M instrumental

Le nouvel album de M, Labo M, n’en est pas vraiment un. Il s’agit plutôt d’un lot, généreusement doté, de tous les essais et musiques que le génial et facétieux guitariste n’a pu conserver sur ses albums précédents. Une affaire de spécialiste ou de fans de M mais qui peut séduire les profanes. Visite guidée par l’auteur de ce musée bigarré…

Songe d’une nuit d’essais.

Le nouvel album de M, Labo M, n’en est pas vraiment un. Il s’agit plutôt d’un lot, généreusement doté, de tous les essais et musiques que le génial et facétieux guitariste n’a pu conserver sur ses albums précédents. Une affaire de spécialiste ou de fans de M mais qui peut séduire les profanes. Visite guidée par l’auteur de ce musée bigarré…

"Je fais de la promo pour justement expliquer que ce disque n’est pas vraiment un nouveau disque". C’est ainsi que M débute ses interviews pour donner du sens et le mode d’emploi à la sortie de ce nouvel album. Labo M 1 est une sorte de capharnaüm, pas cafardeux pour deux sous, des maquettes, inédits et autres fonds de tiroir issus de son studio d’enregistrement. "En fait, explique M, c’est une invitation intimiste à venir voir les coulisses de ma musique. C’est un peu comme si j’étais en concert au moment où j’invite le public à venir sur scène. C’est un peu l’arrière-boutique que je propose de venir visiter. Je trouve cela magique, c’est toujours plus fascinant selon moi de voir l’envers d’un décor. J’ai voulu casser l’écran derrière lequel se réfugient parfois les artistes". Et c’est sur cette idée généreuse et intimiste qu’il est donné au M-ophile ou M-fan de découvrir en ouverture de ce disque une version pas encore aboutie du Mec hamac intitulée Tapis volant 1 où les guitares à effets planants croisent la saturation d’une autre gratte pour détacher le corps principal de la mélodie finale. Huit plages plus loin, on retrouve un autre brouillon du titre définitif Le Mec Hamac. Un Tapis Volant 2 où, là, c’est plutôt la rythmique qui prend forme. On peut aussi découvrir au fond des fioles de ce Labo M la toute première musique de Nostalgic du cool via le titre L’automate où seules quelques notes de xylophone rappellent la version définitive, tout à fait réussie, parue sur l'album Le Baptême en 1997. "Il y a deux familles de morceaux, explique ce professeur Nimbus de l’équation musicale, d’une part certaines maquettes sont présentées telles quelles à l’état brut, d’autre part avec un ami, Pierre Boscheron on a voulu proposer une sorte de voyage psychédélique… C’est comme si l’auditeur entrait dans ma tête dans mon subconscient à partir de ces sons improbables. C’est un peu mon rayon l’improbable."

Amis lecteurs et chédidophiles, n’espérez donc pas de nouvelles chansons sur cet album, ici tout n’est qu’essais, tentatives et esquisses des morceaux définitifs que tout le monde connaît. En dehors de quelques sketches dignes des fictions radiophoniques comme Stan est stone - où l’on reconnaîtra les premières mesures de Quand on se promène au bord de l’eau -, il n’y a pas de voix ou si peu sur ce nouvel opus du Docteur M et Mister Chédid. A peine peut-on distinguer sur Dictaphone les prémisses de Monde virtuel (Je dis aime, 1999), enregistrées dans l’urgence de l’inspiration ou suivre les délires vocaux et oniriques du chanteur zébulon sur La Nébuleuse. Comme un mirage acoustique, on croit apercevoir un nouveau M alors que ce ne sont que les songes d’une nuit d’essais. "Ce labo M représente en fait l’ouverture la plus absolue. Il n’y a pas d’enjeu et je pense que plus un artiste est soi-même, plus il se livre, plus cela peut plaire." Alors qu’il prépare en ce moment même son troisième "vrai" album, M présente cet essai comme le premier de ce qui pourrait devenir à terme une collection d’instrumentaux. "Je tiens au numéro 1 de ce Labo M, car il indique qu’il est le début d’une série de prises où je pourrais enregistrer les rencontres musicales du moment. Si, par exemple, je me rends au Kenya et que je croise des musiciens qui me donnent envie d’enregistrer alors pourquoi pas?" A moins que d’ici là son vieux camarade de jeu Mathieu Boogaerts qui lui connaît l’Afrique, ne lui pique cette heureuse idée. Avant de clore l’interview, M accepte de lire le texte d’un autre air signé Charles Aznavour: "La Bohême, la bohême, ça voulait dire on est heureux / La bohême, la bohême, nous ne mangions qu’un jour sur deux. C’est vrai que je me suis inspiré de ce titre pour faire un jeu de mots un peu désuet. Mais j’ai fait mienne cette phrase qui est sur le répondeur de mon téléphone. Je me fais parfois l’impression d'être une sorte de hippie moderne protégé de ce monde violent. Et même si cela peut paraître un peu prétentieux, j’ai l’impression, avec cette musique, de pouvoir tirer les gens hors de cette réalité… sordide". Une réalité qui devrait être enjolivée par la sortie prochaine du nouvel et "véritable" album de M. Un disque qu’il peaufine encore, en ce moment, dans son improbable labo…

M Labo M 1 Delabel