Kent

Après mille expériences musicales et mille bouleversements professionnels, Kent revient avec Je ne suis qu'une chanson, un nouvel album qui sent bon la liberté. Toujours plus curieux et plus ouvert sur le monde, il nous parle de son album avant de s'installer du 25 février au 15 mars à l'Européen de Paris, puis de s'envoler en tournée.

Retour à l'essentiel.

Après mille expériences musicales et mille bouleversements professionnels, Kent revient avec Je ne suis qu'une chanson, un nouvel album qui sent bon la liberté. Toujours plus curieux et plus ouvert sur le monde, il nous parle de son album avant de s'installer du 25 février au 15 mars à l'Européen de Paris, puis de s'envoler en tournée.

Le titre de cet album, Je ne suis qu'une chanson, semble révéler une totale humilité, un retour aux valeurs essentielles ?
Je n'ai rien à rajouter, c'est ça (rires). Après quelques années d'expérimentation diverses, l'électro, le music-hall avec Enzo Enzo, une collaboration avec des musiciens classiques, je me suis rendu compte que la forme importait peu dans cette démarche. Que je chante avec un synthé ou un hautbois, l'important était la chanson. C'est tout ce qui reste d'un chanteur.

Les orchestrations sont plus sobres, n'est-ce pas ?
Oui, c'est aussi parce que j'étais seul quand je l'ai conçu. Je ne suis pas un grand arrangeur. Aujourd'hui, je me suis entouré de musiciens en qui j'ai confiance. Ils ne cherchent pas à imposer leurs idées mais juste à prolonger les miennes. Et ça a donné ce disque. Mais à nouveau, je suis titillé par l'envie de travailler avec quelqu'un qui en sait plus long que moi sur la musique de façon à apprendre encore.

Vous revendiquez une "troisième vie", un chambardement ces dernières années. Est-ce le hasard de la vie ou l'avez-vous provoqué ?
Je l'ai certainement provoqué sans le vouloir. A la fin de Starshooter (son premier groupe entre 1977 et 1981, ndlr), le chambardement était volontaire, je ne voulais plus jouer dans un groupe de rock, je voulais faire de la bande dessinée, partir en Afrique. Tout ça a fait qu'il y a eu une vraie rupture. Là, non. J'étais parti pour continuer à faire des disques en tant que Kent, sur un label que j'aimais bien (Barclay) avec des gens que j'aimais bien. Puis c'est comme si quelqu'un avait enlevé le bouchon au fond d'une baignoire, un bouleversement en a entraîné un autre : des musiciens m'ont quitté pour des raisons diverses, mon contrat avec Barclay arrivait en fin d'exploitation, moi-même j'étais lassé de certaines personnes à un moment donné et voilà. Au début, ça ressemblait à un désastre. C'était difficile à accepter. Puis il faut se laisser porter. C'est comme un courant très fort. Mais c'est le bilan qu'on en tire qui est important. Il faut être positif sinon c'est le regret permanent.

 

Le départ de votre complice, le guitariste Jacques Bastello fut en particulier un choc ?
Oui mais, au bout du compte, j'ai refait ma vie musicale sans lui. On avait peut-être seulement une relation musicale. Et donc, il n'y a plus lieu qu'on se rencontre. Je pensais avoir un ami, ça reviendra peut-être, je ne sais pas, les mois passent sans que je me rende compte. Il y a toujours sur l'agenda 'appeler Jacques' et c'est reporté de semaine en semaine… Je ne pense pas qu'il en soit malheureux, moi non plus, c'est comme ça. C'est un métier où il est important d'accepter l'infidélité sinon on n'évolue pas.

Aujourd'hui, vous avez une grande complicité avec l'accordéoniste Arnaud Méthivier ?
Je travaille avec lui depuis une douzaine d'années, avec des breaks parce qu'il a une carrière solo. J'ai avec lui cette espèce de complicité qui fait que sur scène, je n'ai pas à diriger. C'est un garçon qui va faire une grande carrière, pas seulement en France. Il a une place importante parce que quand mon orchestre précédent a commencé à se déliter en plein milieu de ma tournée, je l'ai appelé et il est arrivé tout de suite. Ça m'a reboosté comme on dit en français. Il m'a aussi apporté des musiques au moment où je me mettais à composer moi-même et ça a fait ce disque. La musique de Je ne suis qu'une chanson, justement, c'est de lui.

