Dani
Comme un boomerang, elle nous revient avec un album, Tout dépend du contexte, bouquet de 13 chansons comme ces roses qu’elle aime tant, envoûtantes et épineuses à la fois. A l’âge où certains comptent leurs points retraite, Dani s’offre depuis son tube avec Daho, une seconde carrière, s’attirant les faveurs des trentenaires qui la découvrent presque comme une chanteuse nouvelle.
La rose noire de la chanson
Comme un boomerang, elle nous revient avec un album, Tout dépend du contexte, bouquet de 13 chansons comme ces roses qu’elle aime tant, envoûtantes et épineuses à la fois. A l’âge où certains comptent leurs points retraite, Dani s’offre depuis son tube avec Daho, une seconde carrière, s’attirant les faveurs des trentenaires qui la découvrent presque comme une chanteuse nouvelle.
Finalement, peu connaissent Dani. Lorsqu’elle quitte Castres à l’âge de 19 ans pour Paris, la France est en pleine vague yé-yé. Mannequin, elle pose pour Newton, Sieff et Avedon avant de signer son premier 45 tours en 1966, triomphe deux ans plus tard avec Papa vient d’épouser la bonne (plus d’un million de ventes) et tourne en première partie d’artistes comme Jacques Dutronc, Johnny Hallyday ou Claude François. Prix de l’Académie Charles-Cros en 1970, elle s’investit de plus en plus dans le cinéma, tournant dès 1967 avec Christian Vadim (La Ronde), puis avec Truffaut, Doillon ou Chabrol. Mais on n’a retenu d’elle que ses excès, la nuit, la drogue, l’âme torturée. A l’occasion de la sortie de Tout dépend du contexte, un titre qui fleure bon le goût des rencontres et du hasard, Dani, qui promet de s’équiper et de rattraper son retard dans l’utilisation d’Internet, a reçu chez elle RFI Musique.
Vous avez croisé Gainsbourg et Birkin, vous êtes une amie de longue date d’Etienne Daho qui vous a convaincu de rechanter comme il l’avait fait quelques années auparavant pour Brigitte Fontaine. Comme d’autres, avez-vous besoin d’un Pygmalion ?
Dépendre d’une seule personne, cela peut être dangereux car le jour où cette personne n’est plus là… C’est pour ça qu’avec Etienne, on a préféré se séparer, même si on est toujours amis et s’il a été le premier au courant des chansons que j’enregistrais. Mais il ne fallait pas créer une affiche Daho-Dani juste parce qu’on avait réussi Comme un boomerang. C’est vrai qu’au départ, j’aurai rêvé qu’Etienne produise artistiquement mon disque. Mais avec lui, l'histoire n’est pas finie.
Interprète, vous l’avez aussi été au cinéma. Diriez-vous que vous avez été mieux servie par la chanson ou par le cinéma ?
Je n’ai jamais comparé les deux. Ce qui me fait plaisir, c’est surtout les rencontres. Comme je n’ai jamais calculé pour m’arrêter ou revenir. Je prends la vie comme elle vient.
Le titre qui clôt l’album, Générique, remercie toute l’équipe comme au final d’un concert, façon talk over. Comment est venue cette idée ?
Ce disque est un rendez-vous artistique avec de nombreuses personnes. Généralement, les noms des gens qu’on remercie sont inscrits en petits caractères sur des pochettes, même avec des lunettes, on ne peut pas les lire ! Pour moi, ils ont été si importants qu’il fallait que je leur rende hommage d’une façon ou d’une autre.
Parmi ces personnes invitées à travailler avec vous, on trouve des amitiés anciennes (Daho), des jeunes auteurs connus (Miossec) ou inconnus (David André), pour un résultat étonnamment homogène. Hasard ou calcul ?
