LE SOLO DE SYLVAIN LUC
John McLaughlin et Pat Metheny ne tarissent pas d’éloges à son égard. Sorti de l’ombre des studios, le guitariste de jazz Sylvain Luc s’offre en solo pour la seconde fois de sa carrière. Neuf ans après Piaia, Ambre est un album impressionniste, un auto-portrait sensible de l’artiste. Rencontre.
Ambre et lumière
John McLaughlin et Pat Metheny ne tarissent pas d’éloges à son égard. Sorti de l’ombre des studios, le guitariste de jazz Sylvain Luc s’offre en solo pour la seconde fois de sa carrière. Neuf ans après Piaia, Ambre est un album impressionniste, un auto-portrait sensible de l’artiste. Rencontre.
Douze titres comme autant de couleurs chaudes, du jaune d’or au rouge orangé, c’est le cocktail délicatement nuancé proposé par Sylvain Luc. Quelques reprises, dont le terriblement swing All Blues de Miles, des compositions douces et sensuelles comme Ambre, titre éponyme de l’album, des mélodies basques de son enfance, ou encore l'étonnant Gentil coquelicot, chansonnette bien de chez nous. Ambre n’est pas un album concept, plutôt une série de petites toiles de maîtres, petites dans leur format mais riches dans leurs compositions.
Après avoir beaucoup accompagné les autres (Catherine Lara, Moustaki, Dee Dee Bridgewater, Françoise Hardy, Lokua Kanza,) Sylvain Luc décide ici de s’accompagner lui-même. Résultat : une polyphonie de guitares. Guitare, guitare basse mais aussi guitare frappée ou grattée qui devient percussion. C’est ainsi que le musicien retrouve l’exercice acrobatique du solo, délaissant momentanément ses complices du trio Sud, André Céccarelli et Jean-Marc Jafet, avec qui il a déjà beaucoup tourné lors d’une centaine de concerts.
Mais Sylvain Luc est incorrigiblement curieux de la musique des autres, et ses goûts sont très éclectiques. Cela explique la multiplicité de ses expériences musicales. Monté à Paris en 1988 de son pays basque natal, il croise Richard Galliano et Francis Lassus, les premiers à l’encourager. Tandis qu’il prépare sa maîtrise de guitare classique, il accompagne le chanteur argentin Jaïro, mais aussi Philippe Léotard ou Romain Didier. Happé par le milieu du jazz qui le premier a identifié son talent, il remplace Louis Winsberg dans le groupe accompagnant le trompettiste Eric le Lann. Mais la liste des artistes rencontrés serait trop longue !
Aujourd’hui, Sylvain Luc sort du lot et cartonne en solo avec un album unanimement salué par la presse. Une invitation naturelle à s’interroger sur l’essence même de l’artiste. Yeux pétillants et joues encore rondes, Sylvain Luc répond sérieusement à nos questions sans se prendre au sérieux.
Plusieurs titres font référence à vos racines basque et à votre enfance : Omenaldi ou Berceuse basque. S'agit-il d'une redécouverte de votre culture ?
C’est un peu un hommage à ma terre natale. C’est là que j’ai commencé la musique, première guitare à cinq ans, premier disque à dix ans, c’est une tradition familiale ! D’ailleurs le disque s’appelait El Garekin, ce qui signifie "ensemble". C’était de la musique traditionnelle. Mais je n’avais pas choisi et comme tout être humain, j’étais animé par des rêves de liberté comme celui de partir, monter à Paris, faire le conservatoire ou encore jouer avec Miles Davis !
Vous êtes monté à Paris, vous avez fait une école de guitare, avez-vous joué avec Miles Davis ?
Non, mais je l’ai vu jouer une fois, un grand monsieur, j’aimais son arrogance ! En temps que musicien noir américain, il a dû se battre toute sa vie pour son art…c’est un artiste d’une élégance immense, il a su être dans toutes les époques qu’il a traversées.
Qu'avez-vous appris du grand nombre de chanteurs français que vous avez accompagnés ?
Beaucoup ! Avec Catherine Lara qui est devenue une amie, j’ai partagé ce plaisir enfantin de jouer de la musique. Catherine est une grande musicienne et notre amitié perdure. J’ai appris à m’adapter, à mettre en lumière tous ces grands noms. Lorsque je suis parti au pied levé en Allemagne accompagner Moustaki, j’étais impressionné par les salles combles, les gens connaissaient ses chansons par cœur : un choc ! Mais le premier à m’avoir sollicité, c’est Jaïro en 1988, et là je suis tombé de haut. J’ai dû me mettre au tango. Moi je ne connaissais que Les jardins du ciel et c’était très commercial. Et puis ensuite, j’ai rencontré Astor Piazzola…
Avec cet album Ambre, on a le sentiment que vous vous découvrez, que pour une fois, vous osez être en première ligne ?
J’aurais mis du temps… j’avais déjà tenté l’aventure solo avec mon premier album, mais c’était poussé par Bertrand Richard du label Transat. Il m’avait vu joué avec Sylvain Marc de la fusion jazz rock… mais c’était en toute inconscience de ma part. C’est vrai que j’ai mis du temps à assumer quelque chose de personnel. C’est angoissant !
Vous laissez tomber le cliché qui vous colle à la peau, celui de guitariste de jazz surdoué ?
J’espère être un musicien. Mes compositions sur cet album sont des improvisations, toutes, je n’avais rien écris. Toutes ces années sur les routes m’ont offert mon bien le plus précieux, les rencontres. Je me souviens du bonheur de jouer avec un flûtiste au Bangladesh, avec un joueur de flûte de pan à la Paz. Je sais aussi que j’ai appris la géographie et la poésie du monde à Paris. Avec Lokua Kanza, Paco Séri, en jouant avec les fils de Francis Bebey ou encore les frères Belmondo.
Ambre de Sylvain Luc est chez Dreyfus Jazz