Festival d'été de Québec 2003
La 36e édition du Festival d’été de Québec s’est déroulée du 3 au 13 juillet, boudée par les habituels touristes à cause du SRAS¹. Les 820.000 festivaliers, transformés en lucioles, ont cependant beaucoup butiné d’un site à l’autre malgré le crachin "breton" qui faisait ressembler, en fin de festival, les remparts de Québec à ceux de Saint-Malo.
Le plus européen des festivals américains.
La 36e édition du Festival d’été de Québec s’est déroulée du 3 au 13 juillet, boudée par les habituels touristes à cause du SRAS¹. Les 820.000 festivaliers, transformés en lucioles, ont cependant beaucoup butiné d’un site à l’autre malgré le crachin "breton" qui faisait ressembler, en fin de festival, les remparts de Québec à ceux de Saint-Malo.
Le 11 juillet, pour voir Jorane jouer à 23h30 dans le bar d’un hôtel cossu, il fallait arriver à 17h et s’attabler au comptoir. Arrivée à 19h, Marie-Jo dut patienter trois heures dans le hall de l’hôtel afin de pouvoir écouter son idole. "Je suis étudiante en peinture et sa musique est l’inspiration idéale pour moi"disait-elle soulagée d’avoir pu accéder au saint des saints."J’aime l’ambiance des pubs, des salles intimistes, les gens sont tout près de moi, c’est très chaleureux",nous confiait Jorane peu avant ce spectacle basé autour d’improvisations avec un chanteur pakistanais, Shaid Ali Khan, disciple du regretté Nusrat Fateh Ali Khan. Pour sa quatrième participation au FEQ, elle tentait deux nouveaux paris : d'abord ce spectacle dans cet endroit intimiste, où cent personnes s’entassaient, puis celui qu’elle donna le soir de la clôture du festival avec l’Orchestre symphonique de Québec dans la cour du séminaire. Jorane, qui aime travailler comme un peintre, cherchant continuellement de nouvelles couleurs sur sa palette, est attirée par toutes ces rencontres qui inspirent sa création :"Au fil des ans, ce festival est devenu pour moi un repère dans ma carrière pour voir où j’en suis. Au début, c’était au Café des Arts, un lieu tout petit, ensuite à d’Auteuil, puis le Pigeonnier avec des milliers de personnes, enfin la grande scène sur les plaines d’Abraham. Maintenant, je me retrouve avec l’Orchestre symphonique, ce qui prouve que ma carrière avance bien."
Le groupe angevin Lo’jo participait quant à lui pour la 3e fois au FEQ. Denis Péan et les cinq autres membres du groupe sont devenus au fil des ans un des combos français les plus présents à l’étranger. Ce "paysan angevin", comme il se définit lui-même, n’était pas sorti de sa campagne jusqu’à l’âge de 14 ans. Depuis lors, il s’est bien rattrapé et cela fait quinze ans qu’il parcourt le monde faisant plus de cent dates par an : "On rentre quelques fois à la maison pour composer, se reposer; on est très attaché à notre région. Nous sommes des nomades et des sédentaires car on n’a jamais bougé de cette région qui nous a vu naître. On a tous cette double identité qui doit faire notre caractère: être de quelque part et avoir acquis des idées partout". Denis Péan aime retrouver Québec et l’ambiance de ce festival si particulier, qui permet un brassage des cultures musicales unique en Amérique du Nord : "On a tissé ici des liens qui sous-tendent la sympathie. Ce qui m’enchante ici, c’est la dimension de la langue. Je suis passionné par le jonglage des mots, l’évolution d’une langue. J’aime bien cette langue qui est parlée ici différemment de chez nous, ce que je retrouve aussi en Afrique ou chez les Créoles. Moi-même, j’aime déformer la langue, jouer, jongler avec les mots".
Les Lo’Jo aiment aller trouver le public où qu’il se trouve, que ce soit en Russie, d’où ils rentrent ou dans le désert où ils ont créé un festival voici trois ans, à 70 km de Tombouctou, le fameux Festival du désert : "Il se trouve que notre public est dispersé. Ce n’est pas une catégorie sociale, ethnique ou d’âge. J’ai été touché par la manière dont le public anglais nous a reçus lors de notre tournée en avril dernier car il y a une grande culture musicale là-bas. J’ai remarqué que davantage de gens âgés assistaient aux concerts. A l’étranger, je rencontre en fait toujours un même groupe de population, curieux de découvrir un groupe français et intéressé par la culture francophone". Après ces tribulations québécoises, Lo’Jo enchaîne par une tournée de festivals folk canadiens avant de se retrouver fin juillet sur la scène du Womad à Reading, en Grande-Bretagne, festival créé par Peter Gabriel, puis en Hongrie début août.
La magie Lo’Jo fonctionne à plein sur scène et un premier disque live paraîtra fin septembre. L’occasion de pénétrer dans cet univers que les oreilles du monde entier viennent écouter dès que l’occasion se présente.
Pierre René-Worms
¹ Syndrome Respiratoire Aigu Sévère.