Magic Malik

Chantre de la "culture ouverte" comme il le dit lui-même, le flûtiste Magic Malik publie ces jours-ci un nouvel album 00-237, deux ans seulement après un premier essai très remarqué. Peu enclin à respecter les frontières des genres, il compose au gré des rencontres humaines et sonores. Interview.

Deuxième album du jazzman

Chantre de la "culture ouverte" comme il le dit lui-même, le flûtiste Magic Malik publie ces jours-ci un nouvel album 00-237, deux ans seulement après un premier essai très remarqué. Peu enclin à respecter les frontières des genres, il compose au gré des rencontres humaines et sonores. Interview.

Un père peul de Guinée, une mère mi-bourguignonne mi-italienne avec un zest cap-verdien, un père adoptif guadeloupéen... Le métissage de Malik "Magic" Mezzadri ne se trouve pas que dans sa musique. Après un parcours de dix ans au sein du groupe funk Human Spirit, des apparitions sur les albums de Susheela Raman, M, Cachaïto Lopes ou St Germain, Malik publie son deuxième album, 00-237. Une double galette concept où apparaît notamment le saxophoniste américain Steve Coleman. Magic Malik y étale toute l’étendue de son talent pour composer et faire vibrer sur une base de mélanges de mélodies africaines, jazz, indiennes… De quoi conforter l’opinion de beaucoup sur le côté incontournable de ce charismatique flûtiste de 34 ans.

D’où tenez vous ce curieux surnom de Magic?
C’est Stéphane Benhamou qui a été mon manager pendant un certain temps et qui me cherchait un nom d’artiste à l’époque où je jouais avec Human Spirit. Il a trouvé Magic et je me suis dit "OK pourquoi pas?". Il y avait le même nombre de lettres et j’ai trouvé que ça ne sonnait pas mal. Mais en soi, cela n’a pas beaucoup de sens. C’est comme si tu regardais une carte avec écrit Bourgogne dessus, cela ne veut rien dire. Il faut y aller voir pour que cela soi intéressant.

A quand remonte votre premier contact avec la flûte?
Je devais avoir quatre ans quand j’ai touché ma première flûte à bec et onze ans pour la flûte traversière. Très mauvais souvenir, je l’ai rangé immédiatement avant de la ressortir vers l’age de quinze ans.

Qu’est-ce qui vous a poussé à la reprendre?
Ma mère, je crois. Elle a su vraiment voir très tôt chez chacun de nous ce vers quoi on étaient enclin. Apparemment j’étais très sensible à la musique. A la maison, on avait un disque de Myriam Makeba, je me souviendrai longtemps de Pata Pata ou de certains airs de Joe Dassin.

Et pourquoi en avoir fait une profession ?
J’étais trop réactionnaire par rapport au système scolaire. Je me suis fait viré du lycée en terminal S et au même moment, j’ai rencontré un professeur, Marc Verolas qui m’a initié à la flûte classique et traversière. Il m’a fait prendre conscience qu’on pouvait être musicien. A partir de là, j’ai commencé à prendre confiance en moi et puis je n’avais plus trop le choix ayant été viré… J’ai tenté le coup en allant m’inscrire au concours d’entrée du conservatoire de Marseille. J’ai vu un responsable qui m’a dit: "Tu as environ deux ans de retard sur le niveau nécessaire. Travaille dur cet été et puis on verra à la rentrée". Par chance, j’étais chez ma grand-mère, maman Jo, et elle m’a encouragé comme seule une grand-mère sait le faire. J’ai tellement progressé que je suis entré premier et je crois que c’est à elle que je le dois.

Puis vos plaquez aussi le conservatoire classique…
Oui, je suis venu à Paris parce que j’en avais marre du conservatoire classique. Je suis entré au CIM (école parisienne de jazz) et puis un mec est venu me voir en me disant "On a un groupe qui s’appelle Human Spirit, on cherche une flûte pour un morceau". Je suis passé pour une répet’ et puis, dix ans plus tard, j’y étais encore… Par la suite, c’est Julien Lourau qui m’a demandé d’intégrer son Groove gang. Mais le Magik Malik Orchestra commençait à prendre forme.

Qu’est ce qui vous déplaisait dans l’enseignement du conservatoire ? Le côté un peu poussiéreux de Jean-Pierre Rampal ?
Non, d’abord je préfère James Galway à Jean-Pierre Rampal. Le problème est que moi, je ne tiens pas cinq minutes dans une conversation où il faut citer des tas de noms prestigieux ou d’exemples artistiques. Je lis un bouquin même génial deux minutes après, j’ai oublié le nom de son auteur. Le cinéma, c’est pareil. Or, le milieu classique est un milieu où il faut fonctionner beaucoup par références. Ma grande chance par rapport au classique, c’est que je n’ai pas subi le conditionnement trop tôt. J'y suis arrivé après un vécu de onze, douze ans. En conservatoire, on te met tout de suite en rapport avec le côté formel des choses: le travail, la discipline, le travail physique alors que quand tu es gosse et que tu apprends la musique, c’est d’abord par la sensibilité que tu dois y accéder.

A quoi attribuez-vous votre notoriété dans le milieu musical où l’on vous sollicite pas mal comme intervenant, sideman?
Je pense que le fait d’avoir joué avec DJ Gilbert aux débuts de la jungle à Paris où lui mixait et moi, je jouais de la flûte par-dessus, a fait pas mal bouger les choses. Je ne suis pas vraiment un musicien de studio ou un sideman, je vais là où on m’appelle à condition que le projet me plaise.

Vous avez tout de même un jeu sinon spectaculaire, du moins très personnel. Sur votre premier album 69-96 on vous entend chanter en même temps que vous jouez c’est assez inhabituel…
Roland Kirk le fait aussi bien, sinon mieux que moi. Je crois que la particularité de mon jeu est plus dans le choix d’un certain type de langage dans l’improvisation et dans la composition. C’est un détail que de chanter dans le tuyau d’une flûte. Ce qui prime, c’est l’intention et l’aboutissement musical et surtout émotionnel.

Votre nouvel album se compose de deux disques l’un avec des titres normaux, l’autre est une longue liste de XP. Qu’est ce que sont ces XP?
XP c’est un système. J’ai voulu sur cet partie de l’enregistrement m’imposer une contrainte de composition et de jeu très particulière qu’il serait un peu long et fastidieux de détailler. Mais pour faire simple, c’est comme si un photographe partait en voyage et décidait de prendre en photo différentes scènes ou paysages avec toujours la même ouverture de diaphragme, la même focal et la même sensibilité de pellicule. C’est ludique, j’aime bien ce qui est systémique, cet aspect de l’homme et du caractère humain. C’est comme les contraintes qui impliquent qu’on peut construire une cathédrale ou un igloo.

C’est étrange parce qu’on se dit que votre musique inspire une idée de grande liberté, une part d’improvisation et à vous entendre vous n’aimez rien tant que la contrainte et les figures imposées.
(Rires) Oui je sais. Mais l’un des aspects que je défend dans ma musique, c’est que le résultat final ne soit pas forcément un exposé des méthodes de composition. J’aime bien quand finalement tout cela ne concerne que l’artiste, qu’on ait pas besoin d’une notice d’explication. Là, je vous la donne parce que vous me posez la question. Mais l’essentiel, c’est que les morceaux aient une âme et du ressenti.

Magic Malik Orchestra Label Bleu 2003

En concert :
27 & 28 mars à Annemasse
5 avril à Angers
7 juin au Festival du Soleil à Marseille
29 juin au festival Jazz en Lubéron à Saint Saturnin les Apt
30 juinGap