25 ans totalement Bratsch

Concentré totalement expansif de tout ce que les musiques d’Europe de l’Est peuvent évoquer, le répertoire de Bratsch s’est écrit au fil du dernier quart de siècle. A l’occasion du vingt cinquième anniversaire de cette formation pionnière à plus d’un titre, le label allemand Network propose Nomades en vol une anthologie dans sa nouvelle collection de long-box baptisée Portrait.

Une vraie famille musicale

Concentré totalement expansif de tout ce que les musiques d’Europe de l’Est peuvent évoquer, le répertoire de Bratsch s’est écrit au fil du dernier quart de siècle. A l’occasion du vingt cinquième anniversaire de cette formation pionnière à plus d’un titre, le label allemand Network propose Nomades en vol une anthologie dans sa nouvelle collection de long-box baptisée Portrait.

Belle longévité pour Bratsch qui affichait en 2003, 25 ans de carrière au compteur. Célébré par une anthologie, cet anniversaire est à l’image de celui d’une jeune fille qui n’ose pas avouer son âge. En fait, le groupe dont le nom est emprunté au Bratsche (alto), l’instrument rythmique des orchestres tsiganes, est réellement né en 75 de la rencontre de Dan Gharibian (bouzouki, guitare et chant) et de Bruno Girard (violon et chant). Déjà, les Bratsch n’avait pas de Bratsche. Qu’importe, ensemble, ils publient l’année suivante un premier album aujourd’hui épuisé, Musique de Partout. Rejoint en 77 par Pierre Jacquet à la double basse, ils enregistrent en 78 J’aime un Voyou, Maman, autre album également collector. Si le compteur peut enfin démarrer, il faudra tout de même attendre un premier Live à la Potinière (épuisé aussi) en 81 et surtout les arrivées successives de François Castiello à l’accordéon et au chant en 85 et de Nano Peylet à la clarinette et au chant en 86 pour que la famille Bratsch soit enfin réunie.

Car il s’agit bien d’une famille de cœur et d’esprit, en avance déjà sur l’état d’esprit qu’imposeront avec plus de virulence et de décibels encore les groupes rock alternatif de l’époque. Auto-gestionnaire et égalitariste, ils ont enregistré une douzaine d’albums dont une moitié sur leur propre label créé à la fin des années 80 (Niglo distribué en France par Socadisc), monté leur structure de tourneur et décidé de partager leurs cachets selon la règle toute simple de la division, éclairagiste et sonorisateur compris. Mais, dans ce groupe chacun a sa place. Chacun approfondit les possibilités de son instrument, plutôt que de vouloir jouer les hommes orchestre. Devenus virtuoses, ils savent décliner une palette impressionnante d’émotions, de sentiments fugaces ou profond.

Est-ce cet état d’esprit, qui déteint sur leur musique ou l’inverse, nul le sait vraiment. Pour Jean Trouillet, l’un des deux responsables du label Network qui produit ce Nomades en Vol: «ce sont de véritables anarchistes» clame-t-il «dans le meilleur sens du terme. Ils n’ont pas de frontières, pas de limites et ont su élaborer un processus créatif et social qui les conduits à parler d’une voix. Pas de façon doctrinaire, mais simplement parce qu’ils pensent la même chose, vivent la même chose. C’est un groupe que nous aimons furieusement» ajoute-t-il.

Alors, musiques de l’Est, klezmer, jazz, roms ou même d’Asie mineure ? Les 5, mon caporal, serait-on tenté de dire, s’il suffisait d’épingler des étiquettes pour qualifier leurs compositions empreintes de traditions. Les Bratsch n’ont que faire des dogmes et encore moins du pseudo renouveau des musiques qu’ils partagent avec leurs publics. Eux préfèrent parler de continuité, de musiques populaires vivantes en perpétuelle évolution ou pour satisfaire aux conventions des idéologues du rythme «de musiques pré-traditionnelles». «Nous jouons la musique qui sera demain considérée par les musicologues comme une forme de musique traditionnelle» expliquent-ils dans le livret fort bien documenté. Même les différentes influences qu’ils partagent au sein du groupe quoique tous originaires de la région parisienne ou du Limousin, s’inscrivent dans ce cheminement, car en Europe de l’Est comme partout dans le monde, il n’y a que des musicologues obtus pour imaginer que les musiciens des différents peuples qui composent les entités nationales ne soient jamais mélanger.

Les Bratsch n’ont rien inventé, juste donner un nouvel éclairage à des pratiques millénaires, raviver cet art convivial de la musique comme il était pratiqué dans les bars de Sébastopol, Bucarest ou Erevan et que le marketing voudrait aujourd’hui gommer par souci de simplification. «Musiques rêvées, musiques imaginaires» comme ils les qualifient eux-même, ces musiques du voyage sont à découvrir au fil de ses deux CDs rétrospectifs. Le premier couvre les années 88 à 94, tandis que le second prend le relais pour nous amener jusqu’à aujourd’hui. Un beau voyage à travers le temps et un chemin unique aux multiples senteurs où il fait bon flâner en compagnie de ces homme libres.

Squaaly

Nomades en vol Network (Harmonia Mundi) 2003