FESTIVAL BAIA DAS GATAS 2003
Escale au Cap-Vert à l’occasion de la 19ème édition du festival Baia das Gatas qui s’est déroulé du 15 au 17 août sur l’île de Sao Vicente, maintes fois chantée par Césaria Evora, native de cette île située au beau milieu de l’Atlantique. Ismaël Lô, dit Iso, les Mahotella Queens et le rappeur cap-verdien Izé étaient les têtes d’affiche de ce Woodstock africain.
Iso et Izé en vedettes
Escale au Cap-Vert à l’occasion de la 19ème édition du festival Baia das Gatas qui s’est déroulé du 15 au 17 août sur l’île de Sao Vicente, maintes fois chantée par Césaria Evora, native de cette île située au beau milieu de l’Atlantique. Ismaël Lô, dit Iso, les Mahotella Queens et le rappeur cap-verdien Izé étaient les têtes d’affiche de ce Woodstock africain.
150.000 spectateurs durant trois jours, c’est courant pour un festival. Mais dans un archipel comme celui du Cap-Vert, qui compte 400.000 habitants répartis sur neuf îles, cela montre l’impact d’une telle manifestation. C’est, toute proportion gardée, comme si en France, 30 millions de personnes assistaient aux Vieilles Charrues ! Quant à ceux qui n’ont pu faire le déplacement, ils ont eu tout le loisir de suivre l’intégralité des festivités en direct à la télévision, tous les soirs, de 19 heures à 3 heures du matin.
Chaque année, lors du week-end de la pleine lune du mois d’août, un village de tentes se monte dans la baie des requins (Baïa das Gatas). Protégée par une barrière de pierres noires volcaniques, elle forme une immense piscine où viennent patauger les dizaines de milliers de festivaliers venus de toutes les îles et de la diaspora – le Cap-Vert compte quatre fois plus d’exilés que d’habitants. Au nord, avec ses tentes taillées dans les sacs de farine et de riz offerts par différentes organisations internationales, le campement ressemble plutôt à un camp de réfugiés échoués sur une plage paradisiaque. Au sud, les expatriés venus d’Europe et d’Amérique arborent des tentes dernier cri rivalisant de confort avec leur glacière remplie de bière et de poissons, et leur fauteuil pliant comme dans n’importe quel festival américain. C’est dans cette ambiance festive, où se mêle musique, plage et boissons, que sont conçus, dit-on, le plus d’enfants dans l’archipel.
L’organisation et la programmation étaient réalisées pour la seconde année par la société de José da Silva, producteur de Césaria Evora. Le festival comportait trois soirées thématiques : une nuit africaine, où se côtoyaient Ismaël Lô et les Mahotella Queens, une nuit des îles avec Kompass, les musiciens de la Diva aux pieds nus qui accompagnent les nouvelles pousses de la musique cap-verdienne (Mayra Andrade, Nancy Vieira…), et le Gabonais Oliver Ngoma qui remplaça au pied levé le Martiniquais Patrick St-Eloi. Enfin, le dimanche le plateau présentait habilement les rappeurs de Sao Vicente et ceux de la diaspora lisboète (Micro) et parisienne (Izé), puis émouvant hommage au compositeur Manuel de Novas sous la houlette de Bau.
Izé se produisait pour la première fois à Baïa das Gatas. Le rappeur cap-verdien, qui a créé un groupe à Paris avec ses compatriotes Stomy Bugsy et Jacky des Neg’ Marrons -MC Malcreado (MC mal élevé) – était invité par l’association de hip hop de Sao Vicente pour présenter son nouvel album Mobilizé. L’atmosphère de ce festival l’a laissé pantois : "C’est une rave party West Indies, l’ecstasy en moins. Les grands teufeurs (fêtards, NDLR) à Paris n’arrivent pas à faire ça. Ici, tout est permis et même si tout le monde est saoul avec le grogue (le rhum local) et la bière, ça reste cool, c’est énorme !"
La révélation de cette édition aura été la jeune Mayra Andrade, 18 ans, installée depuis un an à Paris où elle a suivi les cours du studio des Variétés. Elle prépare actuellement un DVD comme carte de visite aux majors. Lauréate voici deux ans d’un prix de la chanson lors des Jeux de la francophonie à Ottawa, elle est la chanteuse cap-verdienne la plus appréciée de Cesaria Evora. Avec sa voix évoquant tour à tour Ellis Regina ou Astrud Gilberto, elle excelle dans le répertoire brésilien, mais n’a pas encore constitué un véritable répertoire permettant de montrer l’étendue de son talent.
Ismaël Lô
"Je serai content lorsqu’on me dira enfin que Bob Dylan est l’Ismaël Lô américain", avoue Iso en souriant. Invité vedette de cette édition après une longue tournée européenne et africaine, il a subjugué le public avec son folk mâtiné de mbalax. La pureté cristalline de son harmonica sur son mythique Tajabone est toujours aussi envoûtante. Le troubadour sénégalais, obligé de faire le grand écart entre les titres en français et ceux en wolof - politique des quotas radiophoniques oblige -, a atteint une réelle maturité avec son groupe de musiciens sénégalais qui n’a rien à envier aux grosses "machines" anglo-saxonnes. Rencontre avec un homme pour lequel la musique n’est pas une fin en soi.
RFI : Votre album Dabbah a deux ans, vous venez de sortir un Best of et vous êtes continuellement en tournée. Avez-vous encore le temps de penser à un nouvel album ?
Iso : Oui, ma maison de disques me pousse à en enregistrer un nouveau. Mais ce n’est pas facile de trouver le temps pour composer. Il faut de la tranquillité pour trouver l’inspiration, mais je pense être prêt d’ici à la fin de l’année pour entrer en studio. Je ne suis pas comme certains artistes qui doivent faire chaque année une cassette pour le marché national puis un CD pour l’international. Je tiens à gérer ma carrière à mon rythme, cela fait plus de vingt ans que je fais ce métier et même si je suis parfois fatigué par toutes ces sollicitations à travers le monde, je tiens à honorer mes engagements.
En dehors de la musique, quelles sont vos activités ?
J’ai créé une école maternelle et élémentaire avec ma femme à Dakar parce qu’elle est dans l’enseignement depuis plusieurs années. C’est une façon pour moi de l’aider et de participer au développement de mon pays. J’aime le bâtiment, suivre des chantiers comme celui de l’école que j’ai réalisée. J’étais présent tous les jours. J’ai ainsi acquis des expériences qui m’aident à comprendre beaucoup de choses. Les ouvriers sont heureux de me côtoyer, même s’ils me trouvent trop simple pour une "vedette". Lorsque je suis en tournée, ils me manquent parce c’est une manière de m’échapper de mon quotidien où l’on ne parle que de musique. Je cultive également la terre, et le bruit a même couru à Dakar que j’avais abandonné la musique pour l’agriculture !