La légende de Django Reinhardt
En hommage au plus grand guitariste de tous les temps disparu il y a tout juste 50 ans, EMI édite ce 16 mai sa rétrospective Django Reinhardt. Star des années 30, le "tsigane aux doigts d’or" a inventé le jazz manouche. Un jazz venu d’outre-Atlantique, moderne et populaire, qu’il enrichit de mélodies tsiganes, en digne héritier de sa culture musicale. De l’anthologie au coffret thématique de 6 CDs, (re)découvrez un mythe !
Retour sur un parcours fulgurant.
En hommage au plus grand guitariste de tous les temps disparu il y a tout juste 50 ans, EMI édite ce 16 mai sa rétrospective Django Reinhardt. Star des années 30, le "tsigane aux doigts d’or" a inventé le jazz manouche. Un jazz venu d’outre-Atlantique, moderne et populaire, qu’il enrichit de mélodies tsiganes, en digne héritier de sa culture musicale. De l’anthologie au coffret thématique de 6 CDs, (re)découvrez un mythe !
"Django mort, écrivait Jean Cocteau en 1953, c’est un de ces doux fauves qui meurent en cage. Il a vécu comme on rêve de vivre: en roulotte." Au sommet de sa gloire, Django Reinhardt rentrait effectivement dormir dans sa roulotte tous les soirs… Libre, flambeur, la star se foutait du confort, et assumait son identité tsigane.
Ce jeune prince, au sourcil noir et luisant, démarre à 13 ans sa carrière professionnelle dans un dancing de la rue Monge. Il apparaît déjà, sur une photographie de l’époque, tiré à quatre épingles dans un costard de serge noire au veston croisé. Elégant. Mais ce qui bluffe les aînés, c’est sa capacité à reproduire un morceau entendu une seule fois. Jeune prodige illettré, Django enregistre ses premiers morceaux, incapable d’épeler son nom, d’où les orthographes fantaisistes des premières galettes: Iango Renard sur les disques de Vaissade ou Jean Got pour ceux gravés par Marceau! Mais son talent éclate plus tard, après le fameux incendie qui lui coûte l’annulaire et l’auriculaire gauches, à jamais atrophiés. Django est atrocement brûlé. Un calvaire d’un an et demi suivra où après plusieurs mois de convalescence, une guitare est apportée.
Django est déterminé, tenace, furieusement courageux, il rejoue: c’est un miracle! Trois ans après son accident survenu en 1928, le peintre Emile Savitry le repère sur la Côte d’Azur, l’héberge et lui fait découvrir le jazz tandis que Jean Cocteau s’émeut de sa grâce et de cette "guitare à voix humaine". Une formule à laquelle Django répondra plus tard: "Mon langage c’est ce que je joue". Il ne lui manque plus que son instrument fétiche: la Selmer Maccaferri pour se produire au Palm Beach de Cannes avec l’orchestre de Louis Vola.
Les années 30 sont les années glorieuses pour Django Reinhardt. Soutenu par Cocteau, il rencontre les artistes qui comptent. Lui? Il joue. Il accompagne Jean Sablon, c’est chic, gagne de l’argent, le claque au jeu, se distingue au billard et prend le taxi. Parfois même, il disparaît, pour une visite aux copains de toujours. Mais jamais il ne rend des comptes… Même pas à Stéphane Grappelli qui disait à propos de l’humeur vagabonde de son alter ego : "Le printemps est son pire ennemi". Django et Stéphane deviendront des vedettes à la mode. Comme ils l’avaient chacun senti, le guitariste et le violoniste sont faits pour jouer ensemble, le plus naturellement du monde.
Repéré par le Hot Club de France (créé en 1932 par les étudiants de l’Ecole Normale de St Cloud), le duo s’étoffe de deux guitares rythmiques: Joseph Reinhardt et Roger Chaput, ainsi que le contrebassiste Louis Vola et prend finalement le nom de Quintette du Hot club de France. Et c’est l’explosion du phénomène Django Reinhardt. Le Quintette se produit à Montmartre, tourne partout en Europe. Au sein du quintette, c’est incontestablement lui le leader, et pendant la guerre de 39-45, alors que Stéphane reste à Londres, Django revient sur Paris où il continue à se produire. Le public est subjugué. Et les Allemands tolèrent.
