Tryo

Si les chanteurs se fabriquent en quelques semaines dans des enclos dorés, Tryo rappelle qu'il est né au grand air (celui de l'hymne des campagnes) et sur les planches. Le groupe a prouvé que l'on peut trouver un public grâce au bouche-à-oreille. Sur leur nouvel album Grain de sable, germé en studio plus que sur scène, les "quatre garçons à la main verte" creusent toujours le sillon du reggae acoustik à base de guitares, voix et percussions. Rencontre.

Grain de voix, de sable et de sel dans la machine

Si les chanteurs se fabriquent en quelques semaines dans des enclos dorés, Tryo rappelle qu'il est né au grand air (celui de l'hymne des campagnes) et sur les planches. Le groupe a prouvé que l'on peut trouver un public grâce au bouche-à-oreille. Sur leur nouvel album Grain de sable, germé en studio plus que sur scène, les "quatre garçons à la main verte" creusent toujours le sillon du reggae acoustik à base de guitares, voix et percussions. Rencontre.

C'est peut-être pour se rapprocher un peu des Roots, pour faire une Ballade en forêt, pour voir La Mer, La Lumière ou simplement Paris que Tryo a choisi le jardin public pour déjeuner entre deux répétitions dans un studio parisien où le groupe prépare sa tournée. Petite pause sur un banc, histoire de regarder les mamans, les enfants et leur bac à sable. Humer ce terreau qui fait désormais partie des compositions de ces anciens ados, dont l'un est devenu papa. Si la majorité des chansons de Tryo est née sur scène, les dernières ont donc été concoctées en studio. Loin du champêtre Boudin ou du bucolique studio du Manoir, à Léon dans les Landes, où Tryo avait gravé les deux premiers albums, Grain de sable a été planté sous les pavés de la région parisienne.

Après une crise de bossa, des influences afro-brésiliennes, de l'accordéon et divers instruments sur le précédent album (Faut qu'ils s'activent), Tryo creuse ce qui a fait son succès : des chansons bien arrangées dont les textes militants "se sifflent sous la douche". Depuis, ils ont voyagé, vendu 900.000 albums et ils nous font partager leurs doutes et ras-le bol (Dans un nuage, G8), lectures (Pompafric), lassitude devant les dérives du petit écran (Sortez-les) ou la banalisation du chômage (Comme les journée sont longues), et finissent par affirmer que vu les conditions "ta réalité, c'est ce que tu en fais… "

Comment se prépare une longue tournée après avoir été enfermé pour composer ?
Pour la première fois, on a décidé de s'offrir un mois de répétitions sérieuses. Auparavant, pour nous la scène, c'était un peu une improvisation. Sur nos précédents disques, même le deuxième qui a été conçu un peu plus en studio que le premier, on pensait nos morceaux pour la scène (avec de longues introductions etc.). Sur celui-ci, le travail a été très différent, dans le même esprit, mais plus riche. Il faut transposer cette richesse sur scène. Sur le disque, il y a beaucoup de choses que l'on aime mais qui ne viennent pas de nous. Ça nous pousse à construire les morceaux différemment pour ne pas trop s'éloigner du disque.


Pendant l'enregistrement, vous avez travaillé avec un professeur de chant et un réalisateur. Qu'est-ce que cela vous a apporté ?
Hélène Bohy, notre prof de chant, nous a fait faire des choses que l'on n'aurait pas osé faire. Avant, on supervisait les voix nous-mêmes. Quand l'un enregistrait, les autres passaient en cabine et on le charriait. La neutralité de ce personnage a fait que l'on s'est fait plus confiance et qu'on a pu se surprendre. Elle nous a aussi appris à comprendre nos différences de voix et à mieux les utiliser. Ça nous a aidé à choisir les bons chœurs, à ne pas aller se casser la voix dans des aigus qui ne nous correspondent pas, par exemple. On est plus à l'aise, ça s'entend sur le disque.

Et dans l'écriture, il y a une différence ?
Nos écritures évoluent, même si l'on continue à revendiquer des choses. Pour notre premier album, on sortait de l'adolescence, je crois qu'aujourd'hui nos textes sont plus mûrs. Ça reste très Desprogiens, très proche de Coluche. Ça reste du Tryo.

On ressent d'autres influences, les traces de lectures, de nouvelles expériences…
Oui, on a voyagé, on a essayé de s'ouvrir…On est partis au Soudan, en Egypte, on a été touché par la guerre en Irak, par Gênes… Le titre Pompafric est très lié au travail de l'association Survie et à ses publications.

Un de vos anciens morceaux, Les extrêmes dans lequel vous parlez d'abstention et de montée des extrêmes s'est retrouvé directement dans l'actualité française…
On continuera à le jouer sur scène ! Comme beaucoup de Français, on a voté contre l'extrême droite (lors du dernier scrutin présidentiel : ndlr) sans se retrouver dans les lois actuelles sur les retraites, la sécurité, … Sur cet album il y a un titre sur l'éducation, Récréaction, qui est dans l'actualité de ces jours-ci… On a hâte de le jouer.

Dans l'ambiance festive du concert, le public peut-il écouter vos messages ?
Si on en attrape un sur dix, c'est toujours ça de gagné ! On n'est pas là pour faire une secte et dire aux gens ce qu'ils doivent faire. On écrit aussi pour nous rappeler nous-mêmes à l'ordre. On est loin d'avoir un quotidien parfait.


En vous produisant au Soudan, vous étiez différents sur scène ?
Oui… On n'avait jamais joué sous une dictature, ça nous a permis de jeter un nouveau regard sur nos libertés ici. Ça a été un nouveau souffle et une leçon d'humilité. C'est le Centre Culturel Français qui nous a invités. On circulait donc en véhicule diplomatique, il y avait des militaires partout, et la charia était très palpable. Après le concert, une jeune fille est venue nous voir et nous a dit qu'elle était contente que l'on vienne voir la situation de son pays. Elle avait dansé pendant un concert de Sally Nyolo, puis avait été rouée de coups de bâton.

Pourquoi choisir de mettre en avant un single. Seriez-vous en train d'acceptez les relations classiques entre majors et radios ?
Il n'y a pas de single Tryo à la vente, mais le titre Sortez-les a été envoyé aux radios (et encore pas toutes). On s'est dit que c'est un morceau qui pourrait leur plaire (vu que c'est une critique des médias). Pour l'instant, les radios ont été plutôt réticentes à le passer, elles ont décidé que Tryo c'était un peu artisanal. Ce choix était lié à la qualité du son des deux premiers albums. Ce n'est pas grave puisque notre musique passe quand même ailleurs. Ce dernier album est plus "radiophonique" : les formats sont plus courts et le mixage est plus destiné aux radios.

En dehors des projets associatifs comme la compilation Tibet Libre, vous avez une autre vie artistique en dehors de Tryo ?
Récemment, on a participé à une compilation pour enfants (La pittoresque histoire de Pitochat). Il y aussi l'aventure du groupe M'panada reformé il y a deux ans… Avant de fonder Tryo, Daniel et Guizmo jouaient dans ce groupe qui fusionne des influences hip hop, latino américaines, reggae, ska, avec la voix de Guizmo... Les douze musiciens (cuivres, guitares, basse, percussions, chants) croiseront d'ailleurs la tournée de Tryo sur quelques concerts.

Tryo Grain de sable (SalutO Productions/Yelen/Sony)
M'panada (groupe de Guizmo et Daniel) (SalutO Productions/Tripsichord)