Bideew Bou Bess
Révélé par le label de Youssou N’Dour en 2000 grâce à la compilation Da Hop consacrée au mouvement hip hop de Dakar, le groupe sénégalais Bideew Bou Bess sort son premier album Original produit par le rappeur français Passi.
Le rap original du Sénégal
Révélé par le label de Youssou N’Dour en 2000 grâce à la compilation Da Hop consacrée au mouvement hip hop de Dakar, le groupe sénégalais Bideew Bou Bess sort son premier album Original produit par le rappeur français Passi.
"Un groupe africain qui vient en France, il faut qu’il ait de solides connexions", assure Baïdy Sall. Avec Moctar Sall et Pape Massamba Diop, les deux autres membres de Bideew Bou Bess, il sait que c’est le minimum nécessaire pour espérer se faire connaître du public français. Lorsqu’ils ont accompagné Youssou N’Dour sur sa tournée européenne en 2000, ils pensaient avoir trouvé le parrain idéal. Entre temps, ils ont rencontré Passi. "On s’est senti de plus en plus proche de lui, parce que c’était plus rap", expliquent-ils. Le rappeur français, ancien acolyte de Stomy Bugsy au sein du Ministère Amer, s’est souvent rendu à Dakar pour travailler au studio Xippi de Youssou N’Dour. Lors de l’enregistrement de son deuxième album Genèse, il avait besoin de choristes pour la chanson Familles et Amis. En découvrant les voix des Bideew Bou Bess derrière les micros, il a tout de suite été séduit, au point de leur proposer aussitôt une autre collaboration sur le morceau Ex-Nihilo avant de les inviter en France pour participer à la promotion de son disque. Très vite, il leur propose de les aider à faire leur propre album. "On devait bosser avec Jololi (le label de Youssou N’Dour, ndlr), mais on n’a pas pu s’entendre parce qu’on n’avait pas les mêmes vibrations", résume sobrement Passi. Son rôle de producteur, il l’a vu comme celui d’un "grand frère" expérimenté, capable de féliciter le trio "lorsque c’était beau" et de lui donner un rythme de travail professionnel.
"Ça m’éclate de voir des gens qui ont une autre vision de cette culture qu’est le rap", raconte Passi avant d’analyser certaines particularités du rap sénégalais, liées selon lui aux rythmiques ternaires qui amènent les artistes à placer leurs chants d’une façon différente. "Et puis les jeunes n’ont pas forcément de matériel ni de choristes, explique-t-il. Donc ils se démerdent. Comme Bideew Bou Bess qui chantait sur la plage. Ils étaient obligés de faire leurs couplets, leurs refrains. Ça les a poussés à chanter les mélodies, à avoir des voix justes. Et tu te retrouves avec un groupe à qui tu donnes trois micros, tu le mets sur scène et il arrive à te faire un show. C’est quand même assez intéressant!"
Avant d’être repérés par Jololi à l’occasion d’un concours organisé pour commémorer le dixième anniversaire de la mort de Cheikh Anta Diop, les trois jeunes Sénégalais ont du franchir de nombreux obstacles depuis qu’ils se sont associés en 1992, quand ils avaient douze ou treize ans. "On a beaucoup galéré, on n’aura peut-être pas le temps de tout expliquer ici", prévient Baïdy sans perdre sa voix chantante, aérienne. Contrairement à d’autres groupes résidant dans le centre de Dakar et pour lesquels il était plus facile de multiplier les contacts ou d’être rapidement disponible, il leur fallait faire de longues marches pour quitter leur banlieue. En entendant le rap de Public Enemy au début des années 90, ils se sont dit qu’ils pouvaient faire la même chose, qu’ils avaient des choses à dire "en tant que jeunes Africains". Ils passent leur temps à essayer de dénicher des instrumentaux américains pour avoir une base musicale sur laquelle ils pourront s’exprimer, mais comprennent rapidement qu’ils ne doivent pas tourner le dos à leur culture. Les musiciens de mbalax ou de reggae qu’ils sollicitent leur programment des sons qui conviennent parfaitement pour donner forme à un rap original.
Bideew Bou Bess Original (Issap/Mélodie) 2033