Disiz la peste
Voici trois ans, Disiz la Peste secouait notre spectre sonore de son J’pète les plombs, titre aussi léger que choc, aux rimes aigres-douces. Plus mûr, plus mature, le jeune homme revient aujourd’hui avec le puissant Jeu de société qui tourne en dérision électrochoquée hip hop, les travers de la société blanche occidentale. Successeur de la ligne ensoleillée de Solaar, Disiz prône la positivité rap. Le futur du hip hop hexagonal promet d’être "pestif"!
Le retour de la leste peste
Voici trois ans, Disiz la Peste secouait notre spectre sonore de son J’pète les plombs, titre aussi léger que choc, aux rimes aigres-douces. Plus mûr, plus mature, le jeune homme revient aujourd’hui avec le puissant Jeu de société qui tourne en dérision électrochoquée hip hop, les travers de la société blanche occidentale. Successeur de la ligne ensoleillée de Solaar, Disiz prône la positivité rap. Le futur du hip hop hexagonal promet d’être "pestif"!
Il y a dans ce nouvel album une volonté de s’affirmer de vos origines à nos jours ?
Oui, je me suis remis en question car je souhaite que le rap devienne plus mature. Le rap français surtout. Ce n’est pas que de la musique pour enfants, c’est pour cette raison que l’album est un petit peu plus adulte. Je vais aussi beaucoup en Afrique. Cela m’inspire énormément. Obligatoirement, cela se ressent dans mes textes.
Non seulement dans vos textes, mais vous portez aussi l’Afrique avec fierté ?
Au niveau de mes vêtements aussi. C’est pour cela que sur la pochette, j’ai cette espèce de boubou en peau de pèche. En fait, j’ai un projet de marque de vêtements mais j’ai beaucoup de mal à le réaliser. Trouver des investissements dans le milieu de la mode ne pose pas de problème mais ce qui bloque c’est que je veux faire une marque à l’éthique assez marquée: je veux faire fabriquer mes vêtements en Afrique et non pas en Asie comme on a l’habitude de le faire en exploitant des gamins. En plus il faut que 20% du chiffre d’affaire soit reversé à des oeuvres caritatives pour construire des écoles, des dispensaires ou des hôpitaux
Le premier morceau de l’album Force ou faiblesse,c’est votre CV?
Exactement et c’est aussi ma vraie prise de position dans cet univers du rap français pour affirmer que je suis au fond quelqu’un de très positif. Je ne suis pas là pour dire ce que les gens veulent entendre d’un côté ou d’un autre. Je ne suis pas là pour jouer le jeu des médias du rappeur casquette/baskets et je ne suis pas là non plus pour jouer le rôle du loustic de cité à glorifier tout ce qui est mauvais.
Il y a donc une troisième voie ?
Il ne faut surtout pas être manichéen. Comme ces piliers des cités qui croient légitimer leur rage par de vieux prétextes lorsque tant d’autres aimeraient être en France à leur place. Moi, en étant allé au Sénégal, en ayant vu la pauvreté qu’il y a là bas, je ne peux pas me plaindre d’être en France. Et par respect pour eux, je suis prêt à le dire haut et fort à n’importe quel jeune de banlieue qui se lamente.
Avec la chanson-titre Jeu de société et sa production signée Akhenaton, est-ce le retour du fils de J’pète les plombs ?
Toute l’idée de cette composition est de faire passer un message vital: la télé est un énorme média, le plus gros, le plus puissant. On peut hélas y faire passer plein de clichés. Je voulais faire rire les gens mais qu’ils en prennent conscience. Chill (Akhenaton) m’avait fait écouter ses sons au téléphone et cela m’a plu directement. Nous avons l’habitude de travailler ensemble, j’ai passé plus de deux mois avec lui à faire la BOde Taxi 2. On se connaît très bien. On a un peu la même vision des choses. Il est marié et a une famille. Moi aussi. Il a des convictions, comme moi.
Trop de chichis marque vos références au Sénégal ?
Je me rends compte qu’au Sénégal de plus en plus de jeunes filles font tout pour s’éclaircir la peau, se posent de faux cheveux pour avoir une chevelure lisse, etc. On dirait que l’Africain veut ressembler à l’occidental! Alors qu’il y a une énorme richesse là-bas, que cette diversité est un atout. Cette chanson, c’est pour le leur dire.
Nébuleuse est réalisée par DJ Mehdi, sans doute un des producteurs les plus inventifs aujourd’hui en France ?
C’est quelqu’un qui sait prendre beaucoup de risques. Il écoute énormément de musique. Cela se ressent automatiquement dans ses sons.
Le thème de Nébuleuse, c’est l’amour ?
C’est ma vraie histoire d’amour à moi! Un tas d’instruments différents illustrent bien tous les sentiments variés qui se mêlent dans le fait d’être amoureux. Il y a des violons, il y a une harpe aussi. Je ne voulais pas faire un morceau ou j’allais me livrer de manière intime sur une musique à l’eau de rose. Je voulais que cela surprenne comme un espèce d’OVNI sonore, qui ne ressemble à rien et qui parte dans tous les sens. Quand on est amoureux chacun ressent les choses différemment et crée une situation unique. C’est d’ailleurs cette chanson que nous venons de clipper au Sénégal, j’en reviens tout juste. On a un peu refait Roméo et Juliette!
Un des titres essentiels de cet album est incontestablement ce travail sur la 'négritude' qu’est Cours d’histoire où vous rimez Joey Starr et Solaar comme Sarkozy et Star Academy, au milieu d’extraits de discours de Senghor ou de Lumumba.
Je n’ai pas eu la chance de grandir avec mon père, alors je cherchais mes origines et j’aurais bien aimé qu’on m’en parle à l’école. Mais on ne m’en a jamais parlé. En cours, on m’a souvent fait étudier Dostoïevski, un auteur russe, mais on ne m’a pas enseigné Cheik Anta Diop ou de Tahar Ben Jeloun alors qu’il n'y avait pas tant de Russes que cela dans la classe… Cela m’aurait peut être aidé de savoir que de mon autre côté, il y avait des gens qui avaient une belle plume, qui savaient écrire de grands livres. De même, on m'a jamais dit que Sartre et Vian étaient acquis à la cause des Noirs Américains, alors qu’on a pris le temps de me parler d’autres écrivains comme Céline alors qui prônaient le racisme et l’antisémitisme. Quand on sait les choses horribles qu’ont vécu les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale! Heureusement des gens ont su s’élever contre cela, des auteurs de renom ont su faire entendre leurs voix, mais on aurait pu me dire aussi que certains autres l’ont aussi fait pour les Noirs. On ne m’a même jamais parlé d’Aimé Césaire !
C’est comme les évènements du camp de Thiaroye le 6 décembre 1944. Des tirailleurs sénégalais s’étaient battus pour la France. On les avait regroupés dans ce campavec des Algériens, Marocains, Congolais, Camerounais en attendant qu’ils regagnent leurs pays respectifs. Une mutinerie a éclaté car ils n’avaient pas touché la solde promise. Un général français est venu parlementer et a offert de la leur verser dès le lendemain s’ils voulaient bien déposer les armes. Et durant la nuit ils ont tous été massacrés. Personne ne l’a jamais reconnu! Moi je ne m’intéresse pas aux problèmes mais aux solutions. Peu importe à qui la faute. J’ai le moyen de faire partager ce que je sais à d’autres, alors je m’y emploie.
Disiz la Peste Jeu de société (Barclay) 2003