RUBIN STEINER QUARTET LIVE
Ultime prestation réussie pour le Rubin Steiner Quartet Live samedi 6 septembre au Trabendo à Paris dans le cadre de Jazz à la Villette et de ses soirées estampillées "électro jazz".
Electro-jazz party
Ultime prestation réussie pour le Rubin Steiner Quartet Live samedi 6 septembre au Trabendo à Paris dans le cadre de Jazz à la Villette et de ses soirées estampillées "électro jazz".
C’est devant une salle bien remplie où la scène à peine surélevée, permet une chaleureuse proximité avec le groupe que le Rubin Steiner Quartet Live, abordait son 103ème et ultime concert, et livrait en pâture au public du Trabendo, volontiers joueur et partageur, quelques-uns des titres phares de son dernier album Wunderbar drei, tout en privilégiant l’improvisation, voire la performance.
Précisons tout d’abord que Rubin Steiner est un pseudonyme scénique et que personne n’est allemand dans un groupe constitué de quatre garçons "dans l’air du temps" vivant et travaillant dans la ville de Tours. Deux instrumentistes sur scène: Sylvestre Perrusson, issu de Forget Me Not, gesticule et joue de la basse et en concert, de la contrebasse avec une vitalité rare, tandis que Benoît Louette, qui vient lui, de la musique classique gesticule aussi et souffle dans une flûte traversière et sur scène, dans un trombone. Dans le même temps, François Pirault projette ses images noir et blanc sur grand écran, aux côtés de Frédérick Landier, tête pensante du quartet, qui lui, parle, chante et envoie ses séquences. Tous les deux gesticulent presque autant que les deux autres. Tous font face au public.
Danser avec Rubin Steiner
Ceux qui sont venus écouter l’album, ont été agréablement surpris. Si, sur les cinquante morceaux qu’il avait dans sa machine à l’époque, Frédérick Landier en a choisi douze aux sonorités jazzy, il ne les redonne pas texto sur scène. Ainsi, il fait plaisir en balançant par exemple New bossa, fidèle à l’introduction au vibraphone, s’en amuse en annonçant les séquences: "le vibraphone" puis "les violons", pour ensuite accentuer le volume de la boîte à rythmes et transformer le parterre en dance floor. Le concert, c’est l’occasion de danser avec Rubin Steiner. Mais c’est aussi pour lui, l’occasion d’improviser, de laisser éclater toute la fantaisie et la liberté de principe prise avec toutes les musiques, ce qui s’illustre pas de multiples citations assumées qui vont de This is not a love song du groupe Pil de John Lydon, jusqu’au tube intergénérationnel Brazil…
C’est ça l’esprit libre et kitch insufflé par Frédérick Landier, ce Fred par qui tout est arrivé! Dès le lycée, il casse les oreilles de ses parents avec une guitare folk, fait du skate, écoute la musique qui va avec et se découvre une furieuse curiosité non pas pour l’art des sons, définition académique de la musique, mais pour tout ce qui fait du bruit. Plus c’est étrange, voire bizarre, plus ça lui plaît… jusqu’aux bruitistes expérimentaux new-yorkais. Il veut aussi jouer. Et c’est à la fac qu’il se lance avec un groupe de punk "intello" (c’est lui qui le dit) baptisé MERZ, en référence à l’œuvre dada de Kurt Schwitters. C’est aussi l’époque où il rassasie son appétit musical en faisant l’animateur sur radio Béton, toujours à Tours, une expérience qui dure huit ans. L’occasion de commencer sa collection de disques, environ 3.000 albums même s'il se défait très vite de ce qu’il n’aime pas.
Mais alors, Fred, qu’est-ce que tu aimes ? "Mes goûts sont très éclectiques. Le jazz, par exemple, je l’ai découvert par le free-jazz et les hard boppers des années 60, Olé de John Coltrane, j’adore. Je suis aussi touché par le duo récent Galliano/Eddy Louis…et puis j’aime la façon dont Truffaz utilise les boîtes à rythme, pour ce que tu ne peux pas faire avec des instruments…mais il n’y aura jamais rien de plus beau que le pur son d’un instrument. Moi, je n’ai jamais appris la musique…je fais de la musique". Il ne se reconnaît pas pour autant dans St Germain ou autre groupe électro-jazz. "Je n’ai rien à voir avec toute cette bande. Je n’ai aucun rapport particulier avec eux, ni avec des musiciens de jazz. D’ailleurs, je ne fais pas de l’électro-jazz : je fais de la musique, point". Comprenez fabriquer.
Sa force et son talent, c’est sa créativité dans l’utilisation de l’ordinateur qu’il achète en 1998. Il a 24 ans. Ses premiers albums sont composés en trois semaines. Et depuis, il n’arrête plus ! Sourire-plaisir aux lèvres, cheveux ras et barbichette, tee-shirt AC/DC qui suscite l’enthousiasme du jeune homme à côté de moi : "s’il porte un tee-shirt AC/DC, ce gars ne peut être foncièrement mauvais", le leader-"roi du sampler" Frédérick Landier n’a rien de l’homme machine autiste que l’on croise parfois dans certaines soirées électroniques, bien au contraire…celui-là est terriblement à l’aise sur scène, dans une osmose, presque une communion avec le groupe et le public.
Rubin Steiner, labellisé cette année "Talents Adami", n’a rien à envier aux trublions de la scène norvégienne électro-jazz à (re)découvrir ces jours-ci grâce au festival Jazz à la villette où sont programmés Sidsel Endresen et Bugge Wesseltoft, Wibutee et Nils Petter Molvaer, respectivement les 11, 12 et 13 Septembre à venir. C’est plutôt en électron libre que le vaisseau spatial du groupe poursuit sa trajectoire dans le cosmos musical, et comme toujours, dans la joie et la bonne humeur…l’équipage s’amuse ! Ainsi donc samedi soir, l’ambiance naturellement chaude du Trabendo, plus proche du night-club que du club de jazz, s’est facilement enflammée dès les premières notes de vibra pour fêter la dernière du Rubin Steiner Quartet Live. Mais attention, si François Pirault part faire du cinéma et Sylvestre Perrusson des opéras, Rubin Steiner continue, comme le rappelait le facétieux Fred sur scène…the show must go on ! On lui fait confiance.
Wunderbar drei (Platinum/BMG) 2002
Test Recordings (Platinum/BMG) 2003