Milteau rêve toujours l'Amérique
Après ses aventures à Memphis-Tennessee pour un album qui lui valut une Victoire de la musique, Milteau est retourné aux Etats-Unis à la poursuite de son rêve américain pour y enregistrer Blue 3rd avec son fidèle ingénieur du son qui, entre-temps, a réalisé celui de Norah Jones. Rencontre.
Un bluesman français dans le New Jersey
Après ses aventures à Memphis-Tennessee pour un album qui lui valut une Victoire de la musique, Milteau est retourné aux Etats-Unis à la poursuite de son rêve américain pour y enregistrer Blue 3rd avec son fidèle ingénieur du son qui, entre-temps, a réalisé celui de Norah Jones. Rencontre.
Après Memphis, voici un nouvel album enregistré dans le New Jersey. Vous aviez un tel besoin d’Amérique ?
On ne va pas parler de besoin. Le précédent était enregistré à Memphis parce que c’est une ville qui est au croisement des musiques que j’aime : le blues, la soul, le rock. Pourquoi le New Jersey, cette fois ? C’est plus pour des raisons de facilités géographiques, car la plupart des invités qui figurent sur l’album sont basés dans la région de New York. De plus, le studio a été choisi par l’ingénieur du son Jay Newland avec qui l’on a travaillé sur Memphis et qui entre-temps a vendu quinze millions d’albums de Norah Jones. En fait, il a choisi ce studio car je souhaitais une certaine intimité dans le son, avec un son de l’harmonica proche.
Le casting avait déjà été réalisé avant le début de l’enregistrement ?
Tout à fait. L’idée de Blue 3rd était de rendre hommage à cette couleur bluesy. Mais je ne voulais pas faire du blues stricto sensu, car je ne m'en sentais pas le droit. Le meilleur du blues est derrière nous, c’est désormais plus une plate-forme, une forme d’expression. J'ai cherché des artistes américains pour lesquels ce blues soit un élément important de leur culture et qui en même temps ne s’exprimaient pas entièrement dans ce style musical. Le premier auquel j’ai pensé est Gil Scott-Heron, un artiste essentiel de la culture noire-américaine qui a rarement chanté des blues. Scott-Heron, qui est un des pères spirituels des rappeurs, m’a dit qu’il n’avait jamais chanté de chanson d’amour, aussi je lui ai dit banco. On a également contacté Terry Callier et comme on voulait une présence féminine, notre choix s’est porté sur N’Dambi, une chanteuse de Nu soul. J’avais aussi envie de travailler avec Howard Johnson qui joue du tuba et du sax baryton, à l’opposé de l’harmonica. C’est un peu l’éléphant et la souris. Je tenais à rencontrer ce héros inconnu qui a joué sur des centaines de disques depuis les années 50, à savoir Hugh McCraken, un guitariste rythmique qui a joué avec tout le monde, de James Brown à John Lennon en passant par Paul Simon, Aretha Franklin… Le line-up s’est construit comme ça et la direction musicale était assurée par Benoît Sourisse avec lequel je travaille depuis des années.
C’est un rêve d’Amérique que vous réalisez à nouveau après Memphis ?
Je suis né en 1950, et on avait alors une image qui était celle du «Pays de tous les possibles». A l’adolescence, lorsque je me suis intéressé au blues d’une manière fortuite par l’intermédiaire des groupes anglais, j’ai découvert une autre image, celle de la ségrégation. C’était l’époque de la lutte pour les droits civiques et la remise en cause de l’american way of life par des gens comme Dylan. Ce rêve américain pour les gens de ma génération est quelque chose qui perdure.
Dans votre album, il y a un morceau intitulé Paris blues interprété par Terry Callier, qui vous rejoindra lors de votre série de concerts au Sunset à Paris. Les Américains ont donc le blues de Paris ?
Terry a dû avoir une aventure avec une Française, c'est ce qu'il raconte dans la chanson. Mais Paris représentait une terre de tolérance à une époque où les noirs américains étaient maltraités. Et puis Paris, c'est une des capitales mondiales de la musique world parce qu'on y croise énormément d'artistes venus du monde entier, et pour quelqu'un comme Terry, c'est quelque chose de très touchant. Dans le monde du blues et de la musique noire en général, les artistes savent qu'ils sont bien accueillis à Paris.
Ce n'est pas difficile du coup, pour un harmoniciste de faire des disques avec des chanteurs ?
A qui le dites vous ! C'est peut-être plus facile avec un chanteur parce qu'il y a un côté "renvoi de la balle" comme dans le Chicago Blues de Muddy Waters, où ont défilé les plus grands harmonicistes du blues. Il y a un dialogue entre le chanteur et l'harmonica qui est unique et j'aime beaucoup jouer avec des chanteurs. Il y a ce côté "questions-réponses" et comme on est au milieu de l'orchestre et que l'on ne joue pas tout le temps, on est à la meilleure place pour profiter de la musique.
Blue 3rd (Universal Jazz) 2003
En concert du 14 au 24 janvier au Sunset à Paris.