Le fait de vieillir a t-il un rôle dans votre travail ?
Ça a un rôle dans l'écriture. J'adore le travail d'observation de la pensée dans le vieillissement. J'ai presque toujours écrit sur les mêmes thèmes mais c'est le point de vue qui change. Et dans le métier de la chanson, c'est comme dans tous les métiers de la vie. A 45 ans, on est à un âge "critique" parce qu'il y a un vent de jeunisme qui souffle sur la société actuelle. Au milieu de la vie, on se rend compte qu'on a été injuste avec des gens plus vieux qui nous sont nécessaires pour aborder le futur. Il faut transmettre cette idée-là. Je déteste qu'on mette des gens au rancart et qu'on mette des jeunes sur un piédestal. C'est de la poudre aux yeux. Je le sais, ça m'est arrivé.

 

On a l'impression que moins de chanteurs s'en sortent aujourd'hui, que l'horizon est bouché, que de petits noms nouveaux cachent de grands noms anciens ?
Le problème, c'est qu'il n'y a pas moins de gens qui marchent mais il y a de plus en plus de gens qui font de la musique. Le rapport a changé. Et autrefois, tout était plus amateur. Aujourd'hui il y a des écoles pour apprendre ce métier. Mais à 80% c'est du bluff. C'est souvent fait par des gens qui ont raté le coche. Mais on ne peut pas faire rêver des milliers de personne pour un podium de trois places. Il vaut mieux revaloriser tous les corps de métier et arrêter de croire qu'il n'y a que chanteur qui ait droit aux honneurs.

Qu'est-ce qui vous reste à explorer aujourd'hui ?
Les musiques du monde. A chaque musique du monde, je découvre justement un monde. Je fais mon cours d'histoire ou de géographie en découvrant un disque malgache ou vietnamien. Et ce qui me plait, c'est que dans tous ces pays où l'industrie de la musique n'est pas implantée, les gens font de la musique de toute façon. Ça permet de relativiser la spirale folle dans laquelle l'industrie de la musicale occidentale s'est engagée : la rentabilité immédiate, la peur du net, la course aux chiffres, etc.

Selon vous, la musique est tuée par la course à la rentabilité ?
Oui, on demande trop aux artistes d'être rentable d'autant plus qu'on remet en cause le statut d'intermittent propre à la France et qui permet une certaine liberté de création. Il faudrait mettre en place une réforme au niveau même de l'Europe pour contrer ces tentatives de nivellement par le bas des acquis artistiques. En Allemagne ou aux Pays-Bas, la création musicale est un ghetto. Ils ont perdu leur identité.

Peu d'artistes français semblent s'intéresser à leurs confrères européens comme vous ?
C'est vrai. C'est désolant. On est tous d'accord sur le fait que l'Europe doit aussi être humaine et culturelle. Mais il faut agir. Quand je joue à Berlin, je squatte un canapé chez des gens et je joue dans des clubs. Rien à voir avec une tournée ici. Il faut aussi accepter ça, il faut écouter ce qui se fait en face. Il y a trop de complaisance à être prophète seulement chez soi. De plus, la variété est globalisée. Il y a un Obispo partout. En revanche, en France, il y a des courants musicaux propre à notre culture, le métissage dans la chanson en particulier. Si on s'arrête de la faire, ça disparaît.

Que pouvez-vous dire sur votre tournée qui démarre ces jours-ci ?
Je crois qu'il y a un vrai bilan scénique sur cette tournée. J'ai envie de rejouer seul de la guitare comme à mes débuts, de refaire le comédien. J'ai envie d'un concentré de chanson sans perdre de temps à parler pour ne rien dire comme certains. J'ai vraiment envie de musique !

Je ne suis qu'une chanson (AZ/Universal)
A l'Européen, rue Blot, Paris XII, du 25 février au 15 mars, puis en tournée.