Fred, le chanteur voyageur
Parmi une kyrielle de jeunes artistes trentenaires, auteurs d'un premier album, un avait particulièrement retenu notre attention en 2003, un dénommé Fred qui avec Sauter du nid, faisait une entrée remarquée dans le microcosme de la chanson. Des dizaines de concerts plus tard, seul avec sa guitare, le jeune musicien poursuit son chemin tranquillement. Rencontre.
Premier album enchanteur
Parmi une kyrielle de jeunes artistes trentenaires, auteurs d'un premier album, un avait particulièrement retenu notre attention en 2003, un dénommé Fred qui avec Sauter du nid, faisait une entrée remarquée dans le microcosme de la chanson. Des dizaines de concerts plus tard, seul avec sa guitare, le jeune musicien poursuit son chemin tranquillement. Rencontre.
Clarté d'esprit, justesse du jugement et talent à fleur de cordes de guitare… Il y a longtemps que l'orfèvrerie de la chanson n'avait pas accouché d'un tel diamant brut. Débarqué de presque nulle part, après avoir roulé sa bosse entre les forêts de Sologne et la Pampa de Patagonie, ce chanteur au regard clair et à la gueule de cinéma signe un condensé de trente ans de bourlingue. Un savoureux mélange de road story pop et de vindicte folk-rappeuse qui enchante tout ceux qui croise son chemin.
D'ou tiens tu les tendances rappeuses dans tes chansons. De ta jeunesse passée dans une banlieue parisienne où l'on a vu éclore des groupes comme la Rumeur ?
Non moi j'étais plutôt du côté des pavillons que des barres d'immeubles de Maurepas ou Trappes. Mais à l'époque, il est vrai que j'étais pas mal accroché par des mecs que je croisais qui faisaient du sound system et qui partait à tchatcher sur du rap ou du reggae. Un mec comme Bila Salu qui figure sur De c'côté du monde, avait des textes qui étaient terribles. Un jour, je lui ai demandé de venir faire comme un featuring. La partie où on entend : "Ecoute un malchanceux / J'viens pas jouer les merdeux / J'ai beau eu chercher du taf / J'ai rien trouvé à l'ANPE".
As-tu eu des commentaires de NTM sur ta reprise de J'appuie sur la gâchette ?
Un jour Kool Shenn - qui se trouvait dans un studio de mixage pas loin - a entendu cette version et il a dit à mon mixeur "Putain c'est cool ! A l'époque on écrivait bien".
Sous entendu : maintenant on écrit moins bien ?
Non, non, pas du tout ! Je pense qu'il voulait simplement dire que le texte était bien mis en valeur et qu'il était content de ce qu'il avait écrit à l'époque.
Penses tu un jour être traîné devant les tribunaux comme les rappeurs de Sniper pour une chanson comme Mister Cop ?
Non. Eux, Sniper, sont ciblés parce que c'est du rap. Il y a des trucs bien plus subversifs, bien plus critiques que cela dans la musique. Mais comme les arrangements sont fait d'une autre façon, que ce n'est pas du rap, cela passe inaperçu. Quand c'est fait avec une guitare et que cela ressemble à du Brassens, on trouve presque cela sympa. Mon texte en plus ne cible personne. Sans jamais être hargneux ou vulgaire, Georges Brassens a fait des trucs beaucoup plus subversifs en la matière.
Ce qui ressort de ta personnalité est également une image de grand baroudeur, de voyageur au long cours. Six mois en Amérique du sud, deux en Ethiopie… tu n'es pas vraiment casanier…
J'ai visité l'Argentine, la Bolivie, le Chili, le Brésil. Il y a un truc qui me pousse peut-être mais, dans d'autres cultures, c'est naturel. Par exemple, j'ai croisé des Allemands de mon âge à l'époque pour qui c'était un truc quasi normal que de filer à l'autre bout du monde après le bac. Chacun le fait différemment : j'ai croisé aussi un israélien qui voyageait seul en Amérique du sud, ce qui est rare. Il m'expliquait que la tendance chez lui, était d'aller après l'armée, claquer un an de solde en groupe avec d'autres potes israéliens et de faire le carnaval de Rio, quelques parcs naturels. De claquer un maximum de dollars sans même chercher à apprendre la langue ou comprendre l'univers dans lequel tu es immergé.
Et pour toi ?
Quand j'étais plus jeune, j'ai vécu à travers la système scolaire qui te met sur des voies, qui te donne un système de pensée et qui t'affirme que ce système est le bon. Il n'y a pas de place pour le doute ou alors, c'est que tu es mauvais élève. C'est un peu cela que j'ai perçu lors de ma scolarité. Et donc, bac en poche, je suis devenu ouvrier forestier pendant un an et après j'ai fait de la fac un peu et je suis devenu éducateur sportif. Les gamins m'ont fait péter les plombs. Un jour, j'ai pris un avion pour l'Amérique du sud, je cherchais un désert humain, une sorte de calme naturel du côté de la Patagonie. Après mon voyage en Ethiopie, quand je me suis retrouvé à enregistrer avec des artistes à Addis-Abeba, je me suis posé des questions. Quel est le rythme de vie dans lequel tu te sens le mieux ? Quels sont les gens que tu aimes fréquenter ? Rencontrer… Et là, il y a eu un certain déclic.
A quoi aspire t-on quand on est un jeune artiste de trente ans ?
Pas à être une star. Une étoile est filante. Mais je n'ai pas de message comme on me le demande souvent. Je n'aspire à rien d'autres que d'être moi-même. Il y a juste l'envie de m'éclater sur scène, jouer avec des gens. Et puis aussi peut être que des mômes de seize ans prennent l'envie en écoutant ce disque. Comme moi j'ai chopé l'envie, il y a quatorze ans en écoutant du Tom Waits ou du Noir Désir. La musique, que cela marche ou pas pour moi, j'en ferai toujours, il me suffit d'avoir ma guitare. La musique, c'est une branche de mon étoile.
Fred Sauter du nid St George / Sony