d'invités dans le précédent album. Sur III, vous préférez mettre en avant vos compositions, vos talents de producteur ?
En fouillant un peu cet album, on peut s’apercevoir qu’il est dédicacé à Grace Jones. Kiss my eyes est très Libertango, il y a aussi Métro Blanche…Je voulais absolument qu’elle chante Kiss my eyes, mais j’ai vu arriver les problèmes d’avocats, car c’est quand même une diva, une artiste à la notoriété énorme. Je me suis dit "pourquoi ne pas trouver la Grace Jones d’aujourd’hui, une fille que je connais" ? J’ai eu la chance de rencontrer cette fille-là en la personne de Camille Lefort et pour les chœurs, de Moïra Conrad et ça s’est super bien passé. C’est aussi ça qui donne une couleur fraîche à l’album : il n’y a que des jeunes.
Vous évoquiez les années glorieuses de la French Touch, n'est-ce pas difficile aujourd’hui, pour un artiste électronique, de faire évoluer cette musique ?
Ce n’est pas difficile dans la mesure où, nous à Yellow, on était là avant et pendant. Et on sera là après ! Il y a eu une surenchère sur certains artistes, qu’on paie aujourd’hui avec la distribution. Le marché du vinyle a un peu baissé et on ne peut plus sortir un produit en se disant que de toute façon, ça vient de France, ça va vendre. Il faut aujourd’hui du contenu, un travail de producteur. On a été tous mis dans un bocal à un moment. Ceux qui en sortiront seront forcément les meilleurs…
Bob Sinclar III (East West 2003).