MUSICIENS FRANÇAIS CONTRE LA GUERRE
Ensemble Contre La Guerre, c'est le nom du collectif de 25 groupes qui donne ce soir, un grand concert (complet !) au Zénith de Paris. Rodolphe Burger, Matmatah, Lofofora, Daisy Box, Kassav', Miossec, Sergent Garcia, Aston Villa, entre autres, se relaieront sur scène pour dire "Non". Corinne Bord, conseillère municipale en banlieue parisienne, et Daniel Bravo, percussionniste du groupe Tryo, ont initié l'événement. Ils nous racontent leurs motivations.
25 groupes au Zénith contre le conflit en Irak.
Ensemble Contre La Guerre, c'est le nom du collectif de 25 groupes qui donne ce soir, un grand concert (complet !) au Zénith de Paris. Rodolphe Burger, Matmatah, Lofofora, Daisy Box, Kassav', Miossec, Sergent Garcia, Aston Villa, entre autres, se relaieront sur scène pour dire "Non". Corinne Bord, conseillère municipale en banlieue parisienne, et Daniel Bravo, percussionniste du groupe Tryo, ont initié l'événement. Ils nous racontent leurs motivations.
Comment est née l’idée de ce concert ?
Corinne Bord: A la fin décembre 2002, nous discutions de la gravité de la situation avec les musiciens du groupe Tryo, des amis. Que pouvions-nous faire? L’idée a germé d’un rassemblement, d’un concert. La musique est leur voie d’expression naturelle et je connais bien le milieu militant. Nous avons créé l’association Ensemble contre la guerre et lancé un premier appel le 15 février, journée de mobilisation mondiale contre la guerre.
Daniel Bravo: Il fallait un véritable engagement musical. La conscience politique n’est pas très importante chez les jeunes et ces évènements donnent l’occasion de marquer notre mécontentement. Ce concert est un moyen de médiatiser notre action. On aurait souhaité que cela se fasse le 15 février, mais ce serait finalement passé inaperçu. Aujourd’hui, nous avons plus de visibilité.
C.B: La vocation de cette mobilisation militante n'est pas de véhiculer un discours politique unique mais de dire "Non" avec les moyens qui sont les nôtres, la fête, le bruit, le nombre. Nous avons ainsi créé un réseau de 450 personnes en France avec lesquelles nous avons travaillé. Le site a d’ailleurs été un formidable moyen de fédérer les actions individuelles et de diffuser l’information. Plus de 1000 places sur les 6000 du Zénith se sont vendues grâce au site.
La réaction officielle française, anti-guerre, a t'elle influencé votre action ?
C.B: Ni plus ni moins. Moi-même de gauche, je suis ravie de la position de Jacques Chirac. Elle n’aurait pas été celle d’aujourd’hui, notre action aurait été la même. Pareil pour les artistes. Plus nous serons forts dans la rue, plus nous l’aiderons à tenir la barre. Nous ne sommes pas pacifistes, ni un soutien à Saddam. Nous sommes contre cette guerre.
D.B: J’ai toujours douté de la position anti-guerre française, j’ai cru qu’elle évoluerait. Est-elle sincère? Sera-t-elle poursuivie? N’oublions pas que tout est calcul, mais je suis touché par cette position.
Comment s’est déroulée la mobilisation des groupes ?
C.B: Géniale! Les artistes ont tout de suite répondu présents, se sont rendus disponibles et ont fait passer l’appel. Ils ont joué le jeu du bénévolat, des interviews même pour ceux qui habituellement s’y refusent. Je reçois encore des appels pour jouer jeudi. On n’évite pas l’écueil des maisons de disques qui essaient de placer leurs artistes. J’explique gentiment la première fois, plus fermement la seconde. Certains appellent plusieurs fois, mais leur motivation sent l’artifice. D’ailleurs à l’issue de ce concert, nous ne sortirons pas de disque, car nous refusons les suites commerciales.
Le conflit se profile à l'horizon : un concert contre la guerre n’arrive t-il pas trop tard ?
C.B: Nous sommes relayés à l’international par la télé canadienne et américaine, nous multiplions les contacts avec les communautés artistiques pour demander son arrêt.
D.B: A défaut de s’exprimer politiquement, notre veto est musical.
C.B: Même déclenchée, cette guerre peut être arrêtée. Nous sommes en train de réfléchir aux moyens de pression dont nous disposons sur Bush. Comme boycotter les produits des firmes américaines dont l’argent finance sa campagne électorale. Ce n’est pas de l’anti-américanisme mais une protestation contre Bush et la logique de sa géopolitique expansionniste.
Une fois la guerre déclenchée, votre mobilisation se poursuivra-t-elle ?
