Oumou Sangaré

Après plusieurs années de silence discographique, la majestueuse "gazelle" malienne revient sur le devant de la scène avec une double compilation intitulée tout simplement Oumou. L’occasion pour Oumou Sangaré d’offrir un florilège de ses meilleurs titres, dont certains inédits qui n’étaient disponibles jusqu’à présent, que sur le marché local.

Eternelle porte-parole des femmes

Après plusieurs années de silence discographique, la majestueuse "gazelle" malienne revient sur le devant de la scène avec une double compilation intitulée tout simplement Oumou. L’occasion pour Oumou Sangaré d’offrir un florilège de ses meilleurs titres, dont certains inédits qui n’étaient disponibles jusqu’à présent, que sur le marché local.

Depuis 1989, date de la sortie de Moussoulou, première cassette vendue à quelques 200.000 exemplaires, la jeune chanteuse peule n’a cessé de provoquer l’engouement du public grâce à son rôle d’égérie de la femme (africaine). Après quatre enregistrements au service de la cause féminine sans pour autant refuser toutes les traditions, une multitude de concerts internationaux, et le Prix de la musique 2001 de l’Unesco, Oumou Sangaré vient d'être nommée, le 16 octobre dernier, à Rome, ambassadrice de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture). Causerie avec la star malienne à l’heure où sort son cinquième opus.

Votre précédent album remonte à 1996, qu’avez-vous fait pendant sept ans?
C’est vrai que mon nouvel album était très attendu, mais ne croyez pas que j’ai chômé pendant toutes ces années. J’ai d’abord donné énormément de concerts à l’international, dans la sous-région et au Mali. Après ces tournées, j’ai ressenti le besoin de m’arrêter un peu, de rester à la maison. Entre temps, j’ai eu un petit garçon et je ne le voyais pas grandir. Il savait à peine qui était sa maman! Et puis, cette période a été profitable aussi pour que j’investisse chez moi. J’ai fais construire un petit hôtel à Bamako qui s’appelle le Wassoulou, le nom de ma région, au sud du pays.

Oumou est un album collector comprenant 20 titres avec des inédits. Parmi ces derniers, outre des morceaux que l’on ne trouvait que sur cassettes, on découvre quelques remixes de haut vol. Pourquoi cette envie de remixer des versions originales ?
Cette idée de remix est partie simplement d’une demande de la jeunesse malienne et africaine en générale. Il y a toute une génération qui souhaitait pouvoir davantage danser sur ma musique et notamment dans les boîtes de nuits. Je n’arrêtais pas d’entendre : "Oumou, on veut plus bouger sur tes chansons !" J’ai donc essayé de satisfaire mon public tout en me faisant plaisir bien sûr. Il ne faut pas oublier que les jeunes aiment bien les sons remixés, c’est plus dansant en club, c’est vrai !

Côté textes, on connaît votre engagement vis à vis des femmes. Mais sur ce nouvel album, on relève d’autres sujets de société qui vous tiennent à coeur. Pouvez-vous nous en parler ?
Mon combat féministe est toujours au premier plan mais il y a plein de problèmes de société en Afrique, dont j’ai pris conscience et qui m’ont poussée à aborder de nouveaux thèmes. Il y a une chanson qui s’appelle Maladon que l’on pourrait traduire par hospitalité. Je suis frappée par le manque d’hospitalité qui règne en ce moment en Afrique ! Accueillir son prochain faisait partie de la culture et de la tradition africaines. Or aujourd’hui chez nous, il y a des pays qui chassent des personnes sous prétexte qu’elles ne possèdent pas la bonne nationalité. Cela m’indigne ! La notion de l’hospitalité, du partage, c’était quelque chose de typiquement africain. J’insiste là-dessus, car je trouve que ces changements de mentalités doivent nous inciter à réfléchir sérieusement. Que va devenir l’Afrique, si on piétine nos coutumes…

Comment vous expliquez votre succès face à la place prédominante qu’occupent les griottes sur la scène malienne ?
Je pense d’abord que la musique du Wassoulou est à part dans le paysage musical malien. C’est un style à la fois dansant, avec du rythme, et mélodique dans les voix. Ensuite, je chante pour toutes la société malienne quelque que soit la caste. Contrairement aux griottes qui vantent les mérites d’une personne en particulier dans chaque chanson ou qui font les louanges d’une famille de nobles, etc…C’est la grande différence. Cela explique ma popularité au Mali. Je suis très populaire, dans le sens où je touche un large public.

Est-ce que votre travail de militante de la cause féminine commence à porter ses fruits. Autrement dit, est-ce que le rôle de la femme dans la société africaine est en train de changer ?
Si je continue à poursuivre ce combat, c’est parce que je perçois justement un petit changement. Je suis comme Aminata Traoré (ndlr : sociologue et ancienne Ministre de la culture et du tourisme du Mali), une personnalité qui compte chez nous, car elle tente de proposer une autre vision de la société. En ce qui me concerne, au niveau du Mali, par exemple, je vous avoue franchement qu’aujourd’hui on essaie d’écouter la femme, de lui accorder une place plus importante. Bien sûr, elle n’a pas encore la place qu’elle veut et qu’elle mérite. Je côtoie en permanence des dames, que ce soient mes soeurs ou mes mamans et je me rends compte qu’elles deviennent de plus en plus autonomes. Cela prendra du temps, mais je suis optimiste.

Oumou sangaré Oumou (World circuit/Night & Day) 2003
Concerts en France : le 13 novembre au Bataclan (Paris), le 14 novembre à Rouen.