Bojan Z au-delà des océans

Dix ans après son premier album, le pianiste de jazz Boyan Zulfikarpasic, dit Bojan Z, traverse à nouveau l’Atlantique avec son trio et en revient avec un nouvel album, Transpacifik. En toute logique…

Enregistrement à New York

Dix ans après son premier album, le pianiste de jazz Boyan Zulfikarpasic, dit Bojan Z, traverse à nouveau l’Atlantique avec son trio et en revient avec un nouvel album, Transpacifik. En toute logique…

Depuis son magistral album Solobsession sorti en 2001, Boyan Z est considéré unanimement comme l’un des meilleurs pianistes européens de sa génération. En pleine possession de son art, qu’allait-il encore pouvoir nous offrir après ce dernier chef d’œuvre ? Aucune déception avec Transpacifik : neuf compositions signées Bojan Z plus un hommage à Duke Ellington, Purple Gazelle inspirée d'Angelica. C’est toute l’énergie incroyable du pianiste que l’on retrouve, pour une musique excessivement émotive, passant en revue toutes la palette de nos sentiments : la délicate mélancolie des musiques de l’Est avec le déchirant Bulgarska, inspiré du traditionnel bulgare Tche da ti kupim bela seitsa, la gaieté espiègle et provocatrice de The Joker, sans oublier le lyrisme de Z-Rays. Si l’artiste est absolument inspiré, Transpacifik, c’est avant tout l’alchimie parfaite d’un trio qu'il forme avec l’Afro-Américain Nashett Waitts à la batterie et le contrebassiste Scott Colley (Herbie Hancock, Chris Potter) dont l’expression patibulaire et le crane chauve n’ont d’égal que l’allure de Bojan. En ce jour d’octobre, avec la Tour Eiffel dans les mirettes de ses yeux clairs, il nous raconte cette aventure. En solo.

En quinze ans de musique et cinq album, tu n'avais jamais enregistré en trio alors que les musiciens de jazz commencent souvent par là ?
C’est vrai. Etonnement, je n’ai pas démarré en trio, mais en quartet et puis il y a eu le solo, et puis enfin le trio ! C’est vrai que c’est un passage obligé, un grand classique. Lorsque nous avons démarré ce projet avec Pierre Walfisz de Label bleu, j’ai tout de suite pensé à Scott Colley que j’avais croisé et entendu sur des festivals. Pierre lui, m’a proposé Nasheet Waitts que je ne connaissais pas. C’est vraiment un travail d’équipe.

Etais-tu retourné à New York depuis l’enregistrement de ton premier album en 93 avec Julien Lourau aux saxophones ?
Non et je n’en avais pas spécialement envie. Je voyage en Europe, au Magrheb, je suis curieux de toutes les cultures et franchement je préfère le tajine au MacDo ! Et puis, moi, je suis d’origine yougoslave, en France depuis 1988, et maintenant français. Comme beaucoup d’Européens, je ne me sens pas en phase avec l’Amérique de George Bush, et c’est peut-être au moment où j’avais le moins de curiosité pour les Etats-Unis que je me retrouve à partir à New York. C’était finalement le bon moment, parce que j’étais enfermé dans une image stéréotypée de l’Amérique et évidemment, la réalité est autrement plus complexe. J’ai rencontré des hommes et des femmes qui eux aussi ne se sentent pas en phase avec Bush. Je ne sombrerai pas dans un américanisme primaire.

Comment s’est passé l’enregistrement ?
Je suis extrêmement reconnaissant à Scott et Nasheet, qui sont complètement entrés dans mes propositions. Ils avaient bien reçu les compositions à l’avance, mais la musique sur le papier, c’est la promesse de la promesse. C’est une fois en studio qu’on crée ensemble, pas avant.

Ecris-tu facilement ?
J’ai la chance de faire la musique que j’aime et d’en vivre, et quand je fais un album c’est parce que je suis prêt à enregistrer la musique que j’entends. Là, j’avais les morceaux que je voulais vraiment enregistrer. Mais je n’écris pas facilement. La composition c’est toujours douloureux, et puis je suis très exigeant. Je jette !

Tu joues sur ton piano Faziolli, et aussi sur un Fender Rhodes, c’est tendance ?
J’ai mon Fender Rhodes personnel depuis toujours et d’ailleurs j'en jouais déjà sur mon premier album. C’est vrai que c’est un son très particulier qui revient, qui est d’une certaine façon à la mode. Mais à l’enregistrement, j’avais les deux en même temps et je cherchais. Ce n’est pas au moment de l’écriture que je décide si je joue tel ou tel morceau au Fender ou au piano. Et puis avec une main droite et une main gauche, les instruments sont possibles sur tous les morceaux !

Joues-tu tous les jours ?
Oui ! Sauf impossibilité totale. J’en ai vraiment besoin, ce n’est pas une posture, une obligation de travailler mon instrument, c’est absolument vital. Et ça me calme…

Bojan Z Transpacifik (Label Bleu) 2003