Concours de décibels
Nouvelle livraison de gros bois pour passer l’hiver. Le petit nouveau, Karma Sutra et son Laisse toi faire nourri de hardcore conscient. Dans Bon pour l’asile, les Svinkels délivre un rap de comptoir toujours aussi communicatif qu’inclassable. Tout aussi efficace, le groupe Enhancer égale les grosses pointures américaines avec Street trash.
Karma Sutra, Svinkels, Enhancer
Nouvelle livraison de gros bois pour passer l’hiver. Le petit nouveau, Karma Sutra et son Laisse toi faire nourri de hardcore conscient. Dans Bon pour l’asile, les Svinkels délivre un rap de comptoir toujours aussi communicatif qu’inclassable. Tout aussi efficace, le groupe Enhancer égale les grosses pointures américaines avec Street trash.
Karma Sutra : Comptez sur soi
Ne les appelez pas néo-métal, Karma Sutra préfère le terme, plus simple, de rock énervé. "Nos influences majeures restent la musique que l’on écoutait au lycée, le grunge, la fusion." C’est d’ailleurs sur les bancs de l’école que les cinq membres se sont rencontrés. A Pithiviers, bourgade perdue dans la Beauce française. Ils commencent par jouer ensemble, se séparent, puis se retrouvent il y a trois ans avec un mot d’ordre : d’abord compter sur soi. "On a créé une association en parallèle du groupe pour organiser des concerts. Ce qui nous a permis de découvrir l’envers du décor dans le monde de la musique. "
Pendant un an, ils enregistrent des maquettes pour le compte du label Island qui, convaincu, les signe l’été 2002. Laisse toi faire voit alors le jour. Treize titres rageurs alliant rouleau compresseur et travail d’orfèvre. Les deux guitares jouent la complémentarité à merveille. Même si la voix peine parfois à s’imposer, le balancement de tête est instinctif… et durable.
Karma Sutra s’est fait remarquer par ces textes engagés, abordant notamment la situation du Timor Oriental ou du marché de l’eau. " Nos paroles sont conscientes mais pas moralisatrice. Ça reste avant tout des chansons. " Les projets du groupe sont assez simples, ils se résument en un mot : concert. "La seule chose sur laquelle on puisse compter, c’est le public. C'est très important pour nous de tourner. On a vraiment soif d’avoir encore plus d’échanges. Notre démarche est vraiment liée au partage. Et rien que le fait d’être sur la route tous les cinq, ça nous restera à vie".
Svinkels : Plan Vigipicrate
"Mettre de l’eau dans mon pastis/ Plutôt mourir/ Changer de sexe pour être actrice/ Plutôt mourir". Gérard Baste, Nikus Pokus et M. Xavier sont les ovnis du rap français. Leurs influences revendiquées sont Les Nuls et Pierre Desproges, leurs délires éthylo-comiques désorientent, leur mauvais goût interloque. S’ils ont une attirance pour la dérision, les Svinkels ne sont pourtant pas - que - des rigolos. Bon pour l’asile, leur deuxième album se rapproche du Ti-punch. Au début, ça semble sucré et anodin. Au troisième verre, l’affaire s’avère redoutable.
Le Svink c’est chic, Hard amat ou Happy hour rivalisent de rimes scabreuses à prendre au douzième degré. Les instrus se nourrissent de rock et d’électro mais ce sont surtout les textes qui tournent dans la tête. Comme sur Le corbeau qui revisite le film de Henri-Georges Clouzot ou, plus léger, Série Noire et son ambiance tragi-comique. Si les Svinkels ont du mal à être reconnu comme un groupe de rap à part entière, c’est peut être aussi parce que, comme dans ça n’sert à rien, ils se moquent trop bien des poncifs du genre.
Ces trois agités aimeraient bien que leur Bon pour l’asile soit l’album de la reconnaissance. Même s’ils savent que leur démarche suscite assez souvent l’incompréhension. "Sur l’ensemble de notre parcours on n’en souffre pas, mais au jour le jour, oui. On ne s’inquiète pas pour autant, ça fait dix ans qu’on existe, dans cinq ans, on sera encore là. " D’autant que DJ Pone, un des meilleurs scratcheurs français, les accompagnent maintenant sur scène.
Enhancer : Hardcore de rue
Pantalons larges, skate-board, casquettes, au premier regard, les huit membres de Enhancer ressemblent aux habituels teenagers américains. Leur musique aussi. Un métal largement imprégné de hip hop popularisé par Limp Bizkit. Leur attitude de poseurs n’incite pas à l’indulgence, il faut pourtant bien l’avouer, Street trash, le deuxième album du groupe est d’une efficacité implacable.
A l’image du titre Cinglés, le disque est calibré comme un film de Jerry Brukheimer. Explosions et moments de répit sont savamment dosés. Le groupe a été épaulé par Machine (producteur de White Zombie, The Prodigy, …) et l’alchimie se révèle détonante. Les trois chanteurs entremêlent chants, rap et hurlements dans un déluge jubilatoire. Les phases métal et hip hop s’enchaînent sans fausse note. Leur nombre fait leur force et ils savent rudement bien s’en servir.
Panam et son évocation de la vie à Paris, apporte une légère touche de noirceur. Mais dans l’ensemble, le propos reste résolument ludique. Les textes n’incitent nullement à la prise de tête. Seule ombre au tableau, le groupe s’abîme, parfois, dans la dénonciation éventée. On touche le fond avec le très formaté Music business censé dénoncé… le formatage de la musique.
Karma Sutra Laisse toi faire (Island, 2003)
Svinkels Bons pour l’asile (Atmosphériques, 2003)
Enhancer Street Trash (Barclay, 2003)