Albin de la Simone et Stremler

Un nouveau venu dans la chanson française, Albin de la Simone, est en tournée sur le Festival "La nouvelle scène sur un plateau" avec ses camarades Thierry Stremler, Pascal Parisot et Julie Delpy. L'occasion pour RFI Musique de brosser le portrait du premier et de chroniquer l'album du second.

'La Nouvelle scène sur un plateau'

Un nouveau venu dans la chanson française, Albin de la Simone, est en tournée sur le Festival "La nouvelle scène sur un plateau" avec ses camarades Thierry Stremler, Pascal Parisot et Julie Delpy. L'occasion pour RFI Musique de brosser le portrait du premier et de chroniquer l'album du second.

On avait déjà repéré Albin de la Simone aux côtés de Boggaerts, Salif Keïta ou Susheela Raman. Le voici désormais avec son premier album solo au devant de la scène. De sa voix cristalline, on prendrait volontiers ce chanteur trentenaire pour le petit frère d'Arthur H : même goût pour le piano et les ambiances foraine ou bastringue… Son univers multicolore et polychrome est bien dans le ton musical du moment.

La Simone est un bras de rivière, affluent de l’Aisne, dans le Nord de la France. Un cours d'eau presque épuisé selon les autochtones, à l’inverse de l’inspiration du pianiste amiénois, Albin, dont les pirouettes musicales n’ont eu de cesse d’émerveiller le landernau de la chanson (Souchon, M, Clara Finster, Clarika), de la world (Salif Keïta) et du n’importe quoi (2b3). Après avoir gravité dans les sphères musicales comme accompagnateur, ce jeune homme de 32 ans décide de s’émanciper : "J’ai fait ce métier pendant un dizaine d’années. Je me suis un peu perdu dans le fait d’accompagner des gens. Quand j’étais ado, je faisais plein de trucs farfelus. J’écrivais, je dessinais et cela, je l’ai complètement perdu au contact de gens pour qui je jouais, des artistes alors que moi je me considérais plus comme un artisan. Et puis un jour en rencontrant des gens comme M ou Mathieu Boogaerts, je me suis rendu compte que eux - des jeunes de ma génération - étaient des artistes qui faisaient vraiment ce qu’ils voulaient. Cela m’a fait un choc et je me suis remis à écrire ce que je voulais pour moi". Ce qui nous vaut un premier album aussi étrange et séduisant que l’est ce petit brun dégingandé. Un univers qui vous mène de l’atmosphère des champs bucoliques de jonquilles à celle poétiques des verts prés normands.

De la clarinette jazzy New Orleans à papa ou des goûts de maman pour les sculptures improbables de Marcel Duchamp, le petit Albin a incontestablement conservé quelques chose dans sa musique. Le banjo bastringue (joué par M) sur Ton pommier ou la plume aléatoire de Elle aime émerveillent d’absurdité. "J’aime que tout n’aille pas dans la même sens, explique Albin. Il me faut toujours compenser un vers triste avec une musique gaie ou l’inverse." Cette ironie constante, cette volonté de rires de soi ou d’être irrévérencieux envers ses aînés se retrouve dans Patricia, chanson en duo avec un certain Souchon. Où Albin attend que "le vieux chnoque passe à la poubelle" pour partir avec la belle. Bien sûr que le vieux chnoque, c’est Alain, admet Albin. "En fait si cette chanson fait aussi allusion au Quand j’serai KO d’Alain, c’est aussi lui qui m’a directement inspiré le personnage de Patricia. Pendant notre dernière tournée, il n’arrêtait pas de hurler ce nom, Patricia, comme un dément. C’était pour rire bien sûr, comme quelqu’un qui est à la recherche de sa muse ou de sa bien aimée perdue… Alors j’ai décidé d’écrire sur ce personnage et de demander à Alain de venir chanter en duo".

