Patricia Kaas

Après l’album Piano bar, exercice de style dicté par le cinéma, Patricia Kaas signe son retour aux affaires sur le mode électrique. Avec Sexe fort, sa septième sortie studio, la Lorraine, d’ordinaire plus réservée sur disque que sur scène, livre une nouvelle collection de titres taillés dans le rock, secondée par les ténors de la variété française.

Sexe fort

Après l’album Piano bar, exercice de style dicté par le cinéma, Patricia Kaas signe son retour aux affaires sur le mode électrique. Avec Sexe fort, sa septième sortie studio, la Lorraine, d’ordinaire plus réservée sur disque que sur scène, livre une nouvelle collection de titres taillés dans le rock, secondée par les ténors de la variété française.

On avait quitté Patricia Kaas apprentie actrice chez Lelouch, reprenant de sa voix rauque les standards en version piano bar… Pour son retour discographique, la demoiselle de Forbach ne chante plus le blues des clubs feutrés, mais opte pour une formule un rien plus remuante ! Exit les univers vaporeux empruntés au film And now ... Ladies and gentlemen : Sexe fort, le Kaas nouveau se veut, à l’image de son titre en forme de déclaration d’intention plus ouvertement brut. Tout au moins direct et énergique. Une façon de faire écho au caractère de la dame - lui aussi inflexible -, et surtout de traduire sur disque un capital énergie souvent plus en exergue sur scène.

La tonalité est donc volontiers plus rock qu’à l’accoutumée, un rock qui reste néanmoins relativement sage. Car si les riffs se font électriques, et les guitares saturées, Sexe fort ne marque pas à proprement parler de bouleversement stylistique chez la chanteuse, fidèle à une variété toujours fédératrice à défaut d’être vraiment surprenante. Musclé mais poli ; rythmé et consensuel, ce septième album studio alterne ballades bluesy (Je ne veux plus te pardonner) et ritournelles électrifiées (Une question de temps) avec un rendement impeccable et une efficacité qui ne doit rien au hasard…

L’artiste, qui en plus de son talent vocal indéniable possède aussi celui de savoir s’entourer, a en effet loué pour l’occasion les services d’une "dream team" de la chanson : au total plus d’une vingtaine d’auteurs et compositeurs pour un générique en forme de "hall of fame" de la variété hexagonale ! Aux habitués de la galaxie Kaas (ses "mecs à elle" : Jean-Jacques Goldman, Pascal Obispo et François Bernhein, le complice des débuts) s’ajoutent Francis Cabrel ou Etienne Roda Gil, qui signent chacun un texte. Renaud, pourtant peu habitué à louer sa plume, range momentanément sa gouaille fleurie pour livrer La nuit est mauve, élégante déclaration taillée sur mesure pour la fille de l’est. L’ex-Téléphone Louis Bertignac, tout auréolé du succès de Carla Bruni, avec qui il a également collaboré, plaque ci et là quelques accords… La copie rendue par Kaas, coutumière des chiffres de vente à six zéros, flirte peu avec le risque, avec ses airs de passeport pour le succès.

On aurait néanmoins tort de ne voir dans Sexe fort qu’une enfilade inepte de tubes potentiels, une simple machine de guerre artistico-commerciale. Cette nouvelle sortie compense en effet le manque d’audace manifeste par une sensibilité du même métal. Féminin, délicat, intimiste malgré une forme relativement rythmée, Sexe fort fait la part belle aux thèmes personnels (Je le garde pour toi), quitte à mettre au jour des cicatrices profondes (Ma blessure et J’en tremblerai encore évoquent tour à tour sa mère et son frère disparu). Des moments de fragilité dispensés de voix de maître, et qui éclipsent les quelques facilités de l’album. Comme cet Abbé caillou, hommage convenu au fondateur d’Emmaüs, qui partage avec Kaas un abonnement aux places de choix du classement des personnalités les plus appréciées des français (classement effectué tous les six mois par le Journal du Dimanche). Ou On pourrait, duo inattendu entre la chanteuse néo-Zurichoise et l’Helvète errant Stephan Eicher - lequel semble d’ailleurs confirmer l’orientation grand public prise depuis son dernier opus. Les mauvaises langues trouveront à redire sur le caractère opportuniste de ce couple d’un titre (les deux artistes font manager commun…), mais On pourrait, ballade rock FM à base guitares gentiment rageuses, orchestrée par Jean-Jacques Goldman, n’a néanmoins rien de franchement bancal.

A l’image d’un album au conformisme avéré, mais redoutable d’efficacité. La mécanique est précise, maîtrisée. Le résultat convaincant sans être extravagant. C’est peut-être là la force de Patricia Kaas : parvenir à convaincre sans vraiment surprendre !

Patricia Kaas Sexe fort (Columbia) 2003