VU D’AILLEURS Novembre 2003

Vieille Europe ? En France, en tout cas, le troisième âge se porte comme un charme. Prenez Henri Salvador, par exemple. Remis en scelle par Chambre avec vue, en 2001, le vieux crooner a séduit tous les publics. Fort d’un accueil hors du commun (près de 2 million de ventes dans le monde), le bel Henri, un rien cabotin, publie un nouvel album tout en langueurs : Ma chère et tendre (Source/EMI). Dans le quotidien belge La Dernière Heure (28/10), Monsieur Henri dit tout le bien qu’il pense de lui-même («Je suis un grand interprète») et règle ses comptes avec Benjamin Biolay, co-auteur du précédent CD, même si deux titres composés avec Keren An figurent sur Ma chère et tendre : «Je trouve (…) qu’il a mal agi. Il a été dire partout qu’il m’avait ressuscité, alors que, sans moi, Jardin d’hiver n’aurait probablement pas été un succès. Keren An - le talent, c’est elle! - l’avait d’ailleurs déjà chanté et ça n’avait pas vendu beaucoup. Biolay, ses disques à lui et ceux qu’il fait pour les autres, on ne peut pas dire qu’ils marchent très fort… Sans Salvador, ça ne donne rien! (rire) Si j’ai composé la majorité des musiques de ce nouvel album, c’est en partie pour ne plus que des gens comme lui tirent ainsi la couverture à eux.» Même souriant, le crocodile peut avoir la dent dure.

Testée et approuvée, la formule Salvador (le mariage en chansons d’un interprète de légende et de la nouvelle vague d’auteurs compositeurs français) est ce mois-ci reprise par Juliette Gréco. Avec Aimez-vous les uns les autres ou bien disparaissez (Polydor), «tels Brassens, Gainsbourg ou Prévert-Kosma en leur temps, ils se sont offerts tout entiers à Juliette Gréco pour lui composer un nouvel album digne d’elle: les fleurons de la chanson française d’aujourd’hui, Benjamin Biolay, Christophe Miossec, Gérard Manset, mais aussi des écrivains, Jean Rouaud et Marie Nimier, et le réalisateur d’Alain Bashung, Jean Lamoot», écrit le journal québécois Le Devoir (15/11). «Alliés aux fidèles Jean-Claude Carrière et Gérard Jouannest, ils ont donné à l’interprète de 76 ans ce qu’elle a toujours exigé de ceux qu’elle aime: des bouffées d’air frais pour nourrir le feu.» En tout, «quatorze chansons pour ma pomme», s’amuse l’éternelle figure de Saint-Germain-des-Prés dans Voir, l’hebdomadaire culturel du Québec.

La presse allemande s’intéresse aussi beaucoup à la résurrection de celle que le Stuttgarter Zeitung, dans son édition du 17 novembre, qualifie de «Grande Dame de la Chanson» et de «muse de l’existentialisme», tandis que le Kölnische Rundschau (Allemagne, 17/11) et le Tageblatt (Luxembourg, 2/11) s’extasient devant la vigueur des «patriarches de la chanson française», d’Enrico Macias à Salvatore Adamo (qui fête ses 60 ans avec un nouvel album, Zanzibar), de Serge Reggiani à Charles Aznavour, de Juliette Gréco à Henri Salvador. Dans la foulée de son retour discographique, Juliette Gréco remontera en février 2004 sur les planches de l’Olympia de Paris. Deux mythes pour le prix d’un !