Nuits Atypiques de Langon
Les projecteurs du festival militant de la Gironde se sont éteints très tard dans la nuit de lundi dernier, dans le parc des Vergers de la petite bourgade de Langon. Une édition marquée, cette année, par le conflit des intermittents du spectacle. Mais la parole politique n’en a pas pour autant occulté la musique. Outre les têtes d’affiche internationales, les cultures régionales conservaient comme d’habitude une place privilégiée. Morceaux choisis.
Aux rythmes des intermittents
Les projecteurs du festival militant de la Gironde se sont éteints très tard dans la nuit de lundi dernier, dans le parc des Vergers de la petite bourgade de Langon. Une édition marquée, cette année, par le conflit des intermittents du spectacle. Mais la parole politique n’en a pas pour autant occulté la musique. Outre les têtes d’affiche internationales, les cultures régionales conservaient comme d’habitude une place privilégiée. Morceaux choisis.
"Les Nuits Atypiques ont été marquées cette année, par un contexte social extrêmement difficile lié au mouvement des intermittents du spectacle en France", constatait avec une certaine amertume, Patrick Lavaud, directeur artistique du festival de Langon qui vient de baisser le rideau le 4 août dernier. Rendez-vous girondin annuel des musiques du monde dans le sud-ouest de la France, près de Bordeaux, cette 12ème édition aura, en effet, été rythmée par des prises de paroles des artistes et autre techniciens du spectacle sur les différentes scènes. Leur objectif : sensibiliser le public sur les dangers du nouvel accord en cours concernant leur statut, sur le point d’être validé par le gouvernement français.
Parmi les actions les plus marquantes, une trentaine d’intermittents se sont totalement déshabillés sur la grande scène de la Mosquée en ouverture du concert de Yuri Buenaventura. Une manière de rappeler au public que les acteurs du spectacle allaient se retrouver sans rien si la loi concernant leur régime d’indemnisation du chômage était modifiée. Venu défendre son tout dernier album Vagabundo, le plus francophone des Colombiens semblait tout à fait solidaire, car lui aussi à travers sa salsa explosive fait passer des messages sur la situation de guérilla que connaît son pays. Pour Patrick Lavaud et son équipe de 250 bénévoles, la solidarité avec les intermittents du département de la Gironde allait de soi, même si ces derniers n’avaient pas décidé de faire grève pour la survie du festival. Car faut-il rappeler que bon nombre de festivals, cet été, en France, ont été annulés ou très perturbés.
Belle affiche
Outre le combat des intermittents, d’autres débats animaient le Village atypique, véritable forum du festival. L’annulation de la dette des pays du tiers-monde, les paysans sans terre au Brésil, les OGM, l’OMC..., autant de sujets qui rappelaient les préoccupations premières de ce rendez-vous citoyen. "A Langon, la musique est avant tout un vecteur de sensibilisation sur des questions fondamentales de choix de société" précisait Patrick Lavaud. Une idéologie comprise par les festivaliers habitués ou novices qui, cette année, étaient près de 30.000 à avoir fait le déplacement. Il faut dire que le cru 2003 était exceptionnel d’un point de vue artistique, malgré l’absence des Bordelais de Noir Désir, qui devaient initialement clôturer le festival. De Tiken Jah Fakoly à Gotan Project en passant par Zebda ou Massilia Sound System, les têtes d’affiche faisaient naturellement le plein. Tout comme le concert magique de Caetano Veloso, seul avec sa guitare. Monstre sacré de la musique brésilienne, il incarnait la dominante latine qui marquait cette édition des Nuits atypiques.
Mais à Langon, on sait aussi accorder une place de choix aux cultures régionales. "Nous sommes très attachés à la langue occitane et aux cultures régionales. Depuis très longtemps nous invitons des groupes locaux. Pour nous, les musiques du monde commencent à côté de chez nous", souligne le patron des Nuits. C’est ainsi que chaque jour à l’heure de l’apéro défilaient sur la scène conviviale du Village des formations provençales, basques mais aussi bretonnes. Outre les marseillais Dupain que l’on ne présente plus, Amestoy Trio séduisait le public. Mené par l’accordéoniste toulousain, Jean-Luc Amestoy du collectif 100% collègues, ce trio ouvrait le bal avec son style néo-musette dont le dernier album intitulé Le fil venait de sortir chez Daqui, le label du festival.
Autre temps fort, la rencontre entre Yann-Fanch Kemener, grande voix de Bretagne et François Corneloup, saxophoniste bordelais réputé dans les musiques improvisées. Tout deux offraient une création de bonne facture sous la forme d’un dialogue entre la voix et l’instrument. Venu du Pays Basque français, Benat Achiary confirmait si besoin était, son potentiel vocal. Accompagné par le guitariste Joël Merah et le batteur Benat Amorena, le chanteur faisait office de serviteur de la langue basque dans une approche contemporaine de la tradition. "Pour moi, la culture basque est comme l’air que je respire, elle m’est indispensable ! Le fait de défendre mes racines, est un acte de création qui se renouvelle en permanence. C’est comme un poème de chez nous qui dit cela : Je bois de l’eau de la vieille fontaine, mais je bois de l’eau toujours neuve. C’est-à-dire que je bois de l’eau de la vieille fontaine de toujours", explique Benat Achiary. Poète, l’artiste basque n’en n’est pas moins engagé, d’où sa présence à Langon. Et d’ajouter : "Je pense que les spectacles doivent déboucher sur des actions pratiques. il faut que ce tiers-mondisme se transforme, petit à petit, en humanisme profond, afin de changer quelque chose dans ce monde".
L’affiche régionale des 12ème Nuits atypiques aurait été incomplète si La Talvera n’avait pas répondu présent. Groupe fétiche invité quasiment chaque année, il propose un répertoire occitan inclassable mené par la chanteuse Céline Ricard au timbre strident. Défenseur d’une tradition très actuelle, la Talvera met en scène des instruments anciens comme le craba (cornemuse montagnarde) ou le graile (hautbois) mais n’hésite pas également à utiliser des beat ragga-dub. Résultat : ce collectif d’Albi, venu du Tarn, jette à chacune de ses prestations très festives, un pont entre les générations. Programmée en clôture sur la scène du village, la Talvera transformait le parterre en un sympathique bal, où jeunes et vieux s’en donnaient à coeur joie. Preuve, une fois de plus, qu’à Langon on peut danser et réfléchir en même temps...
Albums :
Yuri Buenaventura Vagabundo (Mercury)
Amestoy Trio Le fil (Daqui)