Si on rit beaucoup sur cet album ce sont, sans doute, les chansons les plus graves qui attirent l’oreille comme ce Pommier morbide et mortifère : "Couché mort dans l’herbe rase / noir, sec et racorni / Abattu pour l’exemple / les pommiers ne sont pas faits pour que l’on s’y pende" : "J’ai du mal à appréhender les choses de face et cette chanson parle évidemment du suicide. En fait, je ne voyais pas comment aborder de front cette histoire terrible. Et c’est ainsi que je chante l’état physique et presque psychologique de l’arbre alors qu’en fait, il s’agit de la personne qui s’y est pendu". La tristesse qui nimbe la voix et les notes d’Albin de la Simone, on les retrouve avec délectation dans la reprise qui conclut ce premier album : Amour, amitié, une chanson de Pierre Vassiliu qu’Albin croisait sur scène lorsqu’il accompagnait sa première partie, Clara Finster : "C’est rare que l’on reste pour suivre le concert de l’artiste qui vient derrière. Mais là, tous les soirs, j’attendais la moitié du concert que Pierre joue cette chanson seul à la guitare. Je trouvais cette chanson tellement belle que lorsqu’on a pensé à une reprise je n’ai pas hésité une seule seconde".

Le temps où cet artiste prolifique enregistrait des bandes play-back pour les 2 Be 3 paraît bien révolu. "A l’époque, il ne s’agissait même pas de faire bouillir la marmite mais déjà de l’allumer !" rigole t-il. "Maintenant, les gens avec lesquels je bosse me conviennent et surtout je leur conviens. Il y a une sorte de hasard heureux, une attirance commune des uns pour les autres. Je pense donc que je vais continuer à jouer pour eux". La prochaine fois que vous irez voir Souchon en concert, tendez bien l’oreille vers le piano ou vers la scène… Au milieu coule une rivière de notes appelée La Simone.


Thierry Stremler

Echappé, comme son collègue guitariste Sébastien Martel, du groupe Vercoquin, où il dispensait ses élucubrations sur le mode funk-pop, Thierry Stremler n’a pas attendu la soi disant émergence d’une "nouvelle chanson française", relevée par certains médias, pour bricoler ses ritournelles à textes.

Auteur il y a un peu plus de deux ans d’un premier album remarqué (Tout est relatif), présenté notamment en première partie d’Alain Souchon au Zénith de Paris, Stremler récidive avec Merci pour l’enquête. Plus flamboyante que les accents pop intimistes de sa première sortie, cette livraison se pose en authentique "album de variété", comme l’indique ironiquement le sticker de couverture. Une variété aux relents 70’s, avec nappes de chœurs un brin désuètes, ligne de basses sautillantes et force envolées de cordes… Soit un écrin presque anachronique pour ce Stremler cuvée 2003, tant les ambiances post pompidoliennes de certaines orchestrations semblent parfois sorties d’un plateau des Carpentier … Un comble pour un artiste lancé par Solid, le label électro d’Etienne De Crécy !

Sauf que Stremler, dandy ludique à l’élégance gauche, cultive un art consommé du décalage. De la même manière que, pince sans rire, il se permet sur scène d’apostropher son public à grands coups de "allez chante, société !", il possède suffisamment de légèreté et de nonchalance pour ne pas faire de Merci pour l’enquête une simple faute de goût ou un disque hors sujet. Et si ce parti pris artistique peut effectivement déconcerter, il cimente néanmoins ce nouvel opus, plus rythmé et ouvert que son prédécesseur. Pas extravagant, malgré ses arrangements ampoulés, mais formellement éclectique, Merci pour l’enquête navigue ainsi entre ballades sentimentales ( le très gainsbourien tout ce qui me vient de toi ), protest song du pauvre ("la société") ou comptine yé-yé (J’ai pas le temps). Le tout teinté d’une bonne dose de second degré et d’un flegme raffiné en guise de marque de fabrique, qui font oublier une voix un peu pâle.

Moins lunaire qu’un Boogaerts ou charismatique que son camarade M, (qui assurait les parties de guitare et la réalisations de certains titres de Tout est relatif) Thierry Stremler n’en signe pas moins avec Merci pour l’enquête un nouvel album aussi honnête que recommandable. Une "nouvelle chanson française" old school, et donc par définition hors mode.

Loïc Bussières


 

 

Albin de la Simone (Virgin) 2003
Thierry Stremler Merci pour l’enquête (Source/Virgin) 2003