Yann Tiersen
Deux ans après l’énorme succès du Fabuleux destin d’Amélie Poulain, Yann Tiersen est de retour avec la bande originale du film allemand Good Bye Lenin! de Wolfgang Becker.
Le musicien retrouve le cinéma.
Deux ans après l’énorme succès du Fabuleux destin d’Amélie Poulain, Yann Tiersen est de retour avec la bande originale du film allemand Good Bye Lenin! de Wolfgang Becker.
La sortie de Good Bye Lenin!, le film de Wolfgang Becker, est un des événements cinématographiques majeurs de cette semaine. Yann Tiersen en a composé la bande originale, deux ans après l’énorme succès du Fabuleux destin d’Amélie Poulain et de la BO qui l’a révélé au grand public international. Rencontre avec un compositeur comblé qui avoue avoir «travaillé sur ce film à un moment où il devait arriver dans ma vie.» Les critiques ont d’ailleurs noté, à Paris, le lien qui semble unir l’Amélie qui veut le bonheur de tous et le fils attentionné qui fait tout pour cacher à sa mère que le régime auquel elle croyait, l’Allemagne de l’Est, est toujours florissant, alors que le Mur de Berlin est tombé et que RFA et RDA se sont réunifiées pendant qu’elle était dans le coma.
L’album L’Absente est sorti il y a deux ans et demi. La sortie de la BO de Good Bye Lenin va-t-elle retarder d’autant la parution du prochain album ?
Eh bien j’ai commencé à travailler dessus à la fin de la tournée, juste alors que j’avais envie de me remettre au travail pour le prochain album. Forcément, ça retarde un peu l’échéance, mais c’est un travail important pour moi. Le prochain album, je vais m’y mettre. J’ai besoin de temps pour digérer les choses, parce que ça a été assez intense de travailler sur cette musique.
Ce n’est donc pas une parenthèse ?
Je ne peux pas trop savoir tant que je ne me suis pas remis au travail mais, non, ce n’est pas une parenthèse. J’avais envie de me débarrasser de certains tics en allant soit dans l’électrique et les guitares, soit dans quelque chose de très acoustique, avec une forme classique. Ce travail avec orchestre correspondait parfaitement au film.
Votre travail avec l’ensemble Synaxe, ces dernières années, a-t-il accentué votre envie d’orchestre ?
Non, pas particulièrement. L’orchestre est pour moi quelque chose d’assez naturel. Son homogénéité en fait vraiment un instrument. J’en ai toujours une vision horizontale et non verticale: je ne pense pas par accords, mais j’aime bien que chaque partie ait sa vie propre, qu’il y ait des moments où plein de choses se bousculent. J’avais envie de travailler sur les cordes, avec des parties très distinctes, d’écrire spécifiquement pour les vents, ce que je n’avais jamais fait… Et que tout soit enregistré live, ce qu’on a fait trois ou quatre jours après la dernière date de la tournée, à Berlin.
N’est-ce pas plus compliqué d’écrire pour orchestre que pour petite formation rock ?
Je travaille en enregistrant des maquettes, transcrites ensuite en partitions pour l’orchestre. Ce qui est lourd, c’est de réécrire toutes les parties, ce pour quoi je me suis fait aider. C’est assez simple mais ça prend beaucoup de temps, et même plus que d’écrire la musique. Ensuite, c’est très rapide, comme il n’y a pas de problème d’interprétation: on a enregistré en deux jours.
C’est le rythme habituel des musiciens classiques ?…
Oh classiques, pas tant que ça! On les a dévergondés un peu! Ils sont jeunes, très ouverts… De manière générale, j’aime beaucoup cette façon de travailler, que l’enregistrement prenne exactement le temps du morceau, mais j’aime aussi le travail de studio, comme pour Le Phare que j’avais fait en enregistrant tout seul à la maison toutes les parties de tous les instruments. Mais quand je travaille en studio en gardant les choses au fur et à mesure, je ne fais pas de maquette, j’aime la fraîcheur de la partie jouée dès qu’on la trouve, qui est autre que la fraîcheur du live où l’interprétation se rapproche du concert. Pour le prochain album, je vais peut-être alterner les deux.
Seriez-vous un compositeur comme Philip Glass, qui change perpétuellement la matière de sa musique mais reste fidèle à des timbres singuliers, ou comme Michael Nyman dont l’écriture fait souvent appel à des figures mélodiques et harmoniques très reconnaissables ?
Ni l’un ni l’autre, je crois. Je n’ai pas d’idée de chemin. La musique m’aide à capter des moments, à fixer des émotions et je me sens assez libre. Je n’ai pas envie de coller à un style ou une direction précise, mais de trouver le bon vecteur parce que j’ai besoin de quelque chose qui me ressemble, qui se rapproche le plus possible de la sincérité. Ça pourrait être avec autre chose que la musique, d’ailleurs. Et je n’ai pas envie d’utiliser les mêmes timbres ou les mêmes structures, mais justement de bousculer cette tentation.
Les titres de l’album ne sont pas dans l’ordre du film…
Non. Nous avons enregistré la musique en janvier et, dès février, elle est parue en Allemagne, mais en un disque plus long. Je n’avais aucune idée du bon ordre des titres, c’était trop proche de l’enregistrement. Alors l’album était trop long. Pour la sortie en France, on a défini un nouvel ordre des titres et enlevé plusieurs morceaux. Et on a ressorti le disque en Allemagne avec cet ordre-là.
Pensez-vous qu’une musique peut vivre indépendamment du destin commercial du film ?
Il y a forcément une interdépendance, mais je ne réfléchis pas trop à la place de la musique dans un film. J’ai un côté un peu schizophrène: il y a le film, auquel j’ai participé, et je ne fais pas du tout attention à la musique quand je le vois. Et il y a mon histoire avec la musique, qui en est totalement indépendante. D’ailleurs, je suis incapable d’entendre la musique dans Le Dernier Tango à Paris. J’aime la musique, j’aime le film, mais je n’arrive pas à les lier.
Propos recueillis par Bertrand Dicale
Yann Tiersen, Good Bye Lenin!, 1 CD Labels-Virgin.