C.B: Oui, mais je ne sais pas encore comment. Nous avons pris contact avec des groupes locaux, noué des engagements avec des lieux un peu partout en France, à Brest, Rouen, Marseille, dans les Hauts-de-Seine. Je pense que cette action a mis le doigt sur un mode d’expression qui génère une nouvelle forme de mobilisation. On dit souvent que les gens sont dépolitisés, mais je crois simplement qu’ils vivent la politique autrement. Ils ne se reconnaissent pas dans les partis, les réunions, les structures existantes. C’est d’un espace d’expression dont nous avons besoin, de lieux et de forums. Comme ce concert au Zénith.
D.B: Il faut persister. C’est important de développer notre action à l’échelle européenne. Depuis longtemps nous prenons parti pour certaines causes mais dans la continuité. S’engager ponctuellement ne sert à rien.
Certains ont choisi des actions fortes comme le bouclier humain. Jouer de la musique est-il plus approprié d'après vous ?
C.B: Je ne crois pas au bouclier. Je ne souhaite pas être l’instrument de Saddam. Cet événement est une action politique musicale. Ce n’est pas simplement une fête, mais une mobilisation contre la guerre. Pourquoi les revendications ne prendraient-elles que cette forme, ou celle d’une manifestation avec slogans et pancartes? Pour beaucoup de gens ce n’est pas leur culture, ils n’iront pas dans la rue. Ce n’est pas moins légitime.
D.B: Personne ne peut nous reprocher de faire entendre notre voix. Je suis réfugié politique chilien depuis 20 ans. Comme ce pays est aujourd’hui une démocratie, ce statut n’existe plus. Quand je suis parti du Chili avec mes parents, deux options se présentaient à nous: les Etats-Unis ou l’Europe. Ce choix est encore plus fort maintenant. Cette cause me touche d’autant plus car l’Irak est une dictature. Aujourd’hui, je ne me sens ni chilien ni français mais citoyen du monde. C’est très important, mais cela me semble de plus en plus difficile.
Avez-vous pris contact avec les communautés arabe et juive ?
C.B: En France, le communautarisme se renforce. Il est stupide de les mettre dos à dos. Nous devons nous battre pour qu’ils se respectent, contre le racisme et l’antisémitisme. Beaucoup n’ont pas souhaité répondre, ce n’est pas facile de s’exposer.
A quoi serviront les fonds récoltés ?
C.B: A la mobilisation. Nous sommes maintenant bénéficiaires, les comptes seront d’ailleurs très clairement diffusés et l’argent réinvesti dans différents concerts en région, la réalisation d’un fanzine. Nous diffusons déjà notre mailing-list via internet, une revue de presse quotidienne. Nous avons pris contact avec des artistes anglais afin de faire des concerts de soutien en Angleterre. Nous prévoyons également l’organisation de colloques mais si nous avons l’occasion de financer une partie de l’opposition à Saddam, nous le ferons. Un concert au Kurdistan pour la soutenir? On le fera.
LISTE DES ARTISTES SIGNATAIRES DE L'APPEL : "ENSEMBLE CONTRE LA GUERRE" :
Matmatah - Tryo - Mister Gang - Sapho - Sinsemilia - Root's Secours - MIG - Sergent Garcia - Lofofora - M'Panada - Astonvilla - La Tordue - Massilia Sound System - Fanch - Lambert Wilson - Watcha - François Hadji Lazarro - Le peuple de l'herbe - Saian Supa Crew - Joyeux Urbains - Percubaba - Les Ogres de Barback - Hubert Félix Thiéfaine - Indochine - Jacques Higelin - Loîc Lantoine - La rue Kétanou - La Ruda Salska - Zebda - Mass Hysteria - Tiken Jah Fakoly - I Muvrini - Les Wriggles - Axelle Red - Benabar - Vincent Delerm - Sanseverino - Sapho - Linda Lemay - Natasha St-Pier - Miossec - M'Panada - K2R - Flor del Fongo - Dikes - Zincles - Alphajet - Redrum DJ
Pascal Bagot
Comment s’est déroulée la mobilisation des groupes ?
C.B: Géniale! Les artistes ont tout de suite répondu présents, se sont rendus disponibles et ont fait passer l’appel. Ils ont joué le jeu du bénévolat, des interviews même pour ceux qui habituellement s’y refusent. Je reçois encore des appels pour jouer jeudi. On n’évite pas l’écueil des maisons de disques qui essaient de placer leurs artistes. J’explique gentiment la première fois, plus fermement la seconde. Certains appellent plusieurs fois, mais leur motivation sent l’artifice. D’ailleurs à l’issue de ce concert, nous ne sortirons pas de disque, car nous refusons les suites commerciales.
Le conflit se profile à l'horizon : un concert contre la guerre n’arrive t-il pas trop tard ?
