Le nouveau printemps de la musique congolaise
Depuis plus de cinquante ans, la musique des deux Congos (Kin et Brazza) est une référence pour toute l’Afrique. D’un bout à l’autre du continent, au moins trois générations d’ambiançeurs se sont déhanchées aux rythmes de la rumba, puis du soukous et enfin du ndombolo. Toutes ces tendances se retrouvent aujourd’hui dans les bacs via trois générations de musiciens : Kekele, Awilo Longomba et G7.
Trois générations de musiciens.
Depuis plus de cinquante ans, la musique des deux Congos (Kin et Brazza) est une référence pour toute l’Afrique. D’un bout à l’autre du continent, au moins trois générations d’ambiançeurs se sont déhanchées aux rythmes de la rumba, puis du soukous et enfin du ndombolo. Toutes ces tendances se retrouvent aujourd’hui dans les bacs via trois générations de musiciens : Kekele, Awilo Longomba et G7.
Kekele / Congo life (Next Music)
L’élégance de cette formation, à la scène comme en studio, rappelle immanquablement celle des doyens du Buena Vista social Club, devenus stars internationales. Comme leurs lointains cousins cubains, les membres de Kekele forment un all-stars de musiciens qui tous connurent leur heure de gloire dans les trépidants orchestres qui illuminèrent les nuits de Kinshasa des années 60 à 80. Virtuoses de la guitare ou du chant, ils accompagnèrent Franco au sein du «Tout-Puissant Ok Jazz», «Seigneur» Tabuley Rochereau ou encore Pepe Kalle…et donnèrent à la musique congolaise ses lettres de noblesses panafricaines. Mais la comparaison avec la bande des Ibrahim Ferrer ou feu-Compay Segundo ne s’arrête pas là. D’abord parce qu’il existe une parenté évidente entre la Rumba cubaine et sa cadette congolaise. Dès les années 30, les orchestres congolais rivalisent sur des thèmes de cha-cha-cha, de pachanga, de son ou de rumba directement calqués sur les originaux, souvent chantés en espagnol ou en «indoubile» (mélange d’espagnol et de lingala).
La rumba ne s’assume réellement congolaise qu’au tournant des années 50, en endossant notamment l’héritage du likembe ou sanza, piano à pouces traditionneldont les guitares reprennent les mélodieuses arabesques. C’est ce répertoire, qu’ils ont eux-mêmes contribué à édifier, que reprennent Nyboma, Loko Massengo, Syran Mbenza, Wuta Mayi et Bumba Massa, les membres de Kekele. Non sans le revisiter, en le drapant de couleurs acoustiques.
L’accordéon, le violon, la flûte ou les clarinettes font ainsi leur entrée dans un style qui les avait laissés de côté. Cette orientation artistique reprend donc l’essence du genre tout en le renouvelant. Le résultat y perd sans doute quelque peu de l’électricité des dancings kinois, mais y gagne, avec ses arrangements délicats, en rondeur et en sensualité.
Après un premier album tout naturellement appelé Rumba Congoen 2001, qui ouvrit au public occidental la porte d’un passé retrouvé, Kékélé revient avec ce nouvel opus baptisé Congo Life. Les arrangements sont encore plus soignés, servis par des invités tels que le Malgache Régis Gizavo à l’accordéon. Les chansons sont reprises du répertoire personnel des chanteurs de Kekele, à l’exception d’un medley-hommage au mythique orchestre de Franco. Ce morceau, Souvenirs-ok-jazz comporte une composition de Vicky Longomba, dont le rejeton, Awilo, est entré dans le club des figures de la musique congolaise d’aujourd’hui.
En concert parisien le 15 novembre au Bataclan, en première partie d’Africando.
Awilo Longomba / Mandongo (Mélodie)
Né sous l’étoile du Tout-Puissant OK Jazz, Awilo Longomba fit ses premières armes en tant que batteur dans l’orchestre Viva la Musica de Papa Wemba. Il sort en 1995 son premier album solo Moto-Pamba entouré de grands noms de la musique congolaise: Sam Mangwana, Dindo Yogo ou encore Rigo Star. Il s’y montre déjà touche à tout, alternant ou mélangeant les genres: rumba de papa, soukouss et ndombolo naissant…en électron libre de la musique congolaise.
Puis il s’installe en France et s’imbibe comme une éponge d’autres sonorités (la musique électronique est en pleine ascension). Cette tendance à la fusion lui inspire un tube qui fait encore fureur dans les discothèques africaines, Koupé dibamba. La chanson démarre avec cette citation d’Awilo: «Ça c’est de la techno-soukouss! ». S’il ne s’agit pas de la fondation d’un nouveau courant musical, l’expérience est en tout cas inédite et fait un tabac. Dans le même morceau, Awilo s’adoube «propriétaire de tous les dossiers», titre honorifique comme les affectionnent tant les artistes congolais, et qui figure en sous-titre de son dernier album, Mandongo (du nom d’un petit piment aphrodisiaque). Il continue d’y tisser son patchwork musical, flirtant cette fois-ci avec le R’N’B, la house ou encore le compas haïtien. Et si ces dernières péripéties ne lui réussissent pas toujours, l’album compte quelques excellents titres aussi festifs et énergiques que le tube qui fit émerger l’artiste.
G7 / Arrêt cardiaque (Atoll)
Nés à la fin des années 70 au Congo-Brazza, les 10 membres de cette formation sont les benjamins de notre sélection de nouveautés congolaises. Accompagnés de huit jeunes danseurs, les «gnomi-gnomi», le G7 est un des groupes montants de la scène brazzavilloise. Cette année, ils sont nominés dans la catégorie «meilleur groupe d’Afrique centrale» pour les Kora, les Victoires de la Musique africaine. Leurs noms sont aussi évocateurs que «Colonel Zarra Umporio» (chef d’orchestre), «Véro du Paradis» (guitare), ou encore «Effacé le Tableau» (animateur). On sent que ces jeunes gens ont d’avantage été à l’école du grand Mopao, alias Koffi Olomidé, que des pionniers de la rumba. Leurs chansons sont avant tout destinées à faire brûler les pistes de danse à un rythme effréné, à grands renforts de choeurs, de guitares et de synthés qui virevoltent autour d’une batterie déchaînée. C’est le cas d’Oussama (vraiment tu es mauvais) ou encore de Génération 79, morceaux d’une puissance machiavélique… Rien d’étonnant donc, à ce que ce nouvel album soit baptisé Arrêt cardiaque! Mais les frénétiques adeptes du ndombolo n’en oublient pas pour autant le charme puissant de la rumba d’antan. Un héritage auquel le G7 sacrifie et s’adonne langoureusement dans Shabert.
Signe que, sous des habits différents, au fil des époques et des générations, la musique populaire congolaise conserve une profonde unité…et une belle vitalité.
Vladimir Cagnolari