Stomy Bugsy

Stomy Bugsy, héros des cours de récré avec le tubesque Mon papa est un gangster, n'en est pas moins un rappeur confirmé qui nous propose aujourd'hui un nouvel album intitulé 4e round. Rencontre avec celui qui avec sa belle gueule et son franc parler, se la joue à la fois charmeur et rebelle.

Quatrième album pour le rappeur de Sarcelles

Stomy Bugsy, héros des cours de récré avec le tubesque Mon papa est un gangster, n'en est pas moins un rappeur confirmé qui nous propose aujourd'hui un nouvel album intitulé 4e round. Rencontre avec celui qui avec sa belle gueule et son franc parler, se la joue à la fois charmeur et rebelle.

Alors qu'il est à l'affiche d'un film qui sera sur les écrans français le 7 mai, Gomes et Tavares, Stomy assure par ailleurs la promotion de son nouvel album sorti fin mars. Le poil ras, les Ray Ban à la main, la démarche tranquille, il est malgré ses tout juste trente ans, un vieux briscard du rap hexagonal. L'occasion pour nous de faire le point sur ses activités musicales.

RFI Musique : Pourquoi un 4ème round ? Stomy Bugsy : Parce qu'en boxe, ça veut dire que tu es passé professionnel. En boxe amateur, il n'y a que trois rounds. C'est aussi le cap des trente ans. Et c'est tout simplement mon quatrième album. Je vois la vie et ma carrière comme celle d'un boxeur. C'est tous les jours un combat. Ce titre résumait bien l'album.

Aujourd'hui encore, c'est un combat ?
Tous les jours, il faut vérifier ses affaires, voir si ton équipe a bien fait le travail. Il faut se battre pour que tes morceaux passent en radio, pour faire telle scène, tel concert. Il faut se justifier dans les interviews. Tu dois faire le meilleur album possible, faire face aux critiques, les accepter. Tu dois faire en sorte qu'elles ne te blessent pas alors qu'elles parlent du plus profond de ton être, de ton âme, de ce que tu as écrit, ce qui vient de tes tripes et de ton esprit. Il y a un combat avec les autres mais aussi avec soi-même.

A l'écoute de cet album, on a l'impression que vous avez voulu rassembler tout ce qui faisait partie de votre univers : les amis (dont Passi), la boxe, le cinéma, vos racines, etc. Est ce que le résultat vous convient ?
Il y a toujours des choses que l'on peut améliorer. J'ai quand même mis deux ans à faire cet album. D'habitude, je les fais en cinq/six mois. J'ai pris du recul. Je voulais que ce soit comme un bon vin qu'on laisse fermenter. Je l'ai fait comme un chantier. J'ai retravaillé les morceaux au fur et à mesure. J'ai pris les meilleurs. J'ai passé la première couche, la deuxième couche, j'ai poncé, j'ai passé le vernis. J'ai bien pris mon temps. C'est un album bien pensé. Avec quelques petites touches de spontanéité à la fin. Certains morceaux ont été faits à la dernière minute comme Mauvaise attitude par exemple. Drôle de vie, c'est un morceau que j'avais écrit depuis longtemps mais je ne retrouvais plus les feuilles ! Au dernier moment, je les ai retrouvées. Femmes en prison est un texte dont j'avais écrit la moitié en 98. Je voulais que ce soit un morceau très spirituel. Je n'avais pas encore trouvé la voix féminine pour l'accompagner. Quand on m'a proposé de faire un morceau avec Kenny Rowland (ndlr : une des chanteuses des Destiny's Child), j'ai dit avec plaisir. Ça peut servir la cause.

On parle de Kenny Rowland, mais vous sentez-vous proche du mouvement R'n'B français ?
Je me sens proche de toutes les bonnes musiques, aussi bien de l'opéra que de la salsa. Quand la musique est bonne, je frémis avec elle, il y a des choses qui se passent. Avec le R'n'B, bien sûr. C'est le cousin du hip hop. C'est un dérivé de la soul music et moi, j'ai baigné dedans étant tout petit. A l'origine, c'était le rythm'n'blues. Maintenant, ça a un côté un peu plus paillette et jeune.

Qu'est ce qui vous inspire aujourd'hui qui ne vous inspirait pas hier ?
Bien sûr, quand tu écris, il y a la vie tout simplement qui te montre des choses. Il y a l'âge aussi. Tu vois ton enfant grandir. Tu vois aussi des gens avec qui toi-même tu as grandi : quand tu retournes dans ton quartier, certains sont devenus toxico, certains sont morts, il y en a qui ont perdu toute leur aura. Inversement, pour certains, on pouvait penser qu'ils deviendraient des clochards, ce sont des PDG ! Du coup, ça donne à réfléchir. C'est la vie qui veut ça.

