Francofolies de Berlin

Les Francofolies de Berlin qui avaient déjà connu plusieurs éditions il y a quelques années, reviennent donc après interruption. Cette fois-ci, elles ont lieu du 18 au 21 septembre dans le quartier de Prenzlauer Berg à la KulturBrauerei, présentant quelques talents confirmés ainsi que des artistes à découvrir.

Festival de musiques francophones en Allemagne

Les Francofolies de Berlin qui avaient déjà connu plusieurs éditions il y a quelques années, reviennent donc après interruption. Cette fois-ci, elles ont lieu du 18 au 21 septembre dans le quartier de Prenzlauer Berg à la KulturBrauerei, présentant quelques talents confirmés ainsi que des artistes à découvrir.

Imposant bâtiment de briques rouges, la Kulturbrauei est une ancienne brasserie reconvertie depuis 1991 en un complexe culturel aux multiples activités : galeries de peinture, salle de concerts, cinéma et restaurants. A l’occasion des Francos, on y trouve aussi quelques stands de nourriture et boissons ainsi qu’un chapiteau destiné à accueillir les grands concerts. Le climat continental de Berlin permet encore en septembre quelques belles soirées qui invitent à la déambulation et aux dîners en extérieur juste avant d’aller écouter des artistes aussi différents que Fred, Daara J, Benjamin Biolay ou Frédéric Galliano et ses African Divas.

Corinne Micaelli du Bureau Export de Berlin a collaboré à la programmation des Francos, déclinaison allemande des Francofolies de la Rochelle, celles-ci n’ayant pas eu lieu cette année, pour cause de mouvement des intermittents. «Le choix des artistes à Berlin s’est fait en liaison avec ce qui était programmé à la Rochelle. Mais il s’agissait aussi de présenter des artistes dont les albums étaient disponibles en Allemagne, ou bien encore des artistes que les maisons de disques veulent développer ici». D’où le choix on ne peut plus éclectique de formations et chanteurs français regroupés chaque soir sur différentes scènes par grands genres musicaux.

La soirée de vendredi, consacrée à la chanson, a permis de programmer dans la salle du Palais, un Nicolas Reggiani aérien, interprétant avec force et conviction des textes de Jacques Prévert avec pour tout accompagnement, un piano forte et une contrebasse. Avec ce répertoire plutôt difficile pour un public germanophone, Nicolas Reggiani a quand même, assuré le spectacle. Autre salle, autres chansons avec Corinne Douarre, Française installée à Berlin et dont la renommée commence à s’amplifier. Suivi de Fred, jeune artiste plein d’humour qui a su faire patienter le public avec brio, avant l’arrivée tant attendue de Benjamin Biolay.

Tellement «hype»

Benjamin Biolay, jeune producteur auteur-compositeur et arrangeur, auteur de deux albums, était sans conteste la sensation du festival. Corinne Micaelli explique l’engouement pour cet artiste: «On sent que c’est un peu le clou des Francofolies. Au moment de la sortie de Rose Kennedy, son premier album, puis de Négatif, le second, il y a eu énormément de presse le concernant. Tous les médias se sont intéressés au personnage. Les ventes de disques ont été tout à fait honorable par rapport à celles généralement enregistrées pour la chanson française. Les gens sont curieux car ils en ont beaucoup entendu parler, que ce soit dans la presse quotidienne, généraliste ou mensuelle. Der spiegel, Stern en ont parlé : soit uniquement de lui, soit dans le contexte du retour de la chanson française, de la nouvelle vague pop arrivant en Allemagne. C’est vraiment dans ce contexte qu’il se produit ici et c’est aussi le cas pour Dominique A. Cela correspond au nouvel engouement des jeunes Allemands pour la chanson française. C’est quelque chose, en ce moment, de très hype.»

Et il fallut retirer tous les sièges installés pour les deux précédents concerts tellement l’affluence était importante pour voir la dernière sensation française. Entouré de cinq musiciens, Benjamin Biolay la mèche rebelle et le regard fuyant, faisait là ses premiers pas sur une scène européenne. Une cigarette au bec et une gestuelle peu assurée contribuaient à lui donner un faux air de Gainsbourg. Des mots servis par une voix cotonneuse avaient quant à eux, une saveur rappelant ceux de Monsieur Dutronc interprétant le Petit jardin ou l’Hymne à l’amour. Exagérées ces comparaisons ? Sans doute et pourtant impossible d’y échapper. Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisque les têtes dodelinaient aux rythmes de cette pop parfois doucereuse, transformée le temps des deux derniers morceaux Négatif et Los Angeles, en rock bien senti. Une jolie surprise, en définitive.

Six contre un

Là où Benjamin Biolay «s’armait» de cinq musiciens, Dominique A, lui, a joué avec une formule on ne peut plus «économique» ! Seul avec sa guitare, deux micros et un sampler. De quoi démontrer s’il en est encore besoin, son talent de rocker poète. Dominique A fait sans conteste partie de ces artistes habités par la créativité. Ses envolées lyrico-rock ont de quoi agacer certains mais les aficionados reconnaissent là, au contraire, sa marque de fabrique. Sa propre voix samplée et rejouée l’instant suivant ont constitué des choeurs d’une imposante présence. L’homme de haute stature, habillé de noir, incarne l’écorché vif. Ses riffs de guitare l’ont transporté, comme nous d’ailleurs, dans son univers fait d’ombres mais aussi de violentes lumières.

Artiste reconnu en Allemagne, il a notamment fait ici la première partie de Yann Tiersen, lui aussi très connu et auteur récemment de la bande originale du film Good bye Lenine. Leur maison de disques commune a sorti pour le marché local, une très bonne compilation de titres de Dominique A alors qu’un tel disque n’existe pas en France.

En fin de compte, bilan plutôt positif pour cette édition des Francofolies de Berlin, même s’il s’avère que le taux de remplissage des salles ne fut important que par deux fois : seules, la soirée chanson avec Benjamin Biolay et la fin de soirée dub avec le Peuple de l’Herbe affichèrent complet. Le challenge qui consiste à programmer la chanson francophone dans un pays qui ne l’est pas est évidemment difficile à tenir mais cela n’a pas empêché le bel optimisme des organisateurs dont le directeur Nicolas Jeanneté, qui non seulement projettent une nouvelle édition l’année prochaine mais envisagent aussi une édition à Cologne.

Valérie  Passelègue