C.B: Nous sommes relayés à l’international par la télé canadienne et américaine, nous multiplions les contacts avec les communautés artistiques pour demander son arrêt.
D.B: A défaut de s’exprimer politiquement, notre veto est musical.
C.B: Même déclenchée, cette guerre peut être arrêtée. Nous sommes en train de réfléchir aux moyens de pression dont nous disposons sur Bush. Comme boycotter les produits des firmes américaines dont l’argent finance sa campagne électorale. Ce n’est pas de l’anti-américanisme mais une protestation contre Bush et la logique de sa géopolitique expansionniste.
Une fois la guerre déclenchée, votre mobilisation se poursuivra-t-elle ?
C.B: Oui, mais je ne sais pas encore comment. Nous avons pris contact avec des groupes locaux, noué des engagements avec des lieux un peu partout en France, à Brest, Rouen, Marseille, dans les Hauts-de-Seine. Je pense que cette action a mis le doigt sur un mode d’expression qui génère une nouvelle forme de mobilisation. On dit souvent que les gens sont dépolitisés, mais je crois simplement qu’ils vivent la politique autrement. Ils ne se reconnaissent pas dans les partis, les réunions, les structures existantes. C’est d’un espace d’expression dont nous avons besoin, de lieux et de forums. Comme ce concert au Zénith.
D.B: Il faut persister. C’est important de développer notre action à l’échelle européenne. Depuis longtemps nous prenons parti pour certaines causes mais dans la continuité. S’engager ponctuellement ne sert à rien.
Certains ont choisi des actions fortes comme le bouclier humain. Jouer de la musique est-il plus approprié d'après vous ?
C.B: Je ne crois pas au bouclier. Je ne souhaite pas être l’instrument de Saddam. Cet événement est une action politique musicale. Ce n’est pas simplement une fête, mais une mobilisation contre la guerre. Pourquoi les revendications ne prendraient-elles que cette forme, ou celle d’une manifestation avec slogans et pancartes? Pour beaucoup de gens ce n’est pas leur culture, ils n’iront pas dans la rue. Ce n’est pas moins légitime.
D.B: Personne ne peut nous reprocher de faire entendre notre voix. Je suis réfugié politique chilien depuis 20 ans. Comme ce pays est aujourd’hui une démocratie, ce statut n’existe plus. Quand je suis parti du Chili avec mes parents, deux options se présentaient à nous: les Etats-Unis ou l’Europe. Ce choix est encore plus fort maintenant. Cette cause me touche d’autant plus car l’Irak est une dictature. Aujourd’hui, je ne me sens ni chilien ni français mais citoyen du monde. C’est très important, mais cela me semble de plus en plus difficile.
Avez-vous pris contact avec les communautés arabe et juive ?
C.B: En France, le communautarisme se renforce. Il est stupide de les mettre dos à dos. Nous devons nous battre pour qu’ils se respectent, contre le racisme et l’antisémitisme. Beaucoup n’ont pas souhaité répondre, ce n’est pas facile de s’exposer.
A quoi serviront les fonds récoltés ?
C.B: A la mobilisation. Nous sommes maintenant bénéficiaires, les comptes seront d’ailleurs très clairement diffusés et l’argent réinvesti dans différents concerts en région, la réalisation d’un fanzine. Nous diffusons déjà notre mailing-list via internet, une revue de presse quotidienne. Nous avons pris contact avec des artistes anglais afin de faire des concerts de soutien en Angleterre. Nous prévoyons également l’organisation de colloques mais si nous avons l’occasion de financer une partie de l’opposition à Saddam, nous le ferons. Un concert au Kurdistan pour la soutenir? On le fera.
LISTE DES ARTISTES SIGNATAIRES DE L'APPEL : "ENSEMBLE CONTRE LA GUERRE" :
Matmatah - Tryo - Mister Gang - Sapho - Sinsemilia - Root's Secours - MIG - Sergent Garcia - Lofofora - M'Panada - Astonvilla - La Tordue - Massilia Sound System - Fanch - Lambert Wilson - Watcha - François Hadji Lazarro - Le peuple de l'herbe - Saian Supa Crew - Joyeux Urbains - Percubaba - Les Ogres de Barback - Hubert Félix Thiéfaine - Indochine - Jacques Higelin - Loîc Lantoine - La rue Kétanou - La Ruda Salska - Zebda - Mass Hysteria - Tiken Jah Fakoly - I Muvrini - Les Wriggles - Axelle Red - Benabar - Vincent Delerm - Sanseverino - Sapho - Linda Lemay - Natasha St-Pier - Miossec - M'Panada - K2R - Flor del Fongo - Dikes - Zincles - Alphajet - Redrum DJ
Pascal Bagot