Jean-Louis Brossard
1979 : la scène rennaise est en pleine ébullition, quelques passionnés se jettent à l’eau et créent les rencontres Trans-musicales, festival curieux et éclectique. 25 ans après avoir initié l’esprit "Trans", entretien avec Jean-louis BROSSARD, directeur de la programmation du festival. Entre fierté et nostalgie, l’envie de garder le nez au vent demeure intacte.
Directeur de la programmation des Trans
1979 : la scène rennaise est en pleine ébullition, quelques passionnés se jettent à l’eau et créent les rencontres Trans-musicales, festival curieux et éclectique. 25 ans après avoir initié l’esprit "Trans", entretien avec Jean-louis BROSSARD, directeur de la programmation du festival. Entre fierté et nostalgie, l’envie de garder le nez au vent demeure intacte.
25ème édition des Transmusicales, une date anniversaire qui compte dans la vie d’un festival...
En fait, je ne suis pas trop anniversaire. Mais c’est vrai qu’il y avait une grosse pression. Nous avions déjà marqué le coup pour le 10ème et le 20ème anniversaire, et cette année nous avons choisi d’ouvrir le festival avec une soirée spéciale, jeudi soir, au Liberté. Parmi les artistes, certains qui avaient vraiment envie d’être là, comme Stéphan Eicher. Cela faisait longtemps qu’il m’avait dit : "Jean-Louis, si un jour tu fais quelque chose, moi ça me plairait bien". Daniel Waro (chanteur réunionnais qui fait du maloya NDLR): pour moi, c’est un des meilleurs chanteurs au monde. Même s’il reste assez méconnu, c’est vraiment un type formidable. Arno aussi, qui a traversé trois fois l’histoire du festival dans les années 80, et les Beru !
Justement, comment est venue l’idée d’organiser ce retour des Berurier Noir ?
Un peu par hasard, après un coup de téléphone de Farid leur manager cet été. Il était à la recherche d’images pour réaliser un DVD sur l’histoire du groupe, on lui a donné quelques contacts. J’en ai profité pour lui glisser au passage que le 4 décembre, on organisait une soirée anniversaire, et que si les Beru avaient envie de faire quelque chose, ils étaient les bienvenus. Voilà stop. Et début septembre, coup de téléphone de François le chanteur, qui m’appelle pour me dire : "ça nous intéresse, on a envie de faire les Trans, on voit cela avec Loran (le guitariste) et Masto (le saxophoniste), si la magie est toujours là, on fait le concert". Une semaine plus tard c’était OK. Sur Internet, l’info a fait boule de neige, on n’avait pas annoncé le programme définitif que la soirée était déjà complète !
On est vraiment loin de l’organisation de la première édition en 79…
A l’époque, nous avions une association qui s’appelait Terrapin et on organisait à Rennes tout au long de l’année des concerts avec des groupes comme Magma, Téléphone... Les comptes étaient toujours dans le rouge! Mais une véritable énergie rock était palpable dans la ville. Les premières rencontres des Transmusicales de Rennes sont nées en juin 79, deux jours de concert sur la scène de la Cité.
On avait décidé de montrer une douzaine de groupes rennais dans des styles très différents : Anche Too doo cool par exemple, un duo de saxophonistes, Marquis de Sade, le groupe emblématique de la ville, il y avait même Etienne Daho, qui, avant de s’appeler Daho junior, jouait avec un autre groupe: Entre les 2 fils dénudés de la Dynamo. La participation aux frais était libre, et en faisant les comptes à la fin, cela faisait 3,33 francs par personne, on comptait sur 10 francs! Mais le bilan de cette première édition a vraiment été positif : 2400 spectateurs sur les deux jours, un bel article dans Ouest-France, un très beau papier dans Libé. C’était vraiment bien parce que ça positionnait aussi Rennes comme une ville rock.
Très vite, les Trans sont sorties du strict cadre de la scène régionale, le festival a acquis une notoriété...
