Duel de Lolitas

Elles sont toutes deux jeunes et jolies, jouent les femmes-enfants sur des airs acidulés et régalent les éditeurs de presse pour adolescents à l'idolâtrie facile. Alizée et Mélissa Mars conjuguent chacune à leur façon le terme "Lolita". Hasard de planning ou stratégie marketing, leurs albums respectifs sortent presque conjointement dans la même maison de disques. Gros plan sur ces rivales non déclarées.

Alizée/Mélissa Mars

Elles sont toutes deux jeunes et jolies, jouent les femmes-enfants sur des airs acidulés et régalent les éditeurs de presse pour adolescents à l'idolâtrie facile. Alizée et Mélissa Mars conjuguent chacune à leur façon le terme "Lolita". Hasard de planning ou stratégie marketing, leurs albums respectifs sortent presque conjointement dans la même maison de disques. Gros plan sur ces rivales non déclarées.

Une jeune fille dans le (sens du) vent

Sourire juvénile, mélodies sucrées et ambiguïté pré-calculée : Alizée est l'archétype de la Lolita pour bandes FM. Découverte grâce à l'émission Graine de Star, le radio crochet télévisé de la chaîne française M6, son parcours artisticommercial est jusqu'à maintenant un sans faute. Son premier album, Gourmandises, affiche un score à rendre fou n'importe quel artiste en développement (plus de 800.000 unités vendues). Son tube Moi, Lolita s'est quant à lui écoulé à 1.500.000 exemplaires en France. Avant de séduire l'Allemagne, les Pays-Bas (le single est certifié Disque d'or dans ces deux pays), le Japon, l'Angleterre…Sans compter les NRJ Award, Hit FM Award (en Russie) et autres World Music Award - récompensant l'artiste féminine française ayant réalisé les meilleures ventes de disques à l'étranger.

Il faut dire que l'entreprise Alizée a tout d'une machine de guerre redoutable d'efficacité. Derrière la frimousse de collégienne officie un duo abonné aux premières places des charts, et en conséquence rompu à la mécanique du succès : Mylène Farmer et son compositeur-Pygmalion, Laurent Boutonnat, lesquels chaperonnent scrupuleusement leur protégée, contrôlant ses chansons comme son image. De fait, la jeune ajaccienne affiche un style mimétique, jouant les Mylène Farmer premier âge. Une manière de Libertine soft en jupette et socquettes.

Mes courants électriques, sa deuxième livraison est légitimement conforme à la formule qui l'a consacrée, servant une Alizée un rien plus adulte aux ados en manque d'idole, tout en capitalisant sur la "Lolita touch" initiée par ses coaches. On ne change pas une équipe qui gagne. La robe jeunes années est donc toujours de mise, comme le tissu écossais qui habille le CD. Et si elle confie aujourd'hui "ne pas hésiter à donner son avis lors des séances d'enregistrement", la demoiselle du haut de ses dix huit ans, chante toujours docilement des couplets de cour d'école ("Jeudi c'est colle…Je sors d'ici/Je dis l'école ne sait pas c'que je vis" ou encore "Rendez-vous dans une vie scolaire/G'noux, cailloux et plus de galère"). Le propos est uniforme, les mélodies interchangeables.

Certes, l'ensemble est tout à fait écoutable, à défaut d'être original, mais les atours, variét'toc bien emballée, l'overdose de chœurs vaporeux et la mièvrerie occasionnelle inspirent la plus grande circonspection. Tout sauf alternatif (là n'est de toutes façons pas le propos), ces Courants électriques sont néanmoins armés pour accrocher un score confortable dans les bacs des disquaires. C'est en tous les cas ce sur quoi semblent avoir misé les mentors de la Lolita aux Disques d'or, qui prévoient de lui faire remplir l'Olympia de Paris à sept reprises au mois d'août prochain.

Le moi de Mars

Plus lunaire qu'ado mutine, malgré ses panoplies rose bonbon, sa voix prépubère et ses airs faussement ingénus, Melissa Mars pourrait très bien jouer les camarades de classe de la protégée de Mylène Farmer. Sauf que le parallèle ne ravit pas vraiment l'intéressée, soucieuse de s'afficher comme une artiste à part entière. Entrée dans la musique au hasard d'une rencontre avec François Bernheim, à qui l'on doit les premiers pas dans le métier d'une certaine Patricia Kaas, cette comédienne passée à la chanson estime faire une sorte de "mise en scène musicale". Soit un film avec des compositions taillées sur mesure. Intime, égocentré, Et Alors ? sa première sortie, évoque les fêlures de la jeune interprète sur le mode ludique, par l'entremise de la plume maternelle (Maman Mars signant ici plusieurs textes, dont Papa m'aime pas, single vaguement autobiographique).

Aussi, quand on rapproche son travail de celui de sa collègue de label (les deux artistes sont toutes deux hébergées par Polydor), Miss Mars n'apprécie que moyennement. "Honnêtement, il faut vraiment être de mauvaise foi pour me comparer à Alizée, qui n'a aucune démarche personnelle, qui est l'objet de Mylène Farmer, sans que ça soit péjoratif. Ma démarche est personnelle, ce n'est donc pas possible de comparer les deux. Je ne suis pas une marionnette ! ". Le parallèle avec le mentor d'Alizée n'emporte pas plus ses suffrages. "Le raccourci de Papa m'aime pas à Maman a tort est un peu facile. Il n'y a vraiment pas de rapport entre les deux chansons, si ce n'est éventuellement le titre". C'est que cette native de Marseille n'entend pas faire les choses comme tout le monde, et verrait volontiers Et Alors ? comme un album atypique.

Si l'album n'est pas non plus un modèle de singularité, force est de reconnaître l'apparente sincérité de la manœuvre. En revanche, on peut trouver à redire sur une forme parfois un poil terne, cédant par moment à un dispensable emballage pop acidulé aux accents 80's trahissant un univers musical encore tâtonnant, en décalage total avec le propos de la demoiselle ("je n'ai pas l'impression d'avoir fait un truc passe-partout"). De plus, si elle se défend d'être un Alizée bis, Mélissa Mars est néanmoins susceptible de fédérer un public similaire. D'autant que certaines de ses attitudes juvéniles, comme ces pseudo-mystères sur son âge ("parfois j'ai vingt-cinq ans, parfois j'en ai seize") font le bonheur de la presse pour midinettes.

Alors, Lolita, Melissa Mars ? "Le terme Lolita tel que l'a défini Nabokov me correspond un peu. Mais le mot est devenu un peu passe partout. Il suffit d'être jeune, un peu provoc' et de chanter, et on est une Lolita –on dit même que Lorie est une Lolita ! Si c'est le cas, on est toutes des Lolitas !". A elle d'inverser la tendance…

Alizée Mes courants électriques Polydor 2003
Melissa Mars Et Alors ? Polydor 2003