L'Époque de Tarmac
Tarmac alias Gaëtan Roussel et Arnaud Samuel, transfuges de Louise Attaque, sortent Notre Epoque un second disque plus étoffé que l'épuré L'Atelier. Rejoints par leurs complices de tournée, les deux brasseurs mêlent chanson, world, rock, folk, électro avec une rare densité. Entretien.
Deuxième album
Tarmac alias Gaëtan Roussel et Arnaud Samuel, transfuges de Louise Attaque, sortent Notre Epoque un second disque plus étoffé que l'épuré L'Atelier. Rejoints par leurs complices de tournée, les deux brasseurs mêlent chanson, world, rock, folk, électro avec une rare densité. Entretien.
L’Atelier était résolument plus intimiste. Pourquoi ce retour, sur Notre Epoque, à la section rythmique ?
Tout est né de ce que l’on a vécu entre L’Atelier et Notre Epoque. Pour la tournée, nous avons revisité ce premier album avec les musiciens recrutés pour les concerts et présents sur Notre Epoque. Nous avons finalement repris du même coup le fonctionnement d’un groupe. De la même manière, quand nous avons décidé de composer de nouveaux titres pour étoffer les passages scéniques, nous l’avons fait ensemble. Mais la fabrication, la façon de coucher les idées, étaient très différentes de L’Atelier. Nous avions un local utilisé comme un studio. Toutes nos idées étaient couchées sur l’ordinateur, tout ce qui nous passait par la tête était enregistré et facile à faire remonter même un mois après. Tout cela s’est imbriqué, ajusté, et nos envies de liberté, nos idées ont rebondi sur ces rencontres. L’expérience sur scène, s’est au final inscrite dans une transposition discographique sans chercher à savoir qui interviendrait et dans quelle proportion. Du tout début de sa composition jusqu’au dernier mix, la musique est restée ouverte à toute modification. Quoiqu’il en soit, il est certain que l’on voulait faire quelque chose de différent.
Peut-on aujourd’hui parler de groupe plutôt que de duo ?
C’est vrai que Tarmac est devenu un groupe à géométrie variable. On peut composer à cinq comme à trois, nous partageons des trucs, une confiance s’est installée. Il y a un équilibre et cette saine dynamique de l’échange. Ainsi, quand il s’est agit de passer en studio après la tournée, nous y sommes entrés naturellement à cinq. De plus, le fait que certains fassent d’autres choses à côté, travaillent dans d’autres groupes (comme Philippe Almosnino, guitariste des Wampas, ndlr), cela participe à cette malléabilité. Mais sur la fin de l’enregistrement, il ne restait plus qu’Arnaud et moi. Trancher, couper et garder ce morceau plutôt que celui-là, tout ça, entre guillemets, nous appartient. Nous n’imposons rien à Tarmac, mais il reste un groupe dans lequel nous avons la décision finale.
Vous poussez un peu plus les penchants internationalistes musicaux sur cet album, les accents toujours latins se métissent de folk, blues, reggae…
C’est notre sensibilité depuis un moment déjà. C’est vrai qu’elle ne transparaît pas dans L’Atelier, mais à Notre Epoque c’est devenu opportun. Un disque, c’est un mélange de beaucoup de choses, une curieuse alchimie entre toi et ton humeur. Mais bien qu’il soit plus contrasté, l’album reste homogène riche de toutes ses interrogations. Le titre est une bonne façon de résumer notre époque : un bon assemblage de contrastes et de questions. Il y a beaucoup moins de certitudes qu’avant, moins d’idéaux et cette appréhension est présente dans les textes. Au contraire, la musique est plus apaisée.
Chanter en anglais, en espagnol, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
C’est comme ça qu'on avait envie de l’exprimer, comme utiliser tel instrument plutôt qu’un autre. Après le travail s’est fait sur la musicalité de la langue.
N’est-ce pas aussi une certaine cohérence avec le thème du voyage que l’on retrouve dans la structure des morceaux, les textes ?
A la composition d’Au fur et à mesure, le mot 'poétique' s’y est accolé spontanément. Cela me semble plus fidèle, c’est l’impression générale qui se dégage. Elle est purement musicale, dans la façon d’amener un arrangement, une mélodie comme dans notre volonté à dégager quelque chose de très suggéré. C’est le propre de la poésie. Alors le voyage est un élément présent dans l’idée de déplacement, de mouvement physique et intérieur.
Vous prônez plutôt une société sans frontière, alors que l’actualité – la guerre, les virus… - tend plutôt à l’immobilisme. La musique est-elle une solution ?
On ne prône rien. Cette idée d’une société sans frontières est une belle idée, mais l’actualité te montre également que l’enfermement sur les frontières nationales mène à des intérêts économiques divergents, donc des conflits. Le nationalisme maintient les inégalités. Mais oui, on aspire à ça et le fait de se sentir aussi bien à Barcelone qu’à Paris, cela a suggéré à Gaëtan une écriture qui va dans ce sens. L’engagement politique est plus modeste. Avoir la chance de pouvoir exprimer ce que tu penses est un des éléments pour aller vers plus de beauté, d’apaisement…
Cet attachement à la poésie, c’est aussi dans le sens où comme la musique, elle est un langage commun, elle transcende les frontières ?
Cela n’avait rien d’une intention, elle est vraiment venue en cours de route et s’est imposée comme telle. Elle est venue compléter cette sensation qui musicalement, commençait à se dégager. De fil en aiguille, on l’a appliquée sur deux morceaux avec les textes de Walt Whitman. Au choix des morceaux, Gaëtan a lu le poème de Fernando Pessoa et eu envie de le mettre en chanson. Mais poétique ne veut pas nécessairement dire ronflant. Elle est surtout représentative de notre sensibilité. Cela s’en ressent, je l’espère, dans la musique, car c’est ce qui procure les images et justifie le terme poétique.
Tarmac prend de plus en plus d’importance. Entre celui-ci et Louise Attaque, quel est finalement le projet parallèle de l’autre ?
Le nom Tarmac est venu s’apposer à la fin du processus qui nous a amené à L’Atelier, mais n’a jamais été considéré comme des vacances de Louise Attaque. A la base c’est un projet à part entière mais à deux. Après, pour ce qui est de ses extensions comme faire des concerts, ce sont des propositions que l’on a eues. Dans ce cas, libre à toi de l’accepter ou non. Les circonstances ont fait que Gaëtan et moi avons relevé des choses qui aujourd’hui font exister Tarmac. Tout cela reste assez ouvert. Aussi bien aux opportunités de faire un troisième projet avec d’autres personnes.
Tarmac L'époque (AZ /Universal) 2003