Cheick Tidiane Seck solo
Cheick Tidiane Seck, ce claviériste malien qui a joué dans le Super Rail Band de Bamako avec Salif Keita et Mory Kante au cours des années 70, a été de toutes les aventures de la musique mandingue et un des précurseurs de la fameuse sono mondiale. Il vient de sortir à 50 ans son premier opus, MandinGroove, dans lequel il part à la rencontre des musiques qui ont forgé son identité.
MandinGroove, synthèse d’une vie de musicien
Cheick Tidiane Seck, ce claviériste malien qui a joué dans le Super Rail Band de Bamako avec Salif Keita et Mory Kante au cours des années 70, a été de toutes les aventures de la musique mandingue et un des précurseurs de la fameuse sono mondiale. Il vient de sortir à 50 ans son premier opus, MandinGroove, dans lequel il part à la rencontre des musiques qui ont forgé son identité.
Trente ans de carrière à jouer comme accompagnateur derrière les autres. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour un premier album solo ?
Je ne m’étais jamais mis dans la peau d’un artiste qui revendique une personnalité. Je la vouais aux autres, à ce que je pouvais leur apporter en tant qu’arrangeur ou instrumentiste en faisant des mélanges qui me donnaient de l’émotion. Tous les musiciens qui m’ont côtoyé m’ont encouragé à faire cet album et finalement c’est un disque qui reflète tout ce qui me reste de ces années de rencontres. C’est ce qui est en moi : mon identité, mes influences, du Super Rail Band au jazz avec Hank Jones ou Ornette Coleman, en passant par ces rencontres avec les Gnaouas ou l’avant-garde des scènes new-yorkaise et londonienne.
Vous appelez cette musique le "MandinGroove"…
J’ai apporté un parfum des années 70 dans l’écriture, tout en restant actuel. J’ai adapté le jeu de "ndoum ndoum" (percussions : ndlr) que j’ai transposé pour la batterie. C’est ce qui fait cette ambiance funk-groove que j’appelle MandinGroove. Pour moi, Malinké ayant beaucoup voyagé, c’est vraiment la synthèse de toutes mes vies de musicien. J’ai enregistré l’album durant quatre années, entre Paris, New York et Los Angeles, partant retrouver mes amis pour montrer toute la diversité des courants musicaux que j’ai traversés, qu’ils soient asiatiques, arabes ou afro-américains… J’ai joué sur beaucoup de tableaux, j’ai même fait du piano-bar sur les Champs-Elysées dans les années 70.
Votre album commence par une reprise d’un morceau que vous jouiez avec le Super Rail Band de Bamako, M’Baoudi. C’est un retour aux sources ?
Beaucoup de gens pensent que c’est un morceau original du Rail Band, mais c’est en fait un morceau traditionnel qui parle de spiritualité et de sorcellerie. C’est un hommage à toutes les grandes figures de l’Afrique de l’Ouest. J’ai réarrangé ce morceau en lui apportant le chant de Calcutta. J’ai observé là-bas la façon de vivre des hindous, qui me rappelle un peu l’Afrique avec le village, la famille. J’avais un ami chanteur baul et je lui ai traduit le sens de M’Baoudi qu’il a interprété en hindi.
Au cours de votre longue carrière vous avez enseigné à l’université de UCLA à Los Angeles. Qu’avez-vous appris à vos étudiants ?
J’y ai enseigné mon concept de la musique à travers ce que j’imaginais à l’époque de Tellem et de Soundiata Keïta. J’ai essayé d’établir un pont entre l’Afrique et l’Amérique, en montrant tout ce que les esclaves partis de nos côtes ont apporté comme rythmes dans les plantations ou lors de la construction des chemins de fer avec leurs Work Songs. Mon enseignement consistait à expliquer comment les artistes jouaient à cette époque-là. Certains étaient ethnomusicologues, d’autres issus de classes de jazz. Ils étaient tous séduits par ces cours sur les musiques ouest africaines et leurs rencontres avec le jazz. J’ai livré mon expérience, puisque j’ai aussi bien joué le high-life ghanéen, l’afro-beat nigérian avec Fela ou le ziglibiti ivoirien avec Ernesto Djédjé, que le rock à la manière de Jimi Hendrix ou le gospel et le rythm’n blues…
Vous faites également des musiques de films. C’est une évasion ?
Cela me réconcilie avec mon passé de peintre. Chaque fois que je dois faire une musique de film, c’est un voyage où la musique allie couleurs et espaces. Je me permets beaucoup plus de liberté que lorsque je dois faire une chanson. J’ai fait pas mal de longs métrages, dont un a été premier prix du Fespaco (Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou) ainsi que des courts métrages. J’ai eu aussi une vie où j’étais beaucoup dans les musiques de pub : j’ai interprété Oncle Ben, Hollywood Chewing-gum et récemment SOS Sahel.
Peut-on envisager un jour une reformation du Super Rail Band ou des Ambassadeurs ?
Ce serait un rêve tellement géant si les autres étaient partants pour reconduire ces groupes le temps d’un album ou d’une tournée. Moi, je suis prêt. Je connais tout le répertoire par coeur.
Cheick Tidiane Seck MandinGroove (Universal Jazz) 2003