LES NUITS DU MONDIAL

A l’occasion des Championnats du monde d’athlétisme, la municipalité de St-Denis près de Paris, organise une série de concerts gratuits durant les deux week-ends de la compétition, face au Stade de France. Une affiche très éclectique qui, de Manu Chao à Mami en passant par Arno ou Yannick Noah, donne à voir et à entendre pour toutes les tribus.

Les after du Stade de France.

A l’occasion des Championnats du monde d’athlétisme, la municipalité de St-Denis près de Paris, organise une série de concerts gratuits durant les deux week-ends de la compétition, face au Stade de France. Une affiche très éclectique qui, de Manu Chao à Mami en passant par Arno ou Yannick Noah, donne à voir et à entendre pour toutes les tribus.

En sortant par la porte N du Stade de France, passé un panneau "Good bye", les spectateurs peuvent se prendre quelques minutes pour des athlètes. Une piste d’athlétisme avec huit couloirs se présente à eux sur une passerelle qui traverse le canal. A l’arrivée, deux choix sont possibles : à gauche lemétro, à droite, pour ceux qui ont envie de faire la fête, une immense scène, copie conforme de celle de la Fête de l’Humanité, qui aura lieu à quelques kilomètres de là dans trois semaines.

Des centaines d’ampoules bleues et blanches éclairent les containers maritimes qui font office de guinguettes le long du Canal St-Denis. Certains viennent s’y restaurer, d’autres profitent de la pelouse qui fait face à la grande scène pour pique-niquer. La municipalité de St-Denis a tenue à organiser une fête musicale durant le Forum mondial du sport organisé parallèlement aux Mondiaux d’athlétisme. Pour Jean-Pierre Le Pavec, directeur du Festival de St-Denis, cette manifestation est une fête ouverte à tous, habitants de la Seine-St-Denis ou spectateurs venus au stade: "Nous avons essayé d'élaborer une programmation large. La diversité que reflète le programme des Nuits du Mondial est à l'image de la ville de Saint-Denis. Ses habitants sont originaires du monde entier. Les artistes qui vont animer la fête ont eux-mêmes une réflexion sur leur métier et sur le monde. Ils n'ont pas tous le poing levé, mais ils ont tous la question au poing. Les artistes présents sont tous des chanteurs citoyens."

Au programme, six nuits thématiques à l’affiche de ce premier week-end: une nuit de la Méditerranée vendredi 22 avec Dupain et Manu Chao; une nuit Caraïbe samedi avec Ernesto Tito Puentes et Kassav’; puis une nuit de l’Europe dimanche avec Arno et Goran Bregovic.

Après le rendez-vous alter-mondialiste de Millau le 10 août dernier et avant celui de la Plaza de Toros à Madrid vendredi prochain, Manu Chao a joué face à 15.000 spectateurs, gratifiant au passage les automobilistes de l’autoroute A1 qui surplombe la scène d’un concert surprise. Les fumigènes rouges qui passent de main en main dans le public donnent un côté irréel au spectacle. Vêtu du maillot de l’équipe de football du Burundi, Manu Chao est venu ce soir-là en star mondiale. Ska, rock, reggae façon Radio Bemba, Manu, micro sur le cœur mime le son de la grosse caisse et aligne ses standards le pied au plancher."Boycottez les produits américains. McDonald, Mickey, Marlboro, ne donnez pas votre argent à la guerre. George Bush, terroriste". La scène est toujours pour lui l’occasion de faire passer ses idées de militant et dans ce fief du Parti communiste français, les mots de Manu font mouche, comme la veille à Dublin ou l’avant-veille à Colmar.

Loin de la paranoïa des concerts de Johnny Hallyday, les spectateurs se filment avec leur caméscope devant la scène, d’autres appellent leurs amis pour faire partager le concert. Aucun temps mort, juste un break au milieu du set pour le désormais traditionnel appel des intermittents du spectacle. Puis de Me gustas tu à King of the Bongo, Manu, tel un juke-box survitaminé, enchaîne ses chansons en espagnol, ne s’exprimant en français que lorsqu’il a un message à faire passer. "Planète pourrie, résistance globale". Dans son carré VIP, Patrick Braouzec, le maire de St-Denis, la mèche au vent, la cravate dénouée, entame un rock endiablé sur Clandestino. Invités surprises de la soirée, Hakim et Mouss, les deux chanteurs au crâne rasé de Zebda, viennent interpréter une chanson kabyle avec l’ami Manu, se rattrapant ainsi un peu de leur série de concerts annulés avec Noir Désir en septembre prochain, suite aux démêlés judiciaires de Bertrand Cantat.

"Est-ce Johnny Hallyday ?", telle est la question fort incongrue que pose un couple d’Américains sortant du Stade de France en voyant le chanteur belge Arno sur l’écran géant qui retransmet le concert. Bien qu’habitant depuis cinq ans en Belgique, ils n'avaient jamais entendu parler de l’"European cow-boy". Tout de noir vêtu, au soleil couchant, il interprète en duo avec Serge Feys, son fidèle clavier de l’époque TC Matic, un Les yeux de ma mère, où il titube façon Tom Waits. Avec sa voix éraillée par l’alcool et le tabac, Arno parle avec franchise et sans complexe. Putain, putain, c’est vachement bien, on est tous des Européens… Depuis 1986, Arno a ce titre qui lui colle à la peau et il n’hésite pas, lors du final, à le mélanger avec l’Hymne à la joie, tel un Beethoven "destroy".

Les spectateurs espagnols qui sortent du stade espèrent voir Manu Chao. Pas de chance, c’est Goran Bregovic qui passe. Un beur sur son vélo crie qu’" il faut venir voir Mami vendredi". Nombreux sont ceux qui viennent retrouver leurs racines. Pourtant, certains sont curieux, comme Adama, Sénégalais bon teint. Il est venu voir l’artiste slave, tout de blanc vêtu, tout comme la veille Ernesto Tito Puentes, vétéran de la scène salsa parisienne, et les Antillais de Kassav’. "Il faut être ouvert à toutes les cultures. Ici, c’est bien, le monde entier passe, et c’est gratuit. Je reviendrai à la fin de la semaine voir Mami, Tiken Jah et Noah, trois images de l’Afrique." Yannick Noah, qui sort son nouvel album cette semaine, clôturera ainsi en musique les 9es Championnats du monde d’athlétisme. Un tour de chauffe avant les Jeux olympiques de 2012 ?