J’ai téléphoné à des amis pour leur dire que je recherchais des chansons. Certains y ont cru, d’autres non. A partir de là, dans le milieu des auteurs-compositeurs, tout le monde se connaît et sait ce qu’il se passe. La nouvelle a fait boule de neige. Quand David André, que personne ne connaissait, m’a envoyé Trois petites larmes et Shaker, j’ai craqué. Lorsque on ne connaît pas à l’avance le nom de l’auteur et du compositeur, on a une autre écoute. Quand on sait que Goldman a fait telle chanson, certains vont forcément trouver ça génial, d’autres à gerber. Une chanson, ça vous donne un frisson ou ça ne vous fait rien. Moi, je ne peux pas interpréter une chanson qui ne me fait rien.
Reine d’Autriche, c’est un peu Sissi impératrice version courte ?
Oui, c’est ça : Sissi, mais aussi la Corniche, la Côte d’Azur, la liberté… C’est la chanson qui me rappelle le plus mes vingt ans. Mais sans nostalgie. Reine d’Autriche, c’est un cliché, un joli petit scénario, mais en même temps c’est profond. Le texte est visuellement traduisible : quand on l’écoute, les images viennent avec.
Dans Mon chou, vous chantez : "Prendre la vie comme elle vient/J’veux bien/Prendre mon mal en patience/J’veux bien/Prendre mon courage à deux mains/J’veux bien/Mais me prendre le chou/Non". Si la chanson semble ironique, dans la vie, qu’est-ce qui vous prend vraiment le chou ?
L’administration me prend bien la tête, ça me ronge même. Sur le plan personnel, parfois des gros chagrins. Mon chou, ça signifie que malgré tout, j’ai choisi de me dire que la vie est belle et que le soleil brille tous les matins.
Curieusement, vous paraissez plus en phase avec l’époque actuelle, faite d’espoirs mais aussi de doutes, qu’avec la joie et l’optimisme forcenés des années 60. Vous sentez-vous plus à l’aise dans la société actuelle ou dans celle que vous avez connue à vos débuts ?
Je crois que pour vivre bien l’instant, il faut être en accord avec ce qu’on vit et ce qu’on est. Cela demande une grande sagesse que je n’ai pas encore. J’ai tout le temps essayé d’être en accord avec la situation dans laquelle je me trouvais, sur le plan quotidien, personnel ou artistique.
Vous partez en tournée à partir de janvier 2004 (au Bataclan de Paris les 10 et 11 février). Une vraie tournée en tête d’affiche, c’est une première. Comment l’appréhendez-vous ?
C’est le grand frisson. Je vais essayer d’être exacte au rendez-vous, comme je l’ai été à ceux de tous ces artistes qui ont participé au disque. Quatre musiciens vont m’accompagner. On va essayer de faire un tour de chant avec des chansons qu’on aime, tout simplement. Mais ça devra forcément dépasser le stade du "tout simplement", il faut que ce soit inattendu, sincère, porteur de désir. C’est un mélange.
Pour votre nouveau public de trentenaires, allez-vous revisiter votre ancien répertoire ?
Franchement, je ne regarde pas dans le rétroviseur. Et puis, il n’y aura peut-être pas qu’un public nouveau… Pour moi, quatre ou cinq chansons ont traversé ma vie, ce ne sont pas forcément les plus connues mais elles sont intemporelles. Mon rôle est d’interpréter des chansons. Qu’elles aient été écrites hier ou aujourd’hui, si elles sont bonnes elles peuvent toujours être revisitées. Au départ, les chansons sont faites pour figurer sur un disque puis sur scène, elles évoluent tous les jours, en mieux ou moins bien des fois.
La presse vous décrit souvent comme une icône, une égérie. Votre ami Etienne Roda-Gil vous compare à Nico, Marianne Faithfull ou Betty Page. Ça vous fait quoi ?
La première fois que j’ai lu ces paroles, j’ai pleuré car il se réfère à des femmes que j’aime et que j’ai rencontrées dans ma vie. Je crois que, même si on a des vies et des parcours très différents, on a peut-être la même attitude et le même amour des belles rencontres.
Tout dépend du contexte (disques Tréma)
En concert à Paris le 7 novembre dans le cadre du festival Les Inrockuptibles.