Nicolas Peyrac, serein
Nicolas Peyrac vient de sortir son quinzième album, Seulement l’amour. Le chanteur est serein, souriant, confiant : ce nouveau-né, il en est sûr, est celui qui lui ressemble le plus. Il lui aura fallu 28 années de carrière et de déceptions pour en arriver là, mais Peyrac est maintenant heureux.
Seulement l'amour, Chapitre 15.
Nicolas Peyrac vient de sortir son quinzième album, Seulement l’amour. Le chanteur est serein, souriant, confiant : ce nouveau-né, il en est sûr, est celui qui lui ressemble le plus. Il lui aura fallu 28 années de carrière et de déceptions pour en arriver là, mais Peyrac est maintenant heureux.
Cela faisait déjà quatre ans qu'on ne l’avait entendu. Et encore, son précédent album, Autrement en 1999, était plutôt passé inaperçu. Nicolas Peyrac donne donc l’impression d’un revenant. Il a le goût d’un souvenir qui remonte brusquement à la surface. Il y a bien évidemment eu la vie et les longues démarches à faire, mais il y a également eu le temps que le chanteur tenait absolument à prendre: "Je ne voulais pas que cela sorte dans n’importe quelles conditions. Chat échaudé craint l’eau froide et j’ai souvent eu la désagréable surprise de voir que l’énergie investie pour préparer un album n’était pas relayée après: les gens supposés s’en occuper en aval ne font pas toujours leur boulot. Aujourd’hui, c’est la première fois de ma vie que j’ai pu gérer un disque du début à la fin sans avoir à aucun moment l’impression que cela m’ait échappé. J’ai peut-être couru pendant des années après ce que je devinais de moi sans que cette image soit la bonne. Aujourd’hui ce disque c’est moi. Il n’y a pas de tentative de fabrication d’un personnage."
Le titre de l’album, Seulement l’amour, donne d’emblée le ton… et le thème. Sujet universel, l’amour est ici visité, constaté, pleuré, trituré. Il y a la femme qui s’en va, celle qui reste, celle qui va partir, celle qui gémit, celle qui s’inquiète. Intonation gris-bleue pour grincements de coeur plus ou moins craquants. Pourtant Peyrac se refuse au pessimisme : "Je ne pense pas que l’amour soit forcément douloureux. Après le bilan des choses soit disant importantes à nos yeux, on se rend compte qu’il n’y a que le fait d’être aimé pour soi qui compte. L’amour est un thème inépuisable : l’amour que l’on porte à ses amis, au public… Il y a l’amour passionnel, l’amour à plus long terme. Cela regroupe plein de choses."
Deux chansons pourtant se détachent de l’ensemble : la première, J’écrirai et l’ultime, Rendez-vous. Cette dernière promet au public des retrouvailles en concert. Il faut dire que cela fait vingt ans que Peyrac n’a pas fait de longues tournées. "Quant à J’écrirai, c’est pour moi la suite de Et mon père (tube Nicolas Peyrac en 1976, ndlr). C’est de manière plus générale le pourquoi de l’écriture, comment on commence quand on est gamin ou ado, comment un jour quelque chose que vous écrivez vous échappe et puis comment cela continue à vivre et à vous donner envie de faire des concerts et de rencontrer des gens." Il faut dire qu’une des grandes passions de Nicolas Peyrac est l’écriture. Il est aujourd’hui auteur de romans et critique de cinéma. Pourtant le chanteur avoue trouver dans la fabrication de paroles une difficulté incomparable : "C’est à la fois le moment le plus génial et le pire. La musique vient toujours facilement. Quand on a la chance d’être mélodiste, on peut créer plein d’airs sans aucun souci. Cela ne veut pas dire qu’ils seront forcément formidables mais en tous les cas on est capable de les faire. Les textes, c’est une autre affaire."
Du côté de la musique quelques collaborations sont à noter. Il y a d’abord Annette Wyle, une Australienne qui échange via internet des fichiers mp3 avec le chanteur. Il s’agit surtout de points de départ de chansons, d’idées d’harmonies, d’ambiances auxquelles Peyrac ne pensait pas. Il y a ensuite des lignes de guitare, pensées et réalisées des deux côtés de l’Atlantique : "C’était une idée un peu folle ! Les musiques étaient quasiment faites et j’ai pris la décision de les envoyer à Nashville chez Bruce Gaitsch, mon guitariste fétiche et mon ami depuis quelques années. Et en même temps à Fabrice Gratien, un grand clavier et ami qui avait sous la main un autre guitariste, Antoine Delecroix. Je leur ai dit : "Allez-y. Il n’y a pas la place pour grand chose, juste pour des guitares. Là où vous les entendez, vous les mettez !" Sauf que personne ne savait ce que l’autre faisait. Et quand j’ai reçu les "devoirs", je les ai superposés, mélangés, c’était merveilleux, cela se complétait parfaitement !"
L’enthousiasme de Peyrac se porte également sur les moyens techniques d’aujourd’hui, les outils mis à sa disposition qui lui ont permis de quasiment tout faire lui-même : "Si je le veux je peux tout effacer et recommencer, j’ai tout dans mon disque dur d’ordinateur portable, j’ai même de quoi enregistrer des voix définitives dans une chambre d’hôtel. Par exemple le dernier mixage de On court, je l’ai fait pendant un week-end du mois de juillet, couché dans une chaise longue, casque sur les oreilles! Cela n’a pas de prix, c’est une vraie liberté. Cela dit la technique n’est qu’un outil. Quand on fait entrer du mauvais, c’est du mauvais qui sort! Mais quel outil!"
Bref, c’est un Nicolas Peyrac très en forme qui revient. Et si l’on venait à s’inquiéter en entendant les deux phrases clôturant ce Seulement l’amour, ces deux vers disant: "J’me mets entre parenthèses / Juste aux abonnés absents", il est bien là pour nous tranquilliser. Parfois il y a des périodes où il faut se restructurer, se reconstruire. Parfois le public a pu penser qu’il avait cessé de chanter et d’écrire. Alors il veut que tout le monde sache qu’il sera toujours là, même si parfois il lui arrive de s’éloigner. Et si ce nouvel album, tant important pour le principal intéressé, ne venait pas à fonctionner? Là encore le chanteur sourit : "J’ai l’habitude! Ce ne sera même pas surprenant. Mais pour la première fois de ma vie je suis serein par rapport à cela. Le but était d’aller jusqu’au bout de ma démarche, pas de faire un album qui marche à tout prix."
Seulement l'amour (BMG/RCA)