A la Libération, c’est avec Fred Astaire que Django partage l’affiche de l’Olympia ! Au firmament de sa carrière, il traverse l’atlantique, convié par Duke Ellington, pour un tour exceptionnel qui se termine au Carnegie Hall de New York. A la surprise générale, il ne se présentera pas pour sa deuxième soirée… les Américains ne lui pardonneront jamais.
Terriblement à la mode pendant deux décennies, Django est moins désiré et passe de la roulotte au confort moderne. Les dernières années, il se la coule douce dans sa maison de Samois-sur-Seine, entre les parties de pêche et le café avec les copains. Saisi par une congestion cérébrale le 16 mai 1953, il s’échappe sans prévenir, une dernière fois, et rejoint son nuage.
A l’occasion de la sortie de l’anthologie Django, EMI valorise son catalogue Django Reinhardt. Un projet défendu par Alain-Guy Aknin et Philippe Crocq, maîtres d’œuvres des trois formules proposées dans les bacs. De la plus généraliste à la plus spécialisée, vous trouverez: une anthologie 2CDs, un coffret 3CDs (format longbox), et remarquable proposition, la collection thématique 6CDs. Une découverte de l’univers multiple de Django, selon six thèmes,proposée par Alain-Guy Aknin. Interview.
"Les deux frères ont énormément joué ensemble. Joseph a été l’excellent guitariste rythmique du Hot Club de France…mais indiscutablement, la vedette c’était Django. Leur complicité était immense. Django pouvait s’aventurer dans n’importe quelle improvisation, il savait que Joseph suivrait quoi qu’il arrive."
Django & les Américains
"Duke Ellington a dû attendre la libération pour organiser une tournée avec lui en guitariste vedette. Django pensait que les Américains se battraient pour lui offrir une guitare mais il a dû en acheter une, sa première guitare électrifiée! Et puis Duke avait vu grand: le Carnegie Hall à New York…la classe! Sauf que Django a "oublié" de se présenter le second soir. De retour à Paris, il déclarait : "En Amérique, les guitares sonnent comme des casseroles, les Américains ne savent pas jouer".
Django intime & en petite formation
"Les duos avec Stéphane Grappelli sont pour moi les plus belles pages musicales jamais écrites au 20ème siècle. Il y a également les duos avec Bill Coleman, insolites car cette fois c’est trompette plus guitare… mais Django n’est absolument pas recouvert. Et puis, je vous propose une version rare de Nuage, une version solo, longue, où Django s’amuse."
Django en grande formation
"On connaît le quintette du Hot Club de France, mais il a également joué avec les grands big bands américains de passage à Paris comme le Coleman Hawkins All-star Jam Band. Il crée même une formation géante, qu’il nomme pompeusement Django Reinhardt and his American Swing Band mais il est vrai que tous ses musiciens sont américains dans l’orchestre… L’expérience la plus drôle c’est avec Ray Ventura et ses Collégiens : ils enregistrent des versions françaises et swing extraites de Blanche Neige et les sept nains, Sifflez en travaillant et Un sourire en chantant."
Django et le Quintette du hot club de France
"C’est la période où il a explosé aux yeux du monde, où il a enregistré le plus de disques. C’est une page de l’histoire du jazz, une musique que la France venait de découvrir. Le jazz, c’était in, la musique à la mode. Les concerts étaient très simples, l’atmosphère conviviale et bon enfant. Avec Stéphane Grappelli, ils étaient totalement complices. Les gens s‘amusaient, ils dansaient."
Django et la chanson
"Jean Sablon, le premier à avoir utilisé un microphone sur scène (un sacré scandale) remarque Django à la Boîte à Matelots et apprécie ses sonorités. Django va l’accompagner en tournée, sur disques, et même en Angleterre, ce qui accroît sa notoriété. Et puis il a également accompagné le Fou chantant, Charles Trenet. Charles Trenet et Jean Sablon ont changé la chanson: ils se sont mis au swing !"
Dates de concert:
Du 15 au 17 mai, l’hommage à Django Reinhardt au Sunset Jazz Club à Paris. Stéphane Portet et Sophie Fonquernie ont convié Chrristian Escoudé (le 17), Jacques Vidal avec Florin Niculescu (le 15), Jimmy Gourley "Djangologie" Trio (le 16).
Du 23 au 29 juin, le 24eme Festival de Jazz Django Reinhardt à Samois-sur-Seine (rens : 01.64.24.86.45)
Bibliographie: Django, de Patrick Williams, Editions Parenthèses, 1998 Django Reinhardt: un géant sur son nuage, de François Billiard et Alain Antonietto, Editions Lieu Commun