La Kora de Ba Cissoko

Leader d’un quartet guinéen remarqué sur scène, le joueur de kora et chanteur Ba Cissoko a enregistré en compagnie de ses musiciens Sabolan , un premier album produit par le Malgache Tao Ravao.

Premier véritable album du musicien guinéen

Leader d’un quartet guinéen remarqué sur scène, le joueur de kora et chanteur Ba Cissoko a enregistré en compagnie de ses musiciens Sabolan , un premier album produit par le Malgache Tao Ravao.

Sabolan, premier opus de Ba Cissoko questionne notre vision de la kora. Instrument phare de la culture mandingue, cette calebasse sur laquelle sont tendues 21 cordes, accompagne les épopées de cet immense empire créé au XIIème siècle par Sundjata Keïta.Popularisées en Occident au milieu des années 80 par les succès des Mory Kanté (Yéké Yéké…), les sonorités cristallines de la kora nous sont désormais familières. Mais rarement auparavant, elles n’avaient été ainsi "bardée d’effets" comme le précise au coeur du livret le journaliste Rémy Kolpa Kopoul, avant de souligner "les riffs quasi-Hendrixiens" du jeune Sekou Kouyaté. Cousin de Ba Cissoko et fils du maître M’Bady Kouyaté, Sekou âgé d’à peine18 ans, est un phénomène en passe de révolutionner l’univers musical de cette harpe mandingue. Si ce premier album, à la différence de leurs tonitruants concerts, ne permet pas encore de saisir toute la force de cette mutation, il en dessine tout de même les grandes lignes, entre tradition et modernité, en plongeant leur répertoire dans un jus urbain.

De Kandara à Conakry

Enregistré cet été en une semaine au Studio Petit Mas à Martigues, et produit par Marabi, le label de Christian Mousset, Sabolan reflète par son fourmillement créatif, l’histoire mouvementée de cette formation et de son leader. Ba Cissoko est né en 1967 à Kandara. "Enfant, je préférais le ballon à la musique et l’école buissonnière aux études" se souvient Ba. Son père, "un joueur de kora pas pédago du tout", inquiet pour le devenir de cet enfant turbulent, le confie à son oncle, le célèbre griot M’Bady Kouyaté, qui dirige à Conakry l’Ensemble Symphonique Traditionnel National de la République de Guinée. "C’est avec lui que j’ai tout appris de la tradition musicale de l’Ouest Africain et des finesses de jeu de la kora" raconte-t-il en forme d’hommage. "J’ai commencé comme tous les débutants par frapper la kora avec une baguette pour marquer le tempo, pour m’habituer à me produire devant un public. Ce n’est qu’ensuite que j’ai eu le droit de jouer." De baptêmes en mariages au sein du Théâtre National d’Enfant, le jeune Ba cultive le répertoire traditionnel mandingue et commence à se faire un nom.

Tamalalou

En 94, en parallèle de la formation familiale, il crée Tamalalou, son propre groupe avec Gilles Poizat, un jeune Arlésien installé à Conakry. "Gilles était en Guinée dans le cadre de la coopération. Joueur de trompette, il souhaitait découvrir les subtilités de la kora et m’avait contacté pour cela. Très vite, nous avons démarré un duo trompette-kora, puis avons appelé d’autres musiciens". Leur répertoire constitué dans un premier temps d’airs traditionnels, s’étoffe peu à peu de compositions. Groupe à cheval entre Afrique et Europe, Tamalalou profite durant l’été 95 du voyage de Ba à la Ciotat, pour se produire la scène du festival Nuits Métis. "J’accompagnais mon oncle M’Bady Kouyaté dans le cadre d’une résidence avec la formation marseillaise No Quartet". Tamalalou excite Marc Ambrogiani, le programmateur de la manifestation qui les reprogrammera les années suivantes et leur proposera même de travailler en résidence avec Ray Léma en 98. Dandala, un album auto-produit témoigne de cette aventure sans suite.

Family Affair

De retour au pays, avec ses cousins Sekou à la kora et Kourou au bolon, Ba fonde en 99 son trio qu’il gonflera plus tard en invitant Ibrahima Bah (surnommé Kounkouré), un percussionniste. "Notre premier concert a eu lieu à Bamako. Beaucoup de programmateurs étaient là, s’en est suivi deux mois de tournée en France" raconte-t-il. Depuis, le nom de Ba Cissoko qui partage son temps entre Conakry et Marseille, s’inscrit sur les affiches de nombreux festivals, dont Musiques Métisses à Angoulême où Ba avait déjà joué en 98 au côté de son oncle.

Conscient du potentiel du groupe, Christian Mousset leur propose d’enregistrer ce premier opus et invite le Malgache Tao Ravao à superviser ces séances. "Avec Tao, nous avons passé 4 jours à parler avant même de préparer cet enregistrement. Il nous a donné des conseils, tout en nous laissant une grande liberté" relate Ba avant de vider son verre de thé. C’est peut-être cette trop grande liberté, ce manque de parti pris qui affaiblit un peu ces enregistrements. Habitué aux chemins de traverses, entre autres à travers ses enregistrements d’égal à égal avec l’harmoniciste Vincent Bucher, Tao Ravao n’a manifestement pas osé cette fois-ci se placer en position de guide et insuffler une véritable direction. On peut le regretter, sans pour autant gâcher le plaisir de cette première trace qui en appellera d’autres.

Ba Cissoko Sabolan (Marabi) 2003