Oui, la première édition, c’est vrai, était complètement Rennaise. Puis on a ouvert sur la Bretagne, la France. Les parisiens ont commencé à venir à Rennes, ce n’était pas loin ; les maisons de disque aussi... Les gens se sont aperçus qu’il y avait un festival, on recevait beaucoup de choses, on se passait des disques. Je crois que c’est à partir de 87 que la ville de Rennes à commencé à nous donner des subventions, et c’est ce qui nous a permis d’aller plus loin, de faire venir des groupes d’Angleterre, des Etats-Unis. Cette année là, On a fait venir Fishbone. On leur donnait un cachet de 3000 francs seulement pour 10 mecs, mais par contre, on payait les 10 billets aller-retour Los Angeles-Paris, et on venait les chercher en minibus à Paris.
Avec l’avènement du Hip Hop, et la montée en puissance de l’électronique au début des années 90, le festival a vraiment été perçu comme un rendez vous des nouvelles tendances. On a fait les premières raves, puis les soirées Planète... Quand on a commencé à faire venir des rappeurs et des DJ’s, certains se sont dits "Mon dieu, y’a plus de rock, les Trans c’est un festival techno!". Ce qui était faux d’ailleurs. Il y a des périodes plus ou moins rock, mais les nouvelles tendances, les musiques du monde ont toujours été présentes.
Certains festivals, peut être victimes de leur succès ou de leurs contraintes financières, favorisent de plus en plus les grosses têtes d’affiches. En revanche, les Trans ont su garder ce côté "défricheur". Est-ce plus difficile aujourd’hui qu’il y a 20 ans ?
Je ne sais pas, la programmation est toujours assez difficile, dans la mesure où je vais chercher des choses. Je ne peux pas me mettre dans un moule. Tel groupe est en promo, où alors la tournée européenne débute en novembre... Ca ne je ne sais pas faire. Pratiquement tous les groupes qui viennent aux Trans, à part un ou deux parce qu’on va monter des dates autour pour des producteurs étrangers, ne viennent que pour les Trans. Il y a trois ans encore, un mois avant le festival, je faisais des séances d’écoute avec des journalistes de la presse spécialisée musicale pour leur faire découvrir la programmation. Je n’ai pas eu besoin de faire ça cette année, mais je sais que les chinois ne connaissent pas le groupe chinois, et que la moitié de ma programmation, c’est du CDR.
Décider de a à z c’est ce qui m’importe, montrer l’originalité, l’authenticité des artistes. Je pense que c’est cela le plus important pour que le public suive, surtout aux Trans. L’année dernière on a fait 25000 personnes sur des inconnus ou presque. Le public qui vient est surpris et ça lui plaît. C’est à dire que quelque part on le scotche. Si c’est juste pour programmer des groupes parce qu’ils sont inconnus, les gens ne reviennent pas.
25 ans de concerts, de rencontres, de découvertes, y-a t-il des instants qui vous ont marqué davantage que les autres ?
Tout de suite, là comme çà, je pense à la première rave des Trans, en 92 avec Underground résistance, c’était quand même assez incroyable. Parce qu’en fin de compte, j’ai découvert la Techno en même temps que le public ce jour là. Car pendant le festival, j’adore être dans le public. Je m’interdis le plus souvent d’aller dans les salles pendant les répétitions, je veux garder un regard neuf lorsque les artistes jouent sur scène, comme le public.
Autre grand moment qui me vient à l’esprit, "La Fiesta Berurière" en 86, un truc super. Ca se passait à la Cité. Dans la salle, c’était quelque chose d’incroyable. Il y avait les Washington Dead Cats en première partie qui balançaient des poireaux et de la farine sur le public, ça faisait partie de leur jeux de scène. Quand on avait loué la salle, on avait été obligés de payer pour faire enlever des rangées de fauteuils. Après le passage des Beru justement, il a fallu payer pour en acheter des nouveaux !