AXELLE RENOIR À LA PLAGE

Troisième sortie de l’autre Axelle de la scène francophone, La Plage marque le retour aux affaires d’un ex-espoir peut-être un peu vite oublié. Après des débuts prometteurs, la carrière solo de Miss Renoir avait pris des chemins de traverse - entre B.O. et collaborations diverses - mais pourrait bien trouver son salut avec cette Plage dont la relative discrétion n’empêche pas un pouvoir de séduction certain.

Retour discret.

Troisième sortie de l’autre Axelle de la scène francophone, La Plage marque le retour aux affaires d’un ex-espoir peut-être un peu vite oublié. Après des débuts prometteurs, la carrière solo de Miss Renoir avait pris des chemins de traverse - entre B.O. et collaborations diverses - mais pourrait bien trouver son salut avec cette Plage dont la relative discrétion n’empêche pas un pouvoir de séduction certain.

Native de Redon, dans la banlieue rennaise, Axelle Renoir s’est entichée des notes en louchant sur la discothèque de ses frères dans lesquels trônaient Bowie, Lou Reed et Téléphone. Axelle se découvre une vocation inédite dans le giron familial: elle sera musicienne et même chef d’orchestre. Dès lors, direction le Conservatoire, section harmonie et orchestration, une formation qu’elle suivra pendant deux ans et demi, avant de virer punk, rebutée par le côté bourgeois de l’institution ("Il fallait rentrer dans trop de cases à mon goût").

Pas vraiment le prototype de l’élève docile, Miss Renoir met le cap sur Paris où de petits boulots en démarchages divers, ses maquettes bricolées dans un home studio de fortune finiront par trouver quelque écho. Suffisamment pour envisager un premier album sous le double parrainage de Philippe Delettrez (Les Innocents) et du parolier Boris Bergman, ravi de faire chanter la demoiselle. La suite s’enchaîne logiquement sous les meilleurs auspices. Succès critique, scènes prometteuses, nomination aux Victoires de la Musique 96, catégorie révélation féminine. Son deuxième album "de recherche" du propre aveu de l’artiste, convoque Jacno et Olivier Ruelle des Dax Riders, et explore les pistes électroniques avant l’heure : "Le mélange d’acoustique et d’électro est peut-être survenu trop tôt. Je n’étais pas en phase avec l’air du temps "). Et puis plus rien ou presque. Si elle n’a pas manqué de projet, composant entre autres deux musiques de film, où participant activement à l’album Ensemble contre le sida, Axelle Renoir a peu ou prou rejoint le rang des ex-espoirs qui, s’ils ne cessent de travailler, évoluent presque anonymement dans le ventre mou des classements de ventes de disques.

Sorti dans une relative indifférence, presque dix ans après ses débuts discographiques, la Plage, troisième album d’Axelle Renoir confirme néanmoins - quoique discrètement - les attentes évoquées plus avant. Elle bénéficie, c'est vrai, d’un générique de choix, regroupant des abonnés de la galaxie Renoir (Les Valentins, Jacno, Graziella de Michele, l'actrice Marion Cotillard, rencontrée à l’occasion du film Les jolies choses, dont la Rennaise a composé la bande originale), mais aussi d’autres interventions plus inattendues comme celles de Mark Goldenberg, repéré dans le groupe Eels, ou d’Alain Souchon (dont elle avait assuré les premières parties lors de son passage au Zénith de Paris en 2000), sur le titre Sous les shorts des garçon, détournement ludique de Sous les jupes des filles.

Cette troisième livraison est cependant loin de n’être qu’une enfilade stérile de featurings, aussi prestigieux soient-ils. Modèle d’élégance naturelle, La Plage décline sur onze titres les amours fantasmés, déçus, à venir, cassés…Un propos certes classique, mais évoqué avec suffisamment de finesse et de sensibilité pour ne pas donner dans la romance jetable. A l’image d’amoureuse qui donne le ton de l’album ("Amoureuse et fragile / la douceur se disent-ils / c’est le parfum des filles"). La plume est assurée. Le verbe aussi apprêté qu’intime, livré dans un écrin mêlant habilement les harmonies rock et les éléments électro, sous forme de programmations parcimonieuses. Si l’album, sage en apparence, ne verse pas dans l’excentricité, il peut compter sur des mélodies vénéneuses, taillées sur mesure pour le timbre velouté de Dame Renoir. Pas d’effets superflus donc, mais un charme évident, particulièrement en valeur dans les ballades mid-tempo qui parsèment cette dernière sortie (la plage, emmène-moi…). Et une délicatesse palpable jusque dans les arrangements de cordes signés par le Valentin Jean-Louis Pierrot.

Discret mais néanmoins parfaitement recommandable, le Renoir nouveau est à classer au rayon variété française haut de gamme. Reste au grand public d’ouvrir les oreilles, car cette Plage a tout les atouts pour ne pas être qu’un grain de sable dans le paysage musical francophone.

Loic Bussières

Axelle Renoir La plage (WEA 2002)