On découvre votre intérêt pour le rock et la pop, c'est nouveau ?
Dans mes albums en solo, c'est vrai que c'est nouveau. Mais au sein du Ministère Amer, on a toujours mêler la guitare électrique au reste. J'ai toujours baigné dans le rock. Fats Domino, Chuck Berry, Presley... Je suis un rocker dans l'âme. Le rock, c'est aussi un truc black. Elvis qu'on appelle le King, lui même a grandi dans un quartier noir. Il a toujours dit d'ailleurs qu'il s'était nourri des musiques noires. A l'époque, les gens cassaient ses disques, ils disaient que c'était un nègre blanc. Il se déhanchait comme un noir. Il avait la voix d'un black.

Sur votre site, on découvre vos références, Martin Luther King, Malcolm X, Fela, Haïlé Sélassié, Muhamed Ali. La question noire est une question qui vous préoccupe ?
Déjà, ce sont mes racines. C'est ma base, c'est ce qui m'amène à ne jamais trahir mon peuple. C'est les écrits de Franz Fanon, des gens comme ça. Pour moi, c'est très important. On doit être engagé sur cette question. Parce que sur cette planète, on est dévalorisé. Et jusqu'à présent, l'Afrique n'appartient pas aux Africains. Elle appartient à l'Occident et à l'Europe. Même les présidents africains, ce ne sont pas eux qui contrôlent leur pays. Comparé au peuple arabe, les Noirs ne sont pas assez solidaires entre eux.

Votre carrière ciné est-elle compatible avec la musique ?
J'arrive à faire les deux parce que pour moi, c'est pareil. Le fond est le même, la forme est différente. C'est le même métier. Développer et envoyer des émotions. Il y a peu de différences en fait. Quand je fais un film, je suis un matelot au service du capitaine, le réalisateur avec une équipe. Dans la musique, je suis le capitaine. C'est le même bateau sauf que je change de poste.

Une autre de vos activités, c'est celle de producteur. Vous aviez monté le label Show Lapins il y a quelques années...
En fin de compte, je m'occupais plus de l'aspect artistique. Je ne suis pas un homme d'affaire. Quand on est producteur, il faut aimer l'argent. Moi, j'aime avant tout mon métier, communiquer des choses, faire passer des messages, faire vibrer les gens. Quand je fais un projet, je ne demande pas combien je suis payé. A part si je suis pris à la gorge, si les impôts sont derrière moi ! Pour être un bon directeur de label, il faut aimer l'argent. Ce n'est pas mon cas. Chacun sa voie et chacun son talent. Je peux réaliser un album et pourquoi pas un film... Mais je ne suis pas doué en affaire. La preuve, tout ceux que j'avais produits, c'étaient des amis d'enfance. C'étaient des coups de coeur pour des potes à moi à qui je trouvais du talent. Je voulais les aider. On a fait un bon album Mixomatose. J'en suis très fier.


Le rap aujourd'hui en France, ça veut dire quoi ?
C'est une musique très riche. Il y a de bons auteurs. Il y a un vrai public. C'est vrai qu'il y a des hauts et des bas. C'est vrai que c'est un milieu un peu fermé car il y a quelques têtes d'affiche qui veulent tout s'approprier. A la base, le hip hop c'est tout sauf fermé. Il y a les graffiti artistes, les DJs, les beat boxer, les rappeurs, les danseurs, c'est une culture très variée. C'est un arbre avec de nombreuses branches. On a l'impression que c'est très fermé mais en fait, c'est l'inverse. C'est l'image et les préjugés. C'est aussi le fait que beaucoup de rappeurs ne sont pas prêts à passer à la télé par exemple. Il faut se mettre à leur place : on leur pose des questions débiles. Souvent, on ne les respecte pas en tant qu'artistes. Il y a une certaine frustration. Ils se blindent et se renferment. Après, ils ne veulent plus y aller. Carrément.

Vous avez 30 ans. Quel est votre regard sur les 10 ans passés ?
Jusqu'à présent je n'avais pas vraiment regardé derrière moi. Mais je trouve ça excellent, incroyable même, d'être passé presque d'ennemi public avec Ministère Amer, au moment où les Renseignements Généraux frappaient à ma porte pour me dire qu'il fallait que je me calme dans mes textes, au grand chouchou des médias. Etre même un Père Noël noir ! Quand je me baladais dans la rue, les enfants me sautaient au cou. A cent mètres, ils me reconnaissaient. Maintenant, je suis acteur... je trouve cela incroyable. Avec du recul, je me dis que j'ai beaucoup de chance. Je ne vais pas dire que je suis une bête de travail parce que quand je fais ça je n'ai pas l'impression de travailler mais enfin... Je suis un passionné et je crois en certaines choses. Je crois en moi et je le dois à ma mère. Quand la femme qui vous met au monde vous dit que vous êtes le plus fort et le plus beau, que tout vous réussira dans la vie, c'est fort. Quand tu as trois ans et que tu reviens à la maison avec des bleus, elle te dit : "Quand on te frappe, tu frappes. Te laisse plus jamais faire. Si tu frappes le gamin qui t'as frappé, je te donnerai des Pepitos !" Ça donne confiance.

Stomy Bugsy 4e round (Columbia) 2003