Daara J

Au Sénégal, le rap affiche une belle vitalité depuis la formation en 1989 des Positive Black Soul. Le trio Daara J (N’Dongo D, Aladji Man et Faada Freddy) compte parmi les groupes les plus percutants de cette mouvance.

Effet garanti

Au Sénégal, le rap affiche une belle vitalité depuis la formation en 1989 des Positive Black Soul. Le trio Daara J (N’Dongo D, Aladji Man et Faada Freddy) compte parmi les groupes les plus percutants de cette mouvance.

Avec son nouvel album Boomrang, il transmet des messages forts, stigmatise l’exploitation des populations africaines et l’individualisme. Tout en affirmant son souci des racines (usage du wolof, parallèlement au français), il revendique aussi un désir constant d’ouverture (interventions de Rokia Traoré, China, Sergent Garcia, incrustation de chant choral zoulou…). Efficace et rafraîchissant.

RFI Musique : Cet album est votre troisième production. Par rapport à l’époque de la première cassette en 1994, beaucoup de choses ont changé pour vous ?
Daara J : Enormément. On a commencé d’abord à jouer dans le quartier, le triangle sud de la Médina, de Colobane et de Centenaire, les trois quartiers de Dakar dont nous sommes issus . Et puis, tout s’est amplifié très vite. Le directeur artistique d’une maison de disques (Déclic) est venu nous écouter en concert et nous sommes partis enregistrer à Paris. On a joué à cette occasion au MCM Café. C’était notre première salle parisienne. A notre retour, il y avait plein de jeunes qui nous attendaient à l’aéroport, comme si on avait gagné une coupe. Cet accueil nous a fait prendre conscience de la responsabilité que l’on avait. Il fallait que l’on se donne désormais encore plus, on leur devait cela.

Boomrang contient-il des reprises de vos anciens titres ?
Il y a une seule reprise (Exodus). En fait, on avait une trentaine de titres prêts et on a choisi dedans. Une bonne partie de l’album a été enregistré à Dakar, avec parfois des bases rythmiques traditionnelles, un tama. On a réalisé des samples de Boubacar Traoré au pays également. Ensuite, tout a été finalisé à Paris

On entend également la voix de Rokia Traoré.
La première fois qu’on l’a rencontrée, c’était au studio Davout à Paris. Au cours d’une discussion avec elle, on s’est rendus compte de tout de ce que l’on avait en commun. C’est de là qu’est partie l’envie de faire quelque chose ensemble. C’est quelqu’un d’une grande sensibilité et d’une ouverture d’esprit fabuleuse.

RFI : Il y a beaucoup d’invités sur cet album. Des gens que l’on vous a suggérés ou bien que vous connaissiez auparavant ?
D. J: Pour certains, on avait déjà les connections. China, chaque fois qu’elle faisait un concert quelque part à Paris, si on était là, elle nous invitait et ça finissait toujours par un bœuf très sympa. Disiz La Peste, on a le même pays en commun. On se connaissait déjà avant Paris. Bruno Garcia, on l’a connu aussi ici. Esperanza, le titre réalisé avec lui, était déjà fait avant. Quand il l’a écouté, il nous a proposé de le réorchestrer. Il a débarqué au studio avec toute sa bande et voilà…

RFI : La musique latino, vous en avez souvent écouté au Sénégal ?
D. J: Oui, on a aussi grandi avec ça. Il ne faut pas oublier que des ténors de la musique sénégalaise (Youssou N’Dour, Baobab…) ont fait de la musique latino. Nos parents écoutaient l'Orquesta Aragon, Johnny Pacheco. Tout cela vibre encore au fond de nous. Le hip-hop est une musique très ouverte, qui laisse entrer reggae, ragga, soul, latino…

RFI : Le fait que vous connaissiez autant de musiciens et de chanteurs à Paris signifie-t-il que vous n’êtes plus très souvent au Sénégal ?
D. J: Non, mais à chaque fois que l’on est en tournée, on en profite pour aller écouter le maximum de gens. A chaque fois c’est pour nous autant d’expériences.

RFI : Vous attachez beaucoup d’importance au sens dans vos chansons. Quelle vision globale du monde avez-vous ?
D. J: Beaucoup de choses ne vont pas, on l’évoque parfois dans nos textes. Par exemple Bopp Sa Bopp appelle à plus de solidarité. Mais il y aussi des attitudes qui font chaud au cœur. Par exemple, lors de la dernière Coupe du monde de football, les joueurs français ont laissé toute une partie de leurs équipements et fournitures aux Sénégalais avant de partir. C’est un bel exemple de fraternité, une manière de prendre le contre-pied de ceux qui cultivent une certaine idée de supériorité, comme ce que sont en train de faire de manière très sournoise les Etats-Unis. Personne ne doit tenter de réguler le monde. Chaque peuple doit être maître de sa destinée.

RFI : Est-ce qu’à Dakar, il y a toujours des concours de rap organisés par le Centre Culturel Français ?
D. J: Maintenant, il y a surtout les «Hip-Hop Awards» où plein de groupes du Sénégal sont invités et reçoivent des trophées. C’est important qu’il y ait ce genre de manifestation car cela attire l’attention sur le rap sénégalais qui a vraiment son mot à dire au niveau de la scène mondiale. Le simple fait de mettre les musiciens en concurrence, ça stimule la créativité. Chacun va essayer de faire mieux. Ce qui est bien dans ce truc aussi, c’est que ce n’est pas organisé par le Ministère de la Culture dont de toute façon nous n’avons rien à attendre. C’est un mouvement autonome, organisé par des jeunes Sénégalais. Une belle initiative!

RFI : Youssou N’Dour avait sorti une compilation de hip-hop (Da Hop) sur son label Jololi. Vous avez déjà travaillé avec lui ?
D. J: On avait fait un «featuring» il y a quelque temps, qui n’est pas sorti internationalement, un morceau paru uniquement en cassette: Solidarité. On a également participé à cette compilation. Il faudrait que d’autres projets de ce genre voient encore le jour car il y a des centaines de groupes de rap au Sénégal et pas mal ont un vrai talent à exprimer.

RFI : Les Positive Black Soul ont-ils été un modèle pour vous ?
D. J: Bien sûr. Ils ont été les premiers à sortir une cassette de rap, les premiers à donner une preuve que ceci peut se faire et que l’on peut croire au rap. Avant eux, personne ne s’était lancé. Ils ont donné l’espoir à toute une jeunesse, ont prouvé que tous pouvaient, même issus de milieux modestes, se trouver un jour au devant de la scène musicale.

 Lire la biographie de Daara J

Daara J Boomrang (Subdivision